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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un roman familial qui brosse le portrait de Abd el Kader, un père émigré algérien installé à Grenoble avec sa famille en France, au début des années 1952. Ce père, ancien tirailleur pour la France, n'a fait que trimer dans des conditions frisant l'esclavage. Toute une vie vouée au labeur, au détriment de sa vie familiale. Ses enfants? Il est comme ses compatriotes: départ matinal, musette à l'épaule et retour entre jour et nuit, fourbu. L'auteur a voulu nous montrer, à travers ce roman intimiste, un pan de l'histoire coloniale et postcoloniale de l'Algérie et de la France. le chemin de croix emprunté par ces émigrés qui n'ont que la force de leurs bras. Abd el Kader lutte dans son exil pour survivre, pour ses enfants.
Une vie durant. Comment pouvait-il prendre du bon temps avec ses enfants, dans ces cas-là? Impossible. Il réussit quand même à élever sa progéniture cahin-caha. Mais honnêtement. Dans un monologue-dialogue avec son père, l'auteur de Les lampadaires du parc, dira: «Vous voilà revenus un demi-siècle en arrière, incapables de comprendre l'histoire des hommes. Les assassins de l'ombre t'enlèvent tes dernières illusions, cette illusion du retour si longtemps entretenue. Te voilà condamné à attendre derrière ta fenêtre (...) et à subir la lente dérive des mois.» «Vous avez, dans votre épreuve, cette chance d'avoir été convoqué dans ce pays d'une manière réglementaire, à une époque où chaque bras était nécessaire pour reconstruire la France. Aujourd'hui sur les côtes d'Algérie, les harraga brûlent leurs papiers d'identité avant de tenter de traverser la mer sur des radeaux. (...) Ils sont vos lointains descendants, plus d'un demi-siècle après vous, croyant trouver ailleurs ce que leur terre n'a toujours pas pu leur offrir. Après ton temps d'armée, tu avais cette unique idée de sauver ta peau, puis de sauver la nôtre.» Les exilés d'aujourd'hui lacèrent et embrasent leur existence sans la certitude de pouvoir s'en offrir une autre.
Les histoires littéraires issues des littératures des immigrations sont souvent touchantes, poignantes et teintées de nostalgie. Parfois, une fracture, une tranche de vie douloureuse, un cheminement personnel déchirant se restitue en merveille littéraire, écrite à la manière de catharsis par son auteur. Les douleurs, les souffrances, les chagrins, le manque de repères pour une génération prise entre ses origines et ses aspirations à suivre le cours de la modernité et ses sirènes. C'est le cas de Ahmed Kalouaz, avec son dernier-né Avec tes mains, un beau roman avec un jeu d'interpellation entre «je» et «tu», long échange fictionnel, puisque le père et le fils n'avaient jamais eu de réelle et sérieuse conversation. Un père enfermé dans son monde d'adulte dont le seul souci était d'assurer la pitance et un toit à sa nombreuse famille. Jamais un dialogue ne s'est pratiquement établi entre eux, à telle enseigne que le rejeton ne sait rien de son père. Sauf peut-être ce géniteur fruste et taciturne. L'écrivain Ahmed Kalouaz a un travail à accomplir: écrire l'histoire de son père, un hommage posthume à ce paternel qu'il aborde avec tant de tendresse et de douceur, retraçant l'enfance et la jeunesse de son père émigré en France. L'auteur avait tenté à plusieurs reprises de coucher sur papier ses souvenirs d'enfance, d'enregistrer les rares moments de conversation entre adultes captés au détour d'un rassemblement, d'une brève causerie entre compatriotes. Au crépuscule de sa vie, le père voulait retourner sur les terres de ses ancêtres pour y finir ses jours. Mais la conjoncture en Algérie (année 1994), une situation sécuritaire impossible oblige le vieil homme à prolonger son exil dans l'espoir de voir finir les folies meurtrières, le temps que tout se tasse, car ayant déjà acheté une maison avec ses économies. le fils s'y oppose mais l'appel est plus fort. Au final, le père décéda en exil sans avoir pu réaliser son rêve tant caressé. Il fallait probablement à Ahmed Kalouaz, le temps de s'affirmer non comme fils d'émigré, mais comme écrivain à part entière avec une vingtaine de livres où son histoire ne se devine qu'en pointillés discrets, pour qu'il envisage de replonger ainsi dans son histoire familiale pour nous la livrer nue. Il devait être également nécessaire que le protagoniste central ne soit plus là pour que la distance permette une évocation en toute liberté. Ce temps-là, cette expérience accumulée, a permis la naissance d'un livre intense et rare. Cette offrande d'une digne sépulture de mots, dans cette langue que l'auteur a fait sienne, à celui qui s'est fait enterrer au bled loin de sa famille est, par la pudeur et la sensibilité qui l'empreignent, forte et émouvante. Cette longue page d'histoire sociale redonne à travers l'hommage d'un fils à son père, la dignité qui fut trop longtemps refusée à ces «chibanis» oubliés ou méprisés, éternels étrangers, ici, là-bas, aux leurs et à eux-mêmes. «Superbe!»
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"Avec tes mains" est un hommage au père d'Ahmed Kalouaz. le fils retrace ici le parcours du père.
Orphelin très tôt, Abd el-Kader a dû mener sa route seul. Dans son Algérie natale, la misère est la compagne de tous les jours. Il faut travailler pour survivre, pour gagner sa pitance. Les rêves de jeunesse, il n'a pas le temps d'en avoir, même si parfois il arrive à s'échapper pour assister à une fête. Et quand sonne la deuxième Guerre mondiale, c'est tout naturellement qu'il gagne le sol français en tant que tirailleur.
Il y revient quelques années plus tard, espérant y trouver un avenir. Mais la vie est rude pour les immigrés sans éducation, ni sachant pas lire et parlant à peine le français. Sa seule force est celle de ses bras, de ses mains. Alors, il travaille sans relâche, fait venir sa famille. Il faut nourrir tous ces enfants qui naissent les uns après les autres. Il n'a pas de temps pour la tendresse, mais a un courage extraordinaire.
Pourtant parfois, il est amer. Et comment ne pas l'être ? Lui qui a donné sa jeunesse aux champs de bataille n'a jamais obtenu la reconnaissance des Français. Par contre le racisme, il le côtoie tous les jours. Dans la cité la vie devient difficile, et les prêcheurs se font de plus en plus présents. La religion est de retour, mais elle emprunte maintenant la voie du fanatisme.
Le temps passe, la retraite arrive. Il a bien du mal à comprendre comment vivent ses enfants et petits enfants. L'époque a changé. Mais lui est resté le même. Son dernier souhait est qu'à sa mort, son corps rejoigne sa terre natale. Il sera exaucé.

C'est avec une très belle écriture qu'Ahmed Kalouaz nous livre ce portrait. Pas de sentiments exacerbés mais une infinie tristesse transparaît dans ce récit. Les regrets affleurent, notamment le manque de communication avec son père. Enfin une grande lucidité est déployée pour décrire les évènements de la grande Histoire : la guerre, l'immigration, l'indépendance de l'Algérie, la vie dans les cités.
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très sobre, manque un peu d'humour, mais bon, la vie d'un travaileur émigré algérien dans les années 50 et plus, ce n'était pas toujours une partie de rigolade.
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L'histoire de cet homme m'a beaucoup touchée. Tout au long de ma lecture, je pensais à mon grand-père, à ce qu'il a du vivre lorsque, lui aussi, il a fait le voyage seul depuis le Portugal, laissant derrière-lui femme et enfants pendant une année (ou plus?), espérant trouver un travail moins difficile pour lui que ce qu'il faisait au pays (tailleur de pierres). Résultat, lui non plus, la vie ne l'a pas épargné, et toute sa vie, il a travaillé de ses mains. Mais je n'ai pas cessé de penser que pour lui, cela avait du être plus facile. La barrière de la langue y était, certes, mais les langues étant plus proches, et l'alphabet étant identique, il n'a pas eu la barrière de l'écrit si forte toute sa vie. En français, bien sûr, il lui manquait des mots. Mais il était volubile, il aimait raconter. Il racontait des blagues que je ne comprenais pas à cause de son accent. Je riais pour lui faire plaisir, et parce que j'aimais le voir rire, fier de lui d'avoir raconté sa blague.
Lien : http://tatie-scribouillis.ov..
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