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EAN : 9782707112224
267 pages
La Découverte (01/10/1988)
4/5   2 notes
Résumé :
"Nous nous sommes rencontrées dans ce livre", a écrit Eva Kanturkova en tête de la première édition de ces entretiens, édition "non officielle" - samizdat dactylographié - faite à Prague en 1980. Ce n'est pas le féminisme qui cimente la rencontre de ces treize femmes, en comptant l'auteur lui-même. Elles n'ont réellement qu'une seule chose en commun, c'est de ne pas s'être inclinées devant la "normalisation" de leur pays. Signataires de la Charte 77, membres du VON... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le sort de ces « Douze femmes à Prague » est parfaitement symbolisé en 1re de couv. de ce livre, avec le dessin de ce papillon qui porte l'inscription Charte 77, et qui est enchaîné au boulet qui le retient et l'empêche de s'envoler.

L'auteure, Eva Kanturkova, a une carrière remarquée dans la littérature, le journalisme, la radio et la télévision. Elle a été signataire et porte-parole de la Charte 77, comme les 12 femmes qu'elle a rencontrées et interrogées, et dont les entretiens ont été regroupés dans cet ouvrage.

Elles sont pugnaces, ces femmes, elles ont de fortes personnalités !
Elles sont les épouses d'intellectuels, de philosophes, de professeurs d'université, d'écrivains, de scientifiques, et elles sont elles-mêmes pour la plupart, écrivaines, psychologues, ou artistes…
Elles se sont opposées à l'absurdité, à l'injustice et à l'immoralité qui les entouraient, parce que le monde de Franz Kafka et de George Orwell n'était plus depuis longtemps une fiction littéraire !
L'absurdité ? -C'était la réalité qui était absurde, et elle ne menaçait pas que la Tchécoslovaquie, mais tout le reste du monde !

Ces douze femmes ont toutes une chose en commun, c'est de ne pas s'être inclinées devant le régime totalitaire qui maintenait l'ordre avec sa « normalisation » en Tchécoslovaquie au nom de « l'unité de la communauté des pays socialistes » depuis l'invasion du pays par les troupes du Pacte de Varsovie le 21 août 1968 et puis son occupation par les Soviétiques.
Cette date du 21/08/1968 mettait fin au « Printemps de Prague » (débuté le 5 janvier 1968, avec l'arrivée au pouvoir du réformateur Alexander Dubček).

« La Charte s'est embrasée comme un soleil, comme un nouvel espoir. »
En décembre 1976, une pétition intitulée « Charte 77 », commence à circuler et à être signée par des personnalités du monde des arts, des professeurs d'université, des citoyens lambda …, qui rappellent publiquement au gouvernement son engagement concernant le respect des Droits de l'homme figurant dans l'Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe signé à Helsinki en 1975.

Parmi les auteurs et les 1ers signataires de cette Charte, il y avait notamment Vaclav Havel, l'auteur dramatique et futur Président de la République tchécoslovaque (avec la « Révolution de velours »), et l'écrivain Pavel Kohout.

Ces douze femmes ont toutes signé cette charte et en ont été porte-parole, à tour de rôle.
Elles n'ont pas fait l'autruche, ne se sont pas résignées, ni contentées des quelques avantages offerts par les autorités, en contrepartie d'une obéissance absolue ; elles ont toutes perdu leur travail et n'ont pu retrouver du travail dans leur profession.
A elles, les postes de vendeuses, de femmes de ménage, etc.
Leur indépendance d'esprit et leurs opinions non conformistes leur ont valu d'être reléguées dans une « communauté des exclus », -des exclus de la vie normale, s'entend.

Les autorités ne s'intéressent à elles que pour les harceler, les réprimer, les poursuivre, les emprisonner, elles, dont les maris purgent des peines de prison parce que leurs écrits ne sont pas en accord avec l'idéologie du régime communiste en place, ou parce que l'enseignement qu'ils délivrent à leurs étudiants déplaît au pouvoir…

Le régime politique tchécoslovaque considérait qu'une pensée incorruptible, une création libre, un civisme critique et une solidarité humaine étaient ses plus grands ennemis.
Le plus affreux dans un tel système totalitaire, c'est qu'il apprend aux gens à s'adapter au pire et à se taire !

Quand Eva Kanturkova interroge ces femmes, courageuses et combattives, et leur demande quel est le moyen le plus efficace pour que les gens ne se taisent plus par crainte, elles répondent qu'il faut éduquer les citoyens (et pas uniquement par des paroles et des écrits), mais au moyen d'actions communes d'activités civiques, sociales, syndicales, éducatives, culturelles ou récréatives, dans une bonne coexistence humaine et dans un style de vie libre et non conformiste.
C'était l'éthique même de la Charte 77, qui a réussi à créer une communauté de gens qui ont tenté de surmonter leur peur et de dire la vérité en toutes circonstances, de dire ce qu'ils pensaient en dénonçant publiquement les mensonges de l'Etat.

Dans leurs entretiens, ces femmes parlent bien aussi de la grande cohésion et de la solidarité qui existaient entre signataires de la Charte et ses sympathisants ; elles allaient voir les gens pour leur demander s'ils avaient besoin d'aide, et pour soutenir avec beaucoup de dévouement les personnes qui étaient dans le désarroi, suite à des intimidations, ou à l'emprisonnement d'un proche.

Le « voeu pieu » du pouvoir et de la Sécurité d'Etat : « Si vous restez tranquilles et que vous travaillez comme il faut -comme terrassiers, chauffagistes, manoeuvres, manutentionnaires ou femmes de ménage-, nous vous laisserons également tranquilles. Nous vous laisserons vivre en paix. »
Il ne manquerait plus que ça !

Ces douze femmes expliquent à quelles situations elles sont confrontées et dans quelles détresses elles se retrouvent.
Parmi elles, il y a notamment une star de la pop-music, Marta Kubisowa, dont la chanson « Prière pour Martin » a été chantée par les tchèques, en 1968, à l'égal de l'hymne national !
Après l'invasion, Marta avait enregistré sa chanson pour un programme TV intitulé « Nous sommes avec vous, soyez avec nous », slogan par lequel le peuple invitait (en vain) ses représentants politiques à faire preuve d'une véritable responsabilité. Cela, plus sa sympathie envers Alexander Dubček, a fait que le pouvoir totalitaire a monté contre elle une affaire de moeurs, avec l'utilisation de photos pornos truquées. Elle fut définitivement « liquidée », sur le plan matériel, physique et spirituel ! Elle n'a plus eu le droit de se produire en public pendant une dizaine d'années. Son cas est cité dans le livre de Mariusz Szczygiel, « Gottland ».
Et cet autre cas, celui de Julius Tomin, mari de Zdena Tominova.
A l'université, il enseigne les philosophes de l'Antiquité. Il est privé de son poste dès 1970.
Têtu, et acharné à sa mission d'enseignant, il tente de continuer à donner des cours à son domicile.
On l'inculpe. On l'emprisonne. Après son emprisonnement, il trouve un emploi de gardien de nuit au zoo ! Sa femme Zdena, elle, se fera agresser violemment et elle ressentit, dit-elle, les effets de la commotion cérébrale encore 18 mois après !
Certaines de ces femmes, comme Jarmila Belikova, après avoir signé la Charte, et perdu son emploi, tombe malade en prison et elle devra attendre 2 mois, des soins qui ne viennent pas…conséquences :
graves problèmes thyroïdiens, perte de cheveux et déchaussement des dents !
Voilà quelques cas, mais il y en a malheureusement de nombreux autres, qui sont racontés dans ce livre d'entretiens.

La majorité d'entre elles (10 sur les 12) ont décidé de ne pas partir de leur pays (comme la police d'Etat les incitait à le faire), elles qui avaient leurs maris en prison, elles qui devaient s'occuper de l'éducation de leurs enfants, enfants qui eux-mêmes étaient harcelés et ne pouvaient pas suivre (ou poursuivre) leurs études, simplement parce que leurs parents étaient signataires de cette charte !
En agissant ainsi, le régime rejette une masse de jeunes, il les endurcit et fait d'eux des adversaires, sinon des ennemis. « Les jeunes n'aiment pas se racheter, ils préfèrent conquérir et ils réclament les droits de l'homme à plus haute voix que nous, leurs aînés. »

Dans un système totalitaire, toute police est une force en elle-même, une force incontrôlable, qui a carte blanche pour réprimer toute manifestation de désaccord.
Les pays socialistes signent bien les conventions internationales sur les droits de l'homme.
Quant à les faire respecter… c'est une autre affaire !

Dans ce contexte, je trouve particulièrement remarquable et touchant le combat que ces femmes ont mené !
« le monde devra renoncer à l'autoritarisme s'il veut être sauvé. »
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Romancière tchèque et cosignataire de la " Charte 77 " , passa du statut d'écrivain communiste reconnue à celui d'interdite de parution . Mérite probablement d'être lue .
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Un feuillet double couvert d’une écriture menue et serrée :
le prisonnier épargne le moindre centimètre du papier de format réglementaire mais le censeur, lui, ne ménage pas l’encre de Chine.
Il y avait tantôt dix lignes noircies, tantôt une demi-page barbouillée de noir. Ce que le censeur de la prison d’Ostrava suspecte le plus, ce sont les rêves : dès que Jiri commence à décrire un rêve trop vivant, celui-ci parvient à Elzbieta tout barbouillé de noir.
(p.43) – Elzbieta Lederova : « Je suis là de mon propre gré. »
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Je souhaitais vivre ici car tout y est tellement proche et comme illuminé d’une sorte de grâce immanente et de gravité. Un paysage où il y a les églises, les statues et les tableaux que j’aime tant. On y voit briller les lumières des maisons, des feux vers lesquels je chemine. Sans que je sache rien de mes racines, elles me tenaient fermement et m’ont fait grandir. De plus, j’étais tout à fait éloignée des gens ; je les voyais comme des créatures incompréhensibles et apparemment menaçantes qui poursuivaient quelque chose de précis et ne voyaient que cela, ou qui étaient au contraire amorphes et avides de n’importe quoi.
(p.114) – Vera Jirousova – « Je souhaite toujours me trouver là où converge la poésie, maintenant comme plus tard. »
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« … je pense que tout irait mieux dans le monde si les gens étaient obligés et avaient la possibilité de se connaître les uns les autres. Il serait plus facile de faire aboutir certaines campagnes d’éducation.
Une osmose qui ne tienne pas compte des frontières est la seule chose qui puisse faire du bien à l’humanité et non lui causer du tort. Et puis je pense que le transfert du pouvoir politique aux mains des femmes serait littéralement un acte de sauvetage. Les femmes prennent leurs décisions avec beaucoup plus de circonspection car elles savent le prix de la vie. Elles savent combien de douleur coûte un petit être, combien d’énergie maternelle il requiert avant d’être sur pied. »
(p.225) – Marta Kubisova – « Dès que nous nous attachons obstinément à quelque chose, la réussite commence à nous fuir. »
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Il m’arrive d’avoir peur. Nous vivons dans un vieil immeuble, la porte ferme mal, ils sont derrière la porte, jour et nuit. Nous entendons leur moindre rot, leur moindre soupir ou parole, et eux ils entendent de la même façon. Quand je vais faire pipi, ils l’entendent ; quand je joue avec mes enfants, ils l’entendent. Quand je prends une douche, je tiens toujours une serviette entre moi et la porte. On ne peut pas voir à travers la porte, bien entendu,
et cependant j’ai peur qu’ils ne me voient.
La maison s’est transformée en cage.
(p.69) - Zdena Tominova « C’est en soi-même que chacun prépare l’avenir. »
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