Esther et David après avoir vécu heureux à Sfax dans le Sud tunisien, se sont retrouvés à Paris par la force de l'Histoire. Malgré ce si radical changement, leur amour, leur bonne humeur, leur vitalité triomphent d'un quotidien beaucoup moins ensoleillé.
Mais un jour, alors qu'il racontait, comme à son habitude, une histoire drôle à Esther, David est renversé par une grosse voiture allemande et meurt en riant encore.
Esther n'arrivant pas à surmonter ce choc, va s'évader dans des rêveries historiques, puisque l'Histoire fut sa spécialité d'enseignante à Sfax. Son délire devenant très inquiétant, ses proches décident alors de la faire interner dans la clinique psychiatrique du Docteur Bellaïche.
Ce roman de
Claude Kayat est un vrai régal d'inventivité, d'humour, de dérision et surtout d'amour. Car Esther et David sont liés au-delà de la mort par cet amour complice qui a enchanté leur vie. Si la mort de David est tellement dépourvue de sens que même Dieu ne pourrait la justifier, Esther va en faire un acte de justice en imaginant son époux nimbé du pouvoir des héros et capable d'arrêter quelques grands criminels de l'Histoire.
Hitler et Mussolini bien sûr, mais Louis IX aussi se retrouvent ainsi enfermés dans une cage devant les remparts de Sfax. Vercingétorix, Charles Martel et Bayard seront eux les complices de David dans cette croisade des justes.
On se régale en effet, à suivre les péripéties de ces preux mais aussi à retrouver les souvenirs d'Esther.
On a parlé d'humour juif à propos de ce livre et même de l'oeuvre de
Claude Kayat en général mais je crois qu'il faudrait plutôt évoquer l'humour sfaxien. Car n'étant pas d'origine juive, j'ai retrouvé ici les anecdotes, les jeux de mots, l'ironie et l'irrespect de mes proches et amis de Sfax, juifs ou pas. La mère possessive, le père s'assurant d'un bon mariage, le gendre peu religieux et fantasque sont des constantes méditerranéennes. Une des scènes les plus drôles du livre narre ainsi la rencontre du prêtre de la ville avec un Jésus décloué de sa croix par la bande à David.
Iconoclaste, anarchiste, fraternel, l'humour de
Claude Kayat n'a ni de Dieu, ni de maîtres et se voudrait libérateur de la folie guerrière et de la soif de pouvoir. Il me fait songer à un autre écrivain que j'aime beaucoup, égyptien lui,
Albert Cossery.