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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Même si ce livre n'est pas en large vision, ce qui reste le plus confortable encore pour moi, j'aurais préféré qu'il soit vraiment imprimé en noir, pas en gris foncé… cela fait certainement peu de différence pour quelqu'un qui voit bien, mais cela m'a contrainte à ne pas pouvoir lire plus de 10 pages d'affilée… C'est peut-être à cause de cette lecture hachée que j'ai eu du mal à entrer dans le livre au début, puis au fil des pages, les passages à la première personne dans la bouche d'Agnes Magnúsdóttir (ou Jonsdóttir, qui est son vrai père?) se font de plus en plus nombreux pour entrecouper et vivifier la narration à la troisième personne. Quelques poèmes s'intercalent également, ainsi que des lettres officielles (rapports de police, échanges avec Copenhague). La forme est assez originale, le blizzard moins présent que dans d'autres livres sur l'Islande. L'histoire m'a rappelé Nuage de cendre, de Dominic Cooper, qui se passe aussi en Islande, quelques années plus tôt (1783). Des jeunes gens y étaient aussi condamnés à mort, mais avec un mode de jugement sans doute plus juste que celui proposé ici: comme je l'ai étudié en ethnographie, dans l'Islande sous tutelle du Danemark, les jugements de peine de mort étaient rendus par l'assemblée populaire annuelle traditionnelle, pas par un tribunal cantonal comme ici, puis confirmés à Copenhague.
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Islande – pays des sagas, 19ème siècle, dans les contrées austères du nord.
Agnes Magnúsdottir, servante, est condamnée à mort pour le meurtre de son amant. La sentence sera appliquée au plein coeur de l'hiver. En attendant, elle est condamnée à l'attente chez un couple de fermiers, dans la vallée où elle a grandi. La famille est d'emblée hostile à cette femme marquée du sceau de l'effroyable. Un révérend se charge de préparer la condamnée au châtiment et à l'après. Comme elle rejette toute parole venant d'en haut, il va plutôt lui tendre une oreille attentive. Alors, cette femme résignée, que la vie semblait avoir désertée, commence prudemment à raconter son histoire, à dévider le fil d'une vérité qui la conduit au coeur de l'humanité.

« A la grâce des hommes » est « une oeuvre de fiction basée sur des faits réels », comme le souligne l'auteur, Hannah Kent à l'issue de l'intrigue. C'est aussi un roman de l'attente, du temps de suspension, d'une vie réduite au point inéluctable de l'anéantissement. Et pourtant, ce temps de l'avant est empli de vie, de passion, de questionnements et de doutes, d'espoir parsemé çà et là, porté par une écriture pudique, tout en tact et retenue.
Le roman alterne brillamment les voix narratives : une première, distanciée, rapporte au passé les faits et états d'âme des protagonistes. On découvre à cette occasion la vie austère et rigoureuse des fermiers en Islande au 19ème siècle, sous le joug des conditions climatiques extrêmes ; une seconde, celle d'Agnes, de son attente impuissante, rendue par un « je » conjugué au présent. L'auteur magnifie la fragilité, l'humanité et la force de cette femme qui, par petites touches de mots adressés à ceux qui l'entourent, saura esquisser un portrait plus juste d'elle. Au fond, elle apparaît comme la femme qui illustre la couverture du roman : la bougie qu'elle tient vient la révéler, à la fois ombres et lumière, celles du désir, de l'humain.
« Dès lors, comment pourrais-je décrire l'instant où j'ai compris que je venais de trouver ce que je désirais ardemment sans le savoir ? Mon esprit en a perdu la trace. Seul demeure le souvenir de ce désir. Un désir si vif, si apte à me pousser vers les ténèbres, qu'il m'a terrifiée. » (p. 235.)

« A la grâce des hommes » pose la question du rapport à la vérité, à la mémoire et au récit de soi pour l'autre. Comme le souligne Agnes : « Nos souvenirs sont aussi mouvants qu'un tas de neige poudreuse en plein vent. Aussi trompeurs qu'une assemblée de fantômes s'interrompant les uns les autres. Seule demeure en moi la certitude que ma réalité n'est pas celle d'autrui. Partager un souvenir, c'est risquer d'entacher ma mémoire des faits. […] Comme la fine pellicule de glace sur l'eau d'un étang, la vérité est trop fragile pour mériter notre confiance. » (p. 139.)
Les conditions climatiques extrêmes offrent un cadre idéal à l'intrigue, marquée par l'attente : la neige vient figer les paysages dans une blancheur immaculée, l'attente d'Agnes devient éternité, les brouillards abolissent les frontières de l'espace : l'ailleurs ouvre une béance dans l'écoulement du temps, venant faire vaciller les contours de la raison.

Même si l'intrigue semble parfois s'appesantir dans une attente figée, « A la grâce des hommes » est un roman poignant sur la fragilité humaine. Je tiens à remercier Babelio ainsi que les éditions Presses de la Cité qui, dans le cadre de l'opération Masse Critique, m'ont permis de faire cette belle découverte.
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Quelle terrible histoire que ce roman de fiction noire mais tiré de faits réels.
Roman ou l'on va suivre la condamnation à mort de deux personnes pour le meurtre sanglant d'un fermier, dont Agnès qui sera la protagoniste principale.
Cette période terrible se déroulera au coeur de l'hiver en Islande en XIX siècle, dans le froid glacial et des conditions de vie précaire du à l'époque, Agnès sera reconnue coupable du meurtre de son amant et en attendant son exécution à la hache, elle sera placée chez un couple de fermiers comme servante.
Au fil des mois elle va s'habituer à cette famille au début hostile à sa venue jusqu'à arrivée à se confier à la fin.
J'ai adoré la narration toute particulière ou à travers le récit on est plongé directement dans les pensées d'Agnès ce qui apporte une force émotionnelle tout au long des chapitres.
Plongé dans ces paysages sombres, glacials et brumeux vous ressentirez cette ambiance si dérangeante ou l'espoir sera nourri jusqu'à la dernière ligne.
Une oeuvre qui ne laissera aucun de nous de glace et qui continueras dans nos mémoires un bon moment ou la cruauté de la vie et la grâce des hommes prend tout son sens.
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Cette auteur australienne s'est inspirée d'une histoire vraie pour raconter la vie d'Agnes Magnúsdóttir en Islande au XlXème siècle. Agnes est accusée de complicité pour le double meurtre de Natan Ketilsson et Pétur Jonsson. Elle est condamnée à mort. En attendant d'être exécutée, Agnes est placée dans la ferme de Jon Jonsson, le policier du canton, dans la campagne islandaise, à Kornsa. Son arrivée n'est souhaitée par personne, le fermier et sa femme ont peur pour leur sécurité et celle de leurs deux filles. Seul Tóti, le sous-révérend, va être un soutien pour elle, il a été chargé de préparer Agnes à sa mort prochaine. Pour cela, il va lui demander de lui raconter toute sa vie. Visites après visites, Agnes va pouvoir donner sa vérité et le lecteur découvre vraiment qui est cette femme.
L'environnement a également toute son importance, les conditions de vie dans les fermes du nord de l'Islande sont rudes.
Un livre bouleversant et passionnant.
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A la grâce des hommes (Burial rites), qui s'inspire d'un fait réel, est le premier roman d'Hannah Kent, et si l'auteur est australienne, le récit se déroule en Islande, au XIXème siècle. L'auteur a choisi un sujet qui lui tient à coeur et sur lequel elle s'est documentée durant plusieurs années. Elle nous parle de l'islandaise Agnes Magnusdottir qui fût la dernière femme condamnée à mort en Islande. Si le roman est fictif, l'auteur a tissé son histoire à partir de ses recherches et beaucoup de personnages et de faits ont réellement existés. Quel pari risqué pour un premier roman ! Et pourtant l'auteur s'en sort haut la main et nous livre une histoire bouleversante qui a été traduite dans de nombreuses langues et a déjà reçu de prestigieux prix littéraires. Un succès que je trouve amplement mérité !

Au début du livre, Agnes Magnusdottir est déjà condamnée à mort et elle est sur le point d'être transférée dans une ferme jusqu'au jour de son exécution dont la date n'a pas encore été fixée. Tous les personnages semblent un peu dépassés par les événements, surtout qu'ils se retrouvent, pour la plupart, dans une situation qu'ils n'ont pas choisi. La famille chez qui la meurtrière est envoyée est en colère et effrayée de devoir accueillir cette diablesse, le jeune révérend qui doit lui rendre visite chaque jour se demande pourquoi il a été choisi et s'il arrivera à assurer cette fonction, quant à Agnes, personne ne lui demande son avis ni ne l'informe des changements qui vont avoir lieu.



le récit est entrecoupé de nombreux documents : des lettres, des documents officiels, des poèmes et des chants islandais, des extraits de sagas, etc... Il y a également, au début du livre, des informations très utiles sur les patronymes islandais qui sont un peu complexes, une carte de l'Islande sur laquelle on retrouve les lieux dont il est question dans le roman ainsi qu'une note de l'auteur sur la façon dont on prononce les noms en islandais. C'est utile et très intéressant. On est en immersion totale dans l'Islande du XIXème siècle et ça fait froid dans le dos. Entre les enfants abandonnés, les servantes maltraitées, la misère, la mort, la faim, les maladies et le froid qui semble prêt à tout engloutir, il n'y a pas grand chose de réjouissant. Les hivers sont rigoureux et la population se raccroche de toutes ses forces à la religion et aux superstitions, priant pour échapper au diable. Les ombres sont partout. Les esprits des disparus semblent nous tendre les bras, près à nous emporter avec eux dans les eaux glaciales et noires de la mer.

L'auteur a réussi a créer une atmosphère incroyable dont on se sent presque prisonnier. Tout est sombre, glacial et oppressant. On a parfois l'impression de manquer d'air. Cette sensation est renforcée par la promiscuité forcée des personnages. Si vous vous imaginez qu'Agnes a été remisée dans une pièce à part fermée à double tours, détrompez-vous ! Tout le monde vit et dort dans la même pièce. Les gens s'observent, s'épient et il n'y a aucune intimité. Vous respirez la sueur et la crasse des autres, vous dormez dans les ronflements d'autrui et faites vos besoins devant eux en espérant qu'ils n'ouvrent pas les yeux... Même lorsqu'Agnes se confie, il y a toujours une oreille forcée d'entendre ses paroles même si elle n'en a pas envie. Et malgré, tout, quand on lit, on oublie parfois qu'il y a d'autres personnes à proximité, au moins jusqu'à ce que l'auteur vienne nous le rappeler, bouleversant ainsi les images qui s'étaient formées dans notre esprit et on a l'impression d'être, nous aussi, avec eux dans cette pièce. C'est assez déroutant comme expérience. Ce roman est un huis clos vraiment étrange et unique en son genre !



L'écriture de l'auteur est vraiment très belle. Parfois agressive, crue, mais souvent pleine de poésie, elle m'a fait penser à celle de Susan Fletcher que j'apprécie énormément. J'ai été totalement fascinée par cette histoire, incapable de reposer mon livre ou de me sortir Agnes et son histoire de l'esprit. Au fil des pages, Agnes se livre, revient sur sa vie dans cette Islande austère, glaciale et violente, nous parle de son enfance, des gens qu'elle a aimé, de ceux qu'elle a perdu. Elle nous livre ses rêves, ses espoirs et ses désillusions et on la découvre en même temps que l'on découvre les moeurs et ce que pouvait être la vie dans ce contexte. C'est un roman bouleversant que je n'oublierai pas de sitôt et que je vous recommande fortement si vous aimez les huis clos et/ou si vous êtes curieux de découvrir d'autres lieux, d'autres époques car je pense que l'auteur nous dévoile ici un visage de l'Islande du XIXème siècle qui doit être proche de la réalité, ce qui est encore plus effrayant...

En quelques mots :

Hannah Kent signe ici un premier roman violent et bouleversant qui nous enferme avec ses personnages dans un huis clos terrifiant et glaçant au coeur de l'Islande du XIXème siècle. Si le récit est fictif, il est inspiré de nombreux faits réels et sonne terriblement juste.
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Le début du livre est un brin déroutant et m'a demandé un petit temps d'adaptation. Il alterne entre le récit de la captivité de Agnes Magnúsdóttir, mais narré par différents personnages, dont Agnes, et la lecture de documents officiels d'archive en relation avec l'affaire. Passé cela, j'ai lu avec attention l'histoire d'Agnes, mais j'ai surtout apprécié la découverte de la vie en Islande au début du XIXème siècle. Une vie très rude, plutôt une survie même. Coupable ou non coupable ? le lecteur peut se poser la question, mais je n'ai pas trouvé que c'était l'élément le plus important de l'histoire. Au fil des pages, on en apprend plus sur Agnes, mais l'on voit aussi des relations se nouer entre ses "gardiens", le pasteur sensé lui faire expier ses péchés... et on en découvre toujours plus sur l'Islande, la vie des fermiers dans leur maison en tourbe, la vie rythmée par les saisons. Même si la vie d'Agnes est romancée, elle semble très probable, ainsi que sa fin.

L'écriture de Hannah Kent est facile à lire. J'ai trouvé intéressante sa façon de faire narrer l'histoire par différents personnages et d'alterner avec des documents officiels. Cela rythme bien le récit.

Agnes est une femme intéressante, "trop" cultivée pour sa situation (servante dans des fermes),elle le paiera très cher. le récit de sa vie nous fait découvrir la hiérarchisation de la société en Islande et il est facile de se prendre d'affection pour elle, bien que certaines de ses réactions nous fasse réviser notre jugement sur son caractère et son éventuelle culpabilité. Qui est Agnes ? Nous ne le saurons jamais.

Au final, j'ai trouvé cette lecture très intéressante,surtout par la découverte de la vie en Islande au début du 19ème siècle.
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Un roman dont les personnages nous hantent encore une fois le livre terminé. Un de ces romans après lesquels on a pas envie de replonger tout de suite dans une autre histoire. Un roman passionnant, touchant et émouvant pour lequel l'auteur a du faire un travail de recherche énorme mais le résultat est à la hauteur. J'ai plongé dans cette Islande glaciale dès les premières pages, on découvre rapidement la trame de l'histoire : un double meurtre a été commis suivi d'un incendie. Les trois accusés ont été condamnés à mort, parmi eux Agnès, qui sera envoyée dans une ferme jusqu'à sa sentence. Et c'est ainsi que nous vivrons les derniers jours de la dernière femme islandaise condamnée à mort au coeur d'une famille humble et bonne, découvrant ce qu'il s'est vraiment passé la nuit du meurtre.
Merci à Babelio et aux éditions presses de la cité de m'avoir fait découvrir ce magnifique roman. Une plume juste et délicate pour une histoire bouleversante dans un pays que j'affectionne tant.
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« Ils disent que je dois mourir. Ils disent que j'ai volé à ces hommes leur dernier souffle et qu'ils doivent voler le mien. Comme si nous étions des bougies - je vois palpiter leurs flammes graisseuses dans l'obscurité et le mugissement du vent. Et je crois entendre des pas déchirer le silence. D'horribles pas qui viennent à moi, qui viennent pour éteindre et emporter ma pauvre vie dans un ruban de fumée grise. Je me disperserai dans l'air nocturne. Ils nous éteindront tous, un à un, jusqu'à ce qu'ils ne s'éclairent plus qu'à la lueur de leurs propres bougies. Où serai-je alors ? »


Fiction basée sur des faits réels, « A la grâce des hommes » raconte l'histoire de la dernière condamnée à mort d'Islande, Agnès Magnusdottir, en 1830. Agnès était servante dans la maison de son amant, Natan, au moment où celui-ci a été retrouvé sauvagement poignardé. Présente sur les lieux, elle est interrogée par les autorités qui la condamnent pour meurtre avec préméditation : Elle est condamnée à la peine maximale encourue à cette époque, la peine de mort.



« Pendant le procès, ils ont picoré mes mots comme une nuée d'oiseaux. D'affreux oiseaux, vêtus de rouge et boutonnés d'argent. Têtes penchées, becs serrés, ils fouillaient mon âme en quête des baies rouges de la culpabilité. Ils ne m'ont pas laissé raconter les événements à ma façon : Ils se sont emparés de mes souvenirs de Natan, de mes images d'Illugastadir, et les ont distordus jusqu'à les rendre méconnaissables. Ils m'ont arraché une déposition qui faisait de moi une femme vile et malveillante. Tout ce que j'ai dit m'a été volé ; tous mes mots ont été altérés jusqu'à ce que cette histoire ne soit plus mienne. »


Selon les autorités, elle avait deux complices qui sont eux-aussi condamnés à la peine de mort : Fridrik, l'ennemi de Natan, Sigga, sa jeune gouvernante à l'air ingénu. En attendant que tout soit prêt pour leur exécution (hache, gradin, etc…), ils sont détenus séparément près de leur lieu d'exécution : Agnès est hébergée dans la ferme familiale d'un policier. Lors des visites quotidiennes du révérend à la condamnée, celle-ci lui raconte son histoire et sa version des faits, que nous découvrons donc au fil des pages.

*****
Merci à Babelio et aux éditions Presses de la Cité pour l'envoi de ce livre dans le cadre des opérations Masses Critiques. C'est un premier roman très réussi sur le thème de la peine de mort, qui pose la question de son bien-fondé et de son abolition. L'auteure a choisi un narrateur extérieur pour raconter son histoire, sauf quand il s'agit de la condamnée où l'utilisation de la première personne du singulier souligne son statut d'héroïne et nous fait ressentir une empathie supplémentaire à son égard, procédé très approprié à l'histoire.

Je suis toujours curieuse et intéressée de lire les arguments des auteurs sur ce thème : Dans « La Pendue de Londres » de Didier Decoin, le plaidoyer contre le caractère inapproprié de la peine de mort était extrêmement bien construit car l'auteur réussissait à nous convaincre de l'injustice d'une telle peine malgré la culpabilité de l'accusée.
Dans « le dernier jour d'un condamné » de Victor Hugo, c'est l'inhumanité de ce que subit le condamné à mort et surtout sa famille, qui en fait une peine injustifiée et à bannir.
En lisant « A la grâce des hommes », c'est l'absence de justification de la peine de mort qui est mise en valeur (l'héroïne n'a pas de famille pour nous apitoyer), et le trop grand prix à payer en cas d'erreur judiciaire ou même de cas ambivalents.
Dans une Islande très croyante, la condamnée a des arguments censés que tout pays civilisé devrait prendre en compte :

« - Et Dieu a dit : "Tu ne tueras point" ? [demanda Agnès].
- Oui, acquiesça prudemment le Révérend Toti.
- Dans ce cas, Blondal et ses acolytes vont à l'encontre des saintes écritures. Ce sont des hypocrites. Ils prétendent servir la volonté de Dieu, mais [en me condamnant à mort] ils ne font que servir celle des hommes ! »

Agnès souligne donc l'hypocrisie de la justice des hommes et son injuste paradoxe : Ceux-ci punissent des citoyens (coupables ou parfois innocents) pour un crime qu'ils s'autorisent pourtant en l'érigeant en institution. Ce système n'a qu'un but et porte son nom : la vengeance - et cela est encore accentué par le fait que le bourreau sera le frère de la victime !

Le titre suggère d'ailleurs la faiblesse du système où le condamné en est réduit pour survivre à compter sur la grâce des hommes dont certains d'entre eux l'ont condamné : l'homme (ici le roi du Danemark) remplace Dieu, a droit de vie ou de mort sur les condamnés alors que c'est justement ce qu'on leur interdit à eux…



Agnès souligne également l'inhumanité de cette sentence par l'un des arguments principaux développés dans le Dernier jour d'un Condamné : Si les bourreaux prétendent que les condamnés ne souffriront pas car la hache les tuera d'un coup, Agnès est pourtant bien torturée par l'interminable attente de sa mort : mentalement, puis cela entame son physique (elle ne pouvait plus manger, marcher…), jusqu'au coup final.



Enfin, même s'il subsistait un doute sur le geste d'Agnès , ne pas le prendre en compte dans la sentence rend celle-ci dangereuse voire arbitraire, surtout lorsque cette sentence est l'outil le plus dangereux à mettre en les mains des hommes : La peine capitale.



Un premier roman très bien construit et très documenté, dont certains extraits historiques ponctuent utilement de jolies tournures fluides et imagées (régalez-vous des extraits ci-dessus) : Vous pouvez vous lancer ! (Toutes les références des livres cités dans cet avis figurent dans l'article de mon blog)
Lien : http://onee-chan-a-lu.public..
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Trés triste et trés belle histoire que celle de cette Islande des années 1830, à travers le récit des derniers mois d'une condamnée à mort. C'est lourd, émouvant. Les personnages sont plantés dans des décors extrement rudes. Les Hommes sont rudes aussi, avec une armure qui peut se fendre pour certains, au fur et à mesure que l'on avance dans ce roman presque thriller. Assurez vous ne pas être déprimé avant de commencer ...
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Tout d'abord, je voudrai présenter toutes mes excuses à Babelio et aux éditions Presse de la Cité pour mon retard pour chroniquer ce livre.
La chronique d'un livre tient aussi, pour moi, de son état d'esprit du moment. Après plusieurs livres très noirs (et après plusieurs déceptions), j'ai peiné à entrer dans ce livre, dont le thème principal est la condamnation à mort d'une servante pour le meurtre de deux hommes. Deux autres personnes ont été condamnées, mais le récit n'est pas centrée sur elle, sans doute parce que leur trajectoire, plus édifiante, est différente de celle d'Agnes.
Je l'ai rencontrée tardivement, Agnes, je me suis d'abord attachée à Jon et à Margret, qui sont chargés de l'héberger jusqu'à son exécution. Quand aura-t-elle lieu ? Personne ne le sait encore, des complications surgissent – voir le courrier où il est question de l'achat d'une hache ou le choix du bourreau. Les condamnations à mort sont rares en Islande, Agnes et Fridrik seront les derniers islandais à être exécutés. En 1830. L'Islande apparaît à mes yeux comme un pays très en avance sur son temps – voir le nombre de pays qui applique encore la peine de mort de nos jours, et ceux qui en discutent.
Jon, Margret et leurs deux filles sont des gens simples, qui vivent de leur mieux avec leur domestique, et tâchent d'accomplir leur devoir. Si pour certains, tout est blanc ou noir, j'ai aimé voir Margrèt assumer ses responsabilités dès le début face à sa communauté, même si elle n'a, à ce moment-là, aucune envie de prendre la défense d'Agnes. J'ai aimé l'évolution de ce personnage, si humain, si complexe. A travers elle et sa famille, c'est la vie quotidienne, dure, âpre, que le lecteur découvre.
A travers Agnes, c'est un aspect plus sombre encore qu'il découvre. le sort des enfants nés hors mariage, laissés « au bon soin de la paroisse », la mortalité infantile, la mortalité maternelle, le problème du mariage aussi – quand on voit le nombre d'autorisation dont une servante a besoin pour se marier, l'on comprend aisément que s'unir à un homme lui est impossible. Il est question aussi de l'éducation des femmes, sujettes à caution : « Tu ferais mieux d'aller tenir compagnie aux moutons, Agnes. Les livres écrits par des hommes ne sont pas faits pour les gamines de ton espèce. Ils te détourneront de Dieu ! ». Agnes fait peur parce qu'elle sait lire, parce qu'elle possède un certain savoir qui effraie. On brûle encore les sorcières. « – Si j'étais jeune et simplette, croyez-vous que la police et les juges auraient pointé le doigt vers moi ? » Non, bien sûr que non.
Agnes semble avoir été dépouillée de toute humanité quand je l'ai rencontrée, et ce roman, dans lequel nous entendons sa voix, est une reconquête de son histoire, par la voix que tous entendent, par ses souvenirs, qui sont insérés dans le récit. A la grâce des hommes, ou toute la grâce d'une femme.
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