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J'aime lorsque la littérature s'immisce dans les angles morts de l'Histoire. Christian Kiefer choisit ici de mettre en lumière un fait plutôt méconnu ( également traité par Julie Otsuka dans l'excellent Quand l'empereur était un dieu ) : le terrible sort des nippo-américains durant la Deuxième Guerre mondiale après Pearl Harbor, basculant dans l'effroi lorsque paraît l'ordre exécutif de Roosevelt, le 9066. Plus de 110.000 citoyens américains d'origine japonaise, pourtant bien intégrés à la société, sont immédiatement internés de force dans des camps comme celui de Tule Lake en Californie, évoqué dans le livre.

A partir de cette toile de fond, Christian Kiefer tisse une structure narrative assez éblouissante, complexe par les chemins empruntés sur trois arcs temporels ( deuxième guerre mondiale, 1969 et 1983 ). Plutôt que d'alterner classiquement des chapitres distincts sur chaque période, l'auteur choisit de superposer passé et présent pour raconter deux familles qui cherchent à faire la paix avec leur passé, une blanche, une nippo-américaine.

Tout commence, superbe chapitre, avec le retour de Ray Takahashi, été 45, dans sa ville natale. Jeune GI, il revient du front d'Europe de l'Ouest. Il a combattu pour un pays qui a contraint sa famille à abandonner sa maison pour un camp d'internement, mais il veut revoir celle qu'il aime, sa voisine Helen Wilson. Il n'est pas le bienvenu, loin de là. Comme tous les Nippo-américains, il n'a plus sa place chez lui. On comprend assez vite que le narrateur ne connait pas Ray mais il enquête sur sa disparition durant ce même été à la demande d'une tante éloignée qui est la mère d'Helen. le narrateur, lui, revient de la guerre du Vietnam. Il ne découvrira la vérité sur Ray qu'en 1983, suite à la confrontation entre deux féroces matriarches, la mère de Ray et la mère d'Helen.

La façon dont l'auteur lève le voile sur la couche de secrets, déterre les trahisons, les mensonges et les traumatismes enfouis, brise les mythes et les silences est admirable. On comprend petit à petit personnalité, motivation et dynamique de chacun. L'histoire tragiquement imbriquée de ces deux familles est peuplée de fantômes ; tous, personnages, principaux ou secondaires, sont hantés, à commencer par le narrateur, tourmenté par les civils vietnamiens qu'il a tués ou fait tuer en appelant à la rescousse les avions F-4 Phantom qui ont bombardé sans relâche des villages.

En fait, s'il désarçonne au départ et peut agacer par sa façon d'annoncer qu'il va y avoir une révélation, le procédé narratif qui consiste à entremêler dans un même chapitre passé / présent prend progressivement tout son sens en mettant en lumière les cycles qui semblent piéger les personnages et plus largement les Etats-Unis : cycles de racisme, cycles de guerres, cycle de culpabilités et de peurs. Fantômes est un grand roman sur la culpabilité lié à un passé obsédant. Il fait réfléchir sur la façon que nous avons d'essayer, chaque jour, d'effacer des crimes passés, grands ou petits, qui ont durablement infléchi nos idéaux et valeurs ; ou comment nous prétendons les oublier alors qu'ils façonnent notre respiration même.

Un roman qui brise le coeur, à la rupture, mais dont on retient aussi la lumière du dernier chapitre, bouleversant, celui de l'apaisement avec soi et son passé. Magnifiquement romanesque.



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A sa démobilisation en 1945, l'Américain d'origine japonaise Ray Takahashi est accueilli avec défiance dans sa région natale, en Californie du Nord. Sa famille, expulsée et enfermée au camp de Tule Lake après l'attaque de Pearl Harbor en 1941, a dû s'exiler à Oakland après sa libération. Stupéfait du changement d'attitude de leurs anciens voisins et amis, désespéré de revoir leur fille Helen, sa petite amie, Ray s'attarde sur les lieux, puis disparaît sans laisser de traces. Vingt-quatre ans plus tard, John Frazier rentre traumatisé de la guerre du Vietnam et se lance dans l'écriture. Tombé par hasard sur l'histoire de Ray, il lui faut plusieurs décennies pour reconstituer les faits et découvrir ce qu'il est advenu de cet homme.


Près de 120 000 Japonais et Américains d'origine japonaise furent déportés en 1942 dans des camps de concentration aux Etats-Unis. Les deux tiers étaient des Nisei, des Japonais de seconde génération et donc de nationalité américaine, dont une partie s'engagea sous la bannière étoilée. Après plusieurs années de détention dans de pénibles conditions, leur libération s'accompagna de grandes difficultés de réinsertion. Beaucoup avaient tout perdu, mais ils restèrent aussi longtemps en butte à l'agressivité et à la discrimination. Il leur fallut attendre les années quatre-vingt pour que l'État américain commence à reconnaître ce préjudice et ses causes raciales, dans une nation depuis longtemps en proie au fantasme du péril jaune, et rendue paranoïaque par la guerre.


Fort d'une impressionnante documentation, l'auteur s'est inspiré de ce drame historique pour nous livrer une histoire romanesque, si habilement construite qu'elle prend toutes les apparences d'un récit autobiographique. En totale empathie avec des personnages plus vrais que nature, le lecteur est d'autant plus happé par la narration qu'il se retrouve bluffé par son absolue authenticité apparente, dans un exercice de parfaite illusion littéraire. Bâti autour d'une thématique historique déjà dramatique en soi, le récit crée une spirale infernale de plus en plus poignante, tandis que le narrateur découvre pas à pas, la plupart du temps quand ils semblent perdus à jamais, les secrets portés leur vie durant par les autres protagonistes. Tous les personnages sont restitués avec une grande finesse psychologique, leur logique et leurs motivations ne s'éclairant que progressivement, à mesure que le temps passé, la disparition des uns et des autres, et le poids des doutes et de la culpabilité, favorisent enfin la prise de recul et la libération de la parole.


Enchanté par la perfection architecturale du récit, par la profondeur des personnages et par la vérité de la restitution historique, c'est avec émotion que l'on se plonge dans cette narration addictive aux effets dramatiques en cascade. Rares sont les créations romanesques suscitant une telle impression de réalité. Coup de coeur.

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Fantômes repose sur les destins croisés de Ray Takahashi et de John Frazier.
Le premier, Ray Takahashi, a quitté sa terre californienne pour se battre en France et en Italie et, à son retour en 1945, bien des choses ont changé. Ses parents, après avoir été enfermés au camp de Tule Lake en raison de leurs origines nippones, suite à l'attaque de Pearl Harbor et à l'entrée en guerre des Etats-Unis, ne sont jamais revenus dans la petite bourgade où leurs enfants ont grandi. Ray croise quelques connaissances et doit encaisser des remarques désobligeantes, mais il se heurte surtout à l'animosité de Mrs Wilson, la voisine et amie de la famille qui, accompagnée de son mari, avait pourtant accueilli avec une grande bienveillance les parents de Ray bien avant que la guerre n'éclate.
Le deuxième, John Frazier, a vécu une autre guerre, celle du Vietnam, et, en 1969, il en revient bouleversé au point de vouloir retranscrire les événements auxquels il a participé. Il ne le sait pas encore, mais c'est une autre histoire qu'il va raconter, entraîné sur les routes par sa tante Evelyn qui semble décidée à se débarrasser d'un fardeau qui l'entrave depuis de nombreuses années.
Ils sont deux des fantômes qui hantent ce roman.
Je n'irai pas par quatre chemins, j'ai adoré ce texte que j'ai trouvé absolument brillant. L'histoire, bien sûr, est passionnante. Je m'attendais à plus de détails historiques mais j'ai assez rapidement compris que la petite histoire allait prendre le pas sur la grande, et que les destinées individuelles allaient raconter, de manière plus puissante que ne l'aurait fait n'importe quelle précision historique, la réalité de ces familles mises au ban, considérées comme des ennemis et injustement internées. le destin de Ray m'a profondément touchée, c'est un personnage pour lequel j'ai eu une tendresse spontanée, et il en va de même pour John, son double, son miroir, que la guerre a également arraché à sa jeunesse et qui m'a immédiatement paru intéressant et sympathique. Mais surtout, c'est la narration qui m'a subjuguée. Tout y est absolument parfait, chaque phrase semble être exactement à sa place, constituant un morceau du puzzle qu'est l'enquête déclenchée par le secret de la tante Evelyn. Les analepses, les effets d'annonce, toutes les allusions - par le personnage-narrateur qu'est John - au dévoilement progressif de l'histoire de Ray, à sa compréhension profonde, toutes les émotions qu'il laisse délicatement filtrer sans jamais trop en dire, sont une véritable réussite !

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En 1945, lorsque le sergent américain d'origine japonaise Ray Takahashi rentre chez lui, dans le nord de la Californie ——— il rentre du front après avoir combattu les nazis en Europe —— il ne reconnaît plus rien et personne n'est là pour l'accueillir sur les terres de son enfance ,

Sa maison est habitée par des inconnus et son amoureuse Hélène est introuvable .

Ses parents , après avoir été expulsés et enfermés au camp de Tule Lake vivent maintenant à Oakland .

Ray, bien sûr, désire comprendre pourquoi leurs anciens voisins ont coupé les ponts avec eux.

Tout a commencé trois ans auparavant après Pearl Harbor : de très nombreuses familles japonaises ont été embarquées à bord de bus, enfermées dans des camps , à l'instar de ses parents et de ses soeurs , ils ont connu ces prisons mais se sont résignés .

Alors qu'il porte encore son uniforme de soldat américain , Ray est considéré maintenant comme un immigré que l'on rejette ….

Il désire comprendre , revoir sa fiancée trop «  blanche » mais il ne rencontre qu'hostilité , rejet, silence et porte close.

Printemps 1969, vétéran , de retour du Viietnam, littéralement hanté par les désastres de la guerre, John Frazier , le narrateur , écrivain conte l'histoire de l'auteur, dont la famille a été impliquée dans cette affaire , une génération auparavant .

Il tentera donc d'interroger les témoins , découvrir ce qui se cache enfin derrière la froideur et la retenue des femmes et la médiocrité des hommes trop, très obéissants.

John est ébahi, devant la violence de l'Histoire Américaine , un peuple où l'empathie ne s'est pas répandue .
C'est un roman bouleversant, ,d'une humanité sans pareille , —— donnant les larmes aux yeux —— magnifiquement écrit et construit .
Les deux femmes Evelyn et Kimoko : la manière pour l'auteur de conter leur tragédies , leurs silences , leur incapacité à communiquer , s'avère poignante, remarquablement décrite .

L'auteur aborde à l'aide d'une maîtrise intense , lumineuse , un aspect peu connu de l'histoire de ces immigrés japonais dans des camps ,, après Hiroshima .
Il offre un cadeau à ces oubliés de l'Histoire : ces vétérans d'ici et d'ailleurs , confrontés à la bêtise crasse , à l'intransigeance et à la violence d'un peuple .

Un récit époustouflant à la portée universelle , magnifique et nécessaire , à la fois , blême et douloureux , qui éclaire une nuit fort sombre pour nous la rappeler.
Il marque l'absurdité de l'intolérance , la voix de John , hanté par les folies meurtrières de la guerre , son étonnement devant l'Histoire Américaine, interroge notre rapport intime à la mémoire et au passé .

John cherche son salut à travers l'écriture d'un roman .

Une narration bouleversante que l'on n'oubliera pas de sitôt .

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Je remercie chaleureusement les Éditions Albin-Michel et sa collection « Terres d'Amérique » pour cette lecture et leur confiance !
« Fantômes » est signé Christian Kiefer et il paraît aux éditions Albin Michel dans la très belle collection « Terres d'Amérique. » C'est son troisième roman, et il confirme ici tout le talent de celui qui est salué, comme l'une des voix les plus prometteuses de la littérature américaine contemporaine. « Fantômes » c'est le récit fait par le narrateur John Frazier, un rescapé de la guerre du Vietnam, rentré au pays au printemps 1969. Il a vu des choses terribles là-bas. Sa grand-mère le recueille alors qu'il se débat contre les démons de l'alcool et de la drogue. C'est lui qui, au Vietnam, était chargé par radio de donner les coordonnées des positions Viêt-Cong pour que l'aviation les écrasent sous leurs bombes. Il a le souvenir gravé de ces femmes et de ces enfants morts suite à une fatale erreur de sa part. C'est un homme détruit et hanté qui s'attelle à écrire ce qu'il a vécu. Mais un autre sujet va bouleverser ce travail d'écriture et lui faire découvrir un destin tragique, celui du soldat Ray Takahashi. Ray ou Raymond est le fils d'immigrants japonais venus au début des années 1920 aux Etats-Unis. Hiro et Kiriko sont ses parents. Hiro, son père, était un simple ouvrier agricole qui travaillait de ferme en ferme à la cueillette des fruits et à l'entretien de ces mêmes arbres fruitiers. le destin des Takahashi va croiser celui des Wilson. Evelyn Wilson et Homer Wilson qui vont louer une partie de leurs terres aux Takahashi. Homer et Hiro s'entendent parfaitement. Ils sont même amis. Mais, pour Evelyn et Kimiko, un drame va faire basculer leur relation vers un trou béant. Evelyn a de la rancoeur, de l'amertume et une sourde colère contre les Takahashi. L'attaque de Pearl Harbor, en décembre 1941, va chambouler la destinée des deux familles. En mai 1942, les Takahashi sont contraints de rejoindre le camp d'internement de Tule Lake où ils resteront jusqu'à la fin de la guerre. Homer a trahi le serment fait à Hiro et loue sa terre à des blancs nouveaux venus. A l'été 1945, Ray rentre de la guerre en Europe où il a combattu les nazis, notamment à Anzio en Italie, puis en France et enfin en Allemagne. C'est un soldat revenu de toutes les horreurs, et qui espérait en s'engageant, voir les restrictions de liberté prises contre sa famille prendre fin. Malheureusement, ce ne fût pas le cas. Ray décide de retourner voir les Wilson pour comprendre le pourquoi de cette trahison. Il revient aussi pour Helen Wilson, sa petite amie, fille de Homer et Evelyn. Plusieurs secrets de famille hantent la relation entre les Takahashi et les Wilson. Ray disparaît et on ne retrouve plus trace de lui. Vingt-sept ans plus tard, Evelyn contacte John Frazier. Evelyn est la tante de ce dernier. John va vouloir comprendre le drame qui s'est noué et les non dits, les secrets des uns et des autres. Que cache Evelyn ? quelle douloureuse confession va t'elle faire en se rendant voir Kiriko, la mère de Ray, vingt-sept ans après sa disparition ? Pourquoi Evelyn souhaite t'elle parler ? Que s'est-il passé en cet été 1945 alors que le racisme anti japonais est à son paroxysme ? Tout en enquêtant, John va vouloir conjurer ses démons intérieurs aidé de sa grand-mère si aimante. C'est un récit poignant servi par une écriture d'une rare sensibilité, très poétique. « Fantômes » est un roman superbe sur le destin, le poids des tragédies, l'impossibilité de faire résilience quand on a côtoyé, de si près, la mort. C'est aussi un récit sur le poids des secrets, des non dits et ce besoin irrépressible d'étancher la soif de vérité. « Fantômes » nous parle du racisme ordinaire anti nippo-américain, de leur internement dans des camps parce qu'on les considéraient comme des ennemis de l'intérieur. C'est également, une tragique histoire d'amour adolescente. Jamais manichéen mais toujours au plus près de la vérité des consciences et des êtres, Christian Kiefer tisse la toile réussie d'un roman ambitieux, profondément sensible et douloureux. C'est beau, c'est triste, inspiré, magnifiquement romanesque. C'est une page sombre de l'histoire américaine qui défile sous nos yeux. Un auteur et un livre à découvrir absolument.
Lien : https://thedude524.com/2021/..
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John Frazier, militaire au Vietnam, est de retour au pays. Tourmenté par ses souvenirs, par toutes les morts qu il a causé pendant la guerre, Il va écrire un roman qui va lui servir d'échappatoire, pour oublier ce qui le hante. Il va écrire sur un fait réel, l'histoire de Ray car sa tante est intimement mêlée à cette histoire.
Ray est un jeune garçon d'origine japonaise qui vit en Californie avec sa famille, son père travaille dans une exploitation d'arbres fruitiers, les patrons Homer et Evelyn Wilson habitent à côté. le père de Ray est ami avec Homer, Ray est copain avec les enfants Wilson. En 1941, l' attaque de Pearl Harbor va bousculer ce bel équilibre. Tous les japonais sur le sol américain vont être considérés comme ennemis de la nation et relégués dans des camps.
A son retour de la guerre, Ray qui a combattu en France, retourne sur l'exploitation des Wilson, il n'est pas le bienvenu, ses parents sont toujours dans un camp, il est accueilli froidement par Evelyn, il cherche à revoir Helen, sa fille, dont il est amoureux, mais il est éconduit très fermement. Après cela on perd sa trace. Il ne rentrera jamais chez ses parents. Que s'est il passé ? Sa disparition demeurera une enigme
Vingt-sept ans après, kimiko cherche toujours Ray, son fils. Elle reprend contact avec Evelyn Wilson dont le mari est mort entre temps. Evelyn cache de lourds secrets mais peu à peu, elle va se livrer à kimiko et la vérité va éclater
Fantômes est le premier roman que je lis de Christian Kiefer. C'est un roman sensible sur des faits douloureux :la guerre, le syndrome post traumatique, le racisme, la mort, le pardon.
Qui sont les fantômes ? Les morts de la guerre ? Ray et John de retour du front qui traînent leur mal être ? Les japonais exilés dans les camps ? le fils perdu de kimiko ?
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Quand les fantômes de la guerre s'ajoutent à ceux de l'absence, à ceux de l'identité et à ceux du remords, comment continuer à vivre ? Si le thème n'est pas nouveau en littérature, Christian Kiefer – traduit par Marina Boraso - lui donne dans Fantômes un angle nouveau, en mettant en lumière le destin tragique des Japonais vivant sur le sol américain, pendant et après-guerre.

IIe guerre mondiale ; Vietnam : deux théâtres extérieurs d'opérations et deux retours compliqués pour deux soldats de Californie. Débarqué d'Europe, Ray Takahashi ne retrouve ni sa maison, ni sa famille japonaise, autrefois accueillie et hébergée par les Wilson, de gros cultivateurs locaux. Pire, il est chassé de chez les Wilson et encouragé à quitter la ville.

Vingt-cinq ans plus tard, c'est au tour de John Frazier de retrouver sa terre natale, marqué à vif par le bourbier vietnamien et cherchant dans l'écriture, l'hypothétique échappatoire qui le ramènera dans la vie réelle. le hasard d'une rencontre avec sa tante Evelyn Wilson va le remettre sur le chemin de l'histoire passée de Ray et de sa famille, et le lancer dans une enquête mémorielle sordide et émouvante.

Dans un récit déstructuré où les vies de Ray et John se croisent tout comme leurs angoisses respectives, Kiefer fait oeuvre de mémoire et dévoile le sort réservé aux résidents japonais sur le sol US dans les jours et mois qui suivirent Pearl-Harbor et l'entrée en guerre des États-Unis. Pour ceux restés au pays, l'internement dans des camps. Pour ceux enrôlés dans les troupes de l'Oncle Sam, l'indifférence et le rejet au retour. Comme un énième et insultant rappel que le sang versé ne vaut pas identité, ni nationalité.

Les fantômes de Kiefer sont protéiformes : cauchemars de guerre pour John ; souvenir d'un amour passé pour Ray ; absence du fils pour Kimiko, la mère de Ray ; remords d'un geste autrefois fait en conscience pour Evelyn. Mais quelle que soit leur origine, il faut vivre avec ces fantômes, « qui continuent à illuminer le ciel ». Vivre en mode « gaman », cette forme de stoïcisme qui tend à supporter ce que l'on ne peut maîtriser. Et apprendre à se pardonner comme le dit Kimiko à John.

Une belle découverte donc, même si comme souvent avec le Creative Writing qui fait la part belle à l'écriture créative et spontanée, j'ai encore un peu de mal avec ce style riche mais éparpillé. Mais ça m'interpelle et m'intéresse, donc je m'y adapte et m'y éduque.
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Lorsque Ray Takahashi à la fin de la seconde guerre mondiale revient en Californie , la région où il a passé son enfance , il n'est pas le bienvenu , il est chassé sans plus d'explication de la maison où vit la famille amie, les Wilson., Homer qui avait accueilli le père de Ray, la mère Evelyn et les deux enfants, Jimmy et Helen qui était sa petite amie.

Il faut dire qu'après l'attaque de Pearl Harbor, les nippo-américains ont été envoyés de force dans des camps comme Tule Lake et peu d'entre eux ont pu retrouver leur maison ensuite.
Ray s'était engagé pour prouver son patriotisme et espérait que le sort de sa famille serait plus clément... Fin du premier chapitre.

L'histoire ensuite est racontée par John Frazier. de retour du la guerre du Vietnam, en 1969, il peine à retrouver une vie normale , il est accueilli par sa grand-mère . C'est là-bas qu'il rencontre sa tante, Evelyn Wilson , qu'il va apprendre une partie de l'histoire de Ray et faire la connaissance de Kiriko , la mère de Ray qui n'a jamais revu son fils.

Fantômes évoque les visions qui poursuivent ces jeunes hommes, anéantis par ce qu'ils ont vécu et fait ,que ce soit dans les tranchées en France ou dans la jungle du Vietnam, survolée par les avions F4- phantoms envoyés pour larguer leur bombes meurtrières . Et pour John, intéresser au destin de Ray est un fil qui relie des frères d'armes et qui lui donne une raison de surmonter sa culpabilité .

Fantômes, c'est aussi tous les secrets enfouis, les actes inavouables qui font s'affronter deux femmes puissantes par leur caractère et leur volonté farouche , Evelyn et Kiriko , remparts de protection de leur famille, et en apparence inébranlables .

John ne saura la vérité sur Ray que beaucoup plus tard et en fera un livre . J'ai cru pendant longtemps que c'était l'auteur lui-même qui racontait son histoire .

Admirablement construit, ce roman mêle des événements mal connus , comme l'emprisonnement des nippo-américains à travers l'histoire personnelle de deux familles et l'éternelle difficulté du "vivre ensemble" quand les origines et les cultures sont différentes lorsqu'il arrive un événement perturbateur.
Le rejet est plus facile que l'effort de compréhension et l'ouverture d'esprit .
L'âge avançant , l'approche de la mort avec , que l'on soit croyant ou non, l'examen rétrospectif sur ses actes, ses non-dits et leurs conséquences entraine une relativisation et un certain besoin de pardonner et de se faire pardonner .
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Alors que le sujet n'est pas souvent abordé par les romanciers,je me retrouve confrontée avec "fantômes " au drame que les personnes d'origine japonaise ont vécu aux USA lors de la seconde guerre mondiale. Attisant la haine,la peur et le racisme malgré elles, plus de 18000 personnes ont été enfermées dans des camps. Je venais de lire le magnifique "Les mangeurs de nuit" de Marrie Charrel qui m'a fait découvrir cette page de l'histoire que j'ignorais et,sans l'avoir prévu je retrouve ce même contexte historique avec ce roman.
Il m'a demandé une réelle attention pour ne pas me perdre,mais le désordre apparent répond à une logique et à la volonté de faire tournoyer ensemble, comme dans une spirale infernale, trois époques : la seconde guerre mondiale, 1969 avec la guerre du Vietnam, et environ vingt années plus tard alors que le narrateur découvre enfin la fin de l'histoire de Ray qu'il a tenté de reconstitué depuis son retour du Vietnam.
Cette spirale n'est pas que temporelle,elle parle du croisement des peurs,des culpabilités, des traumatismes de guerre, et des virages dangereux que la vie prend parfois de façon irrémédiable.
Ray Takahashi rentre du front en 1945 et n'a qu'une hâte, celle de retrouver le lieu où il a grandi et surtout Helen Wilson,la fille de leurs voisins dont le père était le patron du sien mais surtout un très grand ami. Ses parents ont été déportés au camps de Tule Lake,et l'accueil des Wilson est loin d'être celui qu'il imaginait. Peu de temps après il disparaît.
John Frazier,le narrateur,est le neveu de madame Wilson qu'il a très peu connu. Lorsqu'il revient du Vietnam, hanté par ce qu'il y a vécu, c'est chez sa grand-mère qu'il trouve refuge.
Sa tante vient alors lui demander de l'aider en la conduisant chez madame Takahashi qui vit à deux heures de chez elle mais qu'elle n'a pas revu depuis sa déportation.
Cette femme, la mère de Ray,à l'instar de madame Wilson, est une femme forte,courageuse, qui a toujours affronter les épreuves sans s'apitoyer sur son sort. Cependant, à l'opposé de madame Wilson, c'est une personne généreuse, sensible,aimante. Leur amour maternel se déploie sans faille mais dans des expressions à l'opposé l'une de l'autre. Celui de madame Wilson construira le malheur.
John va se laisser capter par la quête de ces deux femmes. Sa tante a besoin de madame Takahashi pour affronter les fantômes qui la hantent, madame Takahashi espère d'elle qu'elle l'aide à retrouver les traces de son fils perdu.
Christian Kiefer mène cette histoire avec brio,originalité et une forte sensibilité. La fin apporte une relative sérénité.
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Fantômes avait tout pour me plaire, un roman qui se situe dans un contexte historique peu connu, celui de l'internement des Américains d'origine japonaise pendant la Seconde guerre mondiale. L'auteur nous raconte l'histoire d'une famille japonaise installée dans une plantation fruitière en Californie et dont les membres deviennent les amis des propriétaires. Puis, alors que Pearl Harbor est attaquée, tout change: les Takahashi sont internés dans un camp et peu de temps après, leurs anciens amis les renient. Les fils des deux familles partent combattre pour les forces Alliées. À son retour, le fils Takahashi ne retrouve nul ami sur la terre où il a grandi et il disparaît... Ce roman est plutôt bon, avec un certain suspense quant au dénouement; mais le procédé de la supposée histoire autobiographique est un peu redondant et le style m'a semblé un peu poussif. Néanmoins, cette histoire touchante et révoltante soulève un pan d'histoire méconnu et peu glorieux.
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