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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Les sirènes attirent leurs victimes vers la noyade ou le naufrage. Elles chantent, et ceux qui les écoutent sont poussés à faire des choses qu'ils ne feraient jamais dans des circonstances normales. »
India Phelps écrit une histoire de fantômes, de sirène et de loup. Les fantômes nous hantent. Les sirènes nous obsèdent. Les loups nous dévorent. Pas tous les loups. Des loups qui ressemblent à des êtres humains…
La Fille qui se noie, est le récit d'une schizophrène et ce n'est pas toujours facile de suivre ce qu'elle tente de partager. Nous voyagerons dans sa tête « bordeline » noyée dans une sensibilité artistique envoutante. Des toiles immersives, des chants de homards Carollien répétitifs, des petits Chaperons Rouges et deux Perrault, des fantômes, des sourires de loup-garou, des métamorphoses, voir des transsubstantiations, des affabulations ou des paradoxes, des corvidés détecteurs de mensonge, une histoire d'Amour, un délire passionnelle, un désir de vivre complexe pas toujours évident, des histoires de suicide collectif, des poissons, des odeurs de mer, des requins, une sirène qui vous entraîne dans le naufrage… Tandis qu'une autre vous tire de l'eau… Ceci est peut-être une noyade, ou un chant pour sortir la tête de l'eau… Ceci est un panier de crabes ou un appel pour ne pas toucher les abysses…
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India Morgan Phelps n'est pas une jeune femme comme les autres. Elle n'est ni handicapée ni défigurée.
Non, India est « folle », comme elle se plaît elle-même à le dire.
Atteinte de schizophrénie comme l'était sa mère et sa grand-mère avant elle, elle ne doit son salut qu'à un cocktail de médicaments et les visites régulières chez sa psychiatre, le Dr Ogilvy.
Dans sa vie, difficile pour Imp de discerner le vrai du faux, la vérité du factuel. Quand en plus, elle se retrouve confrontée à une série d'événements énigmatiques liés à l'apparition d'une femme nue au bord de la route, Eva Canning, tout bascule.
D'un coup d'un seul rejaillissent les souvenirs d'un tableau aperçu dans un musée onze années plus tôt, où La Fille qui se noie ressemblait à s'y méprendre à Eva. Pour tenir et arriver à démêler les choses, India tente d'exorciser son mal par l'écriture et nous livre sa vie dans toute sa dureté et sa folie. Entre sirènes, loups-garous, fantômes et hallucinations, les cartes se brouillent et se mélangent.
Bientôt, inéluctablement, l'on glisse avec Eva dans le terrier du lapin blanc pour danser la quadrille des Homards.

S'il existe des romans difficiles à critiquer, La Fille qui se noie compte parmi eux. Non pas qu'il soit difficile de dire s'il est bon ou mauvais, loin de là. Mais parce que le livre de Caitlin R.Kiernan est un roman vraiment difficile.
Lauréat du prix Bram Stoker en 2002, et nominé pour une flopée d'autres prix, La Fille qui se noie mérite clairement ses louanges.
Réédité par Albin Michel Imaginaire après une première parution chez Panini, voici un vrai bon livre et l'occasion de découvrir une voix unique dans le domaine du fantastique avec Caitlin Kiernan.
Seulement, soyons honnêtes, sa lecture se mérite (comme on dit).
En partant du postulat que son personnage principal est schizophrène et que c'est elle qui va écrire du début à la fin, l'Irlandaise va nous engoncer dans l'esprit de Imp jusqu'au cou.
Voilà où réside le noeud du problème : l'écriture de Imp.
Et c'est aussi là que réside le génie de l'autrice.
Parce que retranscrire à l'écrit le comportement psychique d'une schizophrène, croyez-bien qu'il faut s'accrocher.
Et Kiernan s'en tire bien davantage qu'avec les honneurs.
Au gré de son récit, de son humeur et de ses prises de médicaments, l'écriture et la tournure des écrits de Imp va radicalement changer.
Ainsi, India apparaît comme diffluente (elle part dans tous les sens, fait des digressions à tout va et n'importe quand), fait des fading (ralentit le cours de sa pensée) voire des barrages pour passer à toute autre chose, a recours à du rationalisme morbide (il y a un corbeau donc les gens mentent)…
Bref tout un tas de marqueurs authentiquement schizophréniques qui rendent le récit extrêmement crédible.
Le revers de la médaille, c'est que, comme dans la vie réelle d'ailleurs, suivre le cours de pensée d'une personne schizophrénique relève de la gageure pure et simple, surtout en période de décompensation.
Si en plus vous y ajoutez un imbroglio fantastique, la teneur du discours a de quoi impressionner !

Tout va tourner de toute façon autour d'India.
Sa folie occupe pratiquement les deux tiers du roman et fascine rapidement le lecteur. Non seulement par le talent insolent que possède Caitlin pour la décrire, mais aussi pour l'opposer à la fragilité et à l'humanité de la jeune femme. Car India échappe à ces stéréotypes ridicules véhiculés par la société moderne sur la dangerosité des schizophrènes. le danger ici existe bel et bien, mais comme dans la réalité, il existe surtout pour elle-même. Sa maladie et son délire paranoïde la forcent à avancer parfois ou, pire, à faire des choses dangereuses pour elle-même. Ces automatismes mentaux — à ne pas confondre avec un dédoublement de la personnalité — sont décrits par l'auteure au moyen de phrases où Imp parle d'elle à la troisième personne pour s'invectiver.
Toute la mécanique pernicieuse de la maladie ne peut cependant jamais cacher la personne fragile et attachante derrière.
Au-delà de ses obsessions arithmétiques et de ses idées saugrenues, India est un sacré personnage, attachant en diable. le couple atypique qu'elle forme avec Abalyn ne fait d'ailleurs que renforcer notre sympathie à son égard, tant cette dernière semble devenir l'ultime bouée de sauvetage d'Imp. Consciente de sa maladie, la jeune femme ne manque jamais d'en rire, tourne parfois ses pleurs en francs fous rires quand elle nous personnifie ses médicaments ou qu'elle décrit son psychiatre.
Au lieu d'en faire juste une victime pathétique, Kiernan ébauche un personnage courageux et tendre, naïf et intelligent, presque trop pour son propre bien. C'est ce soin tout particulier dans la description minutieuse de l'héroïne qui pousse inlassablement le lecteur à continuer.
Mais pas que.

Outre le versant imposant de la pathologie psychiatrique, La Fille qui se noie est aussi un roman fantastique. Mais du fantastique plus discret qu'il n'y parait. D'une part parce qu'il est toujours difficile de savoir si les éléments surnaturels sont authentiques, et d'autre part parce qu'il n'y a pas clairement d'êtres fabuleux ici, juste des auras merveilleuses.
Eva, l'autre personnage féminin, l'espèce de double féérique et mythologique d'India, incarne toute cette ambivalence.
Pas d'apparence monstrueuse ou même d'actes monstrueux, simplement des sous-entendus : des morts obscures, des toiles d'artistes imaginaires obsédantes, des métamorphoses surprenantes, des sectes atypiques….
Tout cela se retrouve dans le récit et plus encore. Kiernan arrive à les fondre dans son histoire tout en douceur et recourt souvent à des procédés qui renvoient à un monument du genre, La Maison des Feuilles de Danielewski.
India semble absorbée par les oeuvres d'arts comme Johnny par le manuscrit de Zampano. Elle rature, donne des références obscures mais très détaillées. Une foultitude de ressemblances sans pour autant inonder son récit et livrer une redite à la sauce schizophrène.
Mais il y a plus derrière tout ce petit jeu, notamment avec les deux nouvelles insérées dans l'histoire elle-même.
Loin d'être anecdotiques, elles sont une des meilleures trouvailles de l'Irlandaise. Elles permettent non seulement de tracer des parallèles malicieux entre les diverses versions de l'histoire d'India, mais aussi de carrément livrer des histoires dans l'histoire, comme un emboîtement de poupées russes malades.
Dans leur contenu, on trouve aussi un message atypique mais très subtil : et si les grands écrivains étaient aussi de grands malades ? Après tout la paraphrénie existe non ?
En réutilisant dans ces deux courtes nouvelles et dans le reste du récit des figures mythologiques telles que le loup-garou ou la sirène, mais avec parcimonie et pour approfondir son intrigue, Kiernan nous emmène loin dans son délire.
Et c'est tant mieux.

C'est vrai, on pourrait être déçu devant, finalement, le peu de fantastique qui parsème les pages de la Fille qui se noie. Mais ce serait une grossière erreur au fond, car ici, la frontière avec la folie est floue pour India comme pour le lecteur et le récit se savoure lentement et posément pour déterminer où veut vraiment en venir Imp, ce qu'elle interprète ou les subtils éléments qui peuvent nous renvoyer ailleurs, dans la mer comme dans les bois. Et puis il y a l'art, utilisé comme catharsis autant que comme terreur nocturne : qui n'a jamais observé un tableau et frissonné devant une scène évocatrice ?
C'est à des peurs primales, presque ancestrales que fait appel Kiernan. Celle du loup, de la sirène ou simplement des choses terrées dans l'ombre, à l'orée du feu. La véritable déception viendra pour d'autres de la fin du roman et de comment se conclut cette affaire. Mais India l'annonce d'emblée, cette histoire ne pourra jamais être démêlée et c'est à vous, lecteur, qu'incombe la tâche de trancher.
Une fin ouverte audacieuse mais aussi sacrément cohérente en fait.
Toutes ces particularités du récit de l'auteure ne peut faire oublier ses fulgurances poétiques, comme dans cet avant-dernier chapitre où le fantastique prend totalement le pas et produit quelques lignes merveilleuses. Ou dans ce gouffre de la folie, où le personnage d'India couche sur le papier une décompensation schizophrénique et où, franchement, il faut s'accrocher à ses deux accoudoirs pour parvenir à suivre. Un chapitre aussi ardu que génial, une sorte de petit instant de grâce d'écrivain posé là devant vous, et qui vous met, carrément, dans les tréfonds de la douleur et du délire d'une schizophrène.


La Fille qui se noie a beaucoup d'arguments pour se placer parmi les grands ouvrages du fantastique.
Mais c'est aussi un roman vraiment ardu. D'un certain point de vue, l'histoire d'Imp se mérite et son parti-pris narratif va certainement en rebuter plus d'un. Pourtant son authenticité, sa subtilité et son refus total de l'esbroufe finissent par convaincre de sa grande qualité littéraire et humaine.
Et puis franchement, un livre qui cite Alice aux pays des Merveilles, Moby Dick et Dante Alighieri peut-il fondamentalement être un mauvais livre ?
Ne vous noyez pas surtout.
Lien : https://justaword.fr/la-fill..
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En Résumé : J'ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman qui nous propose de plonger dans l'esprit d'India Morgan Phelps qui est schizophrène et qui se met a voir des fantômes. Un journal finalement assez déroutant, mais d'une certaine façon fascinant, bien porté par un travail stylistique captivant, réussi et troublant, ainsi qu'une plume vraiment efficace. L'aspect fantastique s'amuse avec le lecteur, oscillant entre réalité, mensonge et rêve pour mieux surprendre au fil des pages et apporter une ambiance légèrement angoissante. Je me suis retrouvé rapidement happé par ce récit, même si je me doute bien qu'il ne plaira pas à tout le monde, justement par cet aspect où l'héroïne part dans tous les sens, offre des informations parcellaires ou encore sombre dans certaines fascinations et certains troubles. Ce n'est clairement pas un roman linéaire, il faut se laisser porter et emporter par la psyché de Imp même si, j'avoue, parfois je m'y suis quand même perdue. Un récit sur la maladie, la différence qui ne tombe pas dans la caricature, traitant de façon efficace cette différence et le tout avec des personnages poignants et attachants. La conclusion ouverte peut dérouter certains, mais je l'ai trouvé réussie. Je lirai avec plaisirs d'autres livres de l'auteur.


Retrouvez ma chronique complète sur mon blog.
Lien : http://www.blog-o-livre.com/..
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Très belle expérience de lecture avec La fille qui se noie, formellement remarquable et particulièrement touchant et plein d'humanité dans le fond.

India, ou Imp, est schizophrène. Je n'ai aucune idée de la manière dont une personne schizophrène peut ressentir les choses, ni les vivre. Ainsi, je ne saurais pas dire si le rendu ici est vraisemblable. Mais j'en ai eu en tout cas l'impression. Imp est un personnage particulièrement attachant, passionnant, complexe et touchant. le propos n'est jamais discriminant, ne juge pas, ne blâme pas. Il n'y a pas de voyeurisme prononcé, de scènes incroyablement à côté de la plaque, ou de grossissements exagérés d'a priori que nous aurions sur la maladie.
Peut-être parce que le fond du propos n'est pas là; enfin, pas vraiment. Il est vrai que ce roman, enfin, ce texte, plutôt, découle de cet état que connait Imp. Mais pas seulement. Car Imp revêt une multitude de visages. Elle est artiste, et en cela elle est dotée d'une très grande sensibilité. Elle est notamment capable de donner vie à des tableaux qu'elle s'imagine mouvants, et qu'elle transpose dans sa propre vie. Et puis elle est un peu déconnectée de la vie matérielle, aussi. Pas par incapacité, plutôt par désintérêt. En cela, Imp est une femme un peu hors du temps mais aussi intemporelle; je pense que chacun peut retrouver une petite partie de lui-même dans ce personnage.
Imp noue un dialogue avec elle-même, comme si elle menait sa propre analyse. Et c'est un peu ce qu'elle fait : elle enquête sur sa propre vie, pour dénouer les fils et distinguer réalité du fantasme. Mais elle nous parle également beaucoup; en tout cas à un narrataire autre qu'elle-même, première destinataire de son récit. de ce fait, il se crée une proximité assez chouette entre le lecteur et Imp, qui permet de rentrer dans son intimité et son quotidien. Un quotidien qui finalement est celui de n'importe qui, dans le fond. Une femme qui aime, qui bosse, se passionne pour plein de choses, qui râle, hésite, et qui traîne des casseroles derrière elle. J'ai trouvé que la peinture de ce personnage par l'autrice était réalisée avec beaucoup de finesse, de tact et d'empathie.

Beaucoup aimé également les personnages secondaires auxquels la narratrice donne vie. Les figures de sa mère et de sa grand-mère, dont la présente hante encore les pages. Et puis celle d'Abalyn. Très différente de Imp, mais tout aussi présente, dont l'importance est même cruciale. J'ai beaucoup aimé la relation que les deux personnages entretiennent, pleine d'amour, de féminité et de sensibilité. Abalyn est un peu l'ancre de Imp, et même partie elle continue d'être un repère. Egalement apprécié les échanges avec la psy, intéressant de noter la manière dont Imp met des mots sur sa maladie. Des mots que l'on éviterait d'employer, par peur de blesser… Et puis évidemment, Eva, la figure de l'altérité, du double, de la tromperie, des secrets.

Et puis il y a l'enquête qu'elle entreprend, qui nous mène dans quelque chose d'assez fantastique, dans tous les sens du terme.
Imp décide d'écrire, pour retracer le fil des événements et comprendre. Qui est-elle ? Qui est Eva ? A t-elle réellement vécu ce qu'elle a en tête, ou l'a t-elle imaginé ? Tout se mélange, et au fur et à mesure du récit, Imp revient en arrière, corrige, se rend compte qu'elle ment, enjolive la réalité… Bref, au fur et à mesure qu'Imp revient sur ce qui l'a amenée à cet état de perte, on comprend qu'elle est en train de boire la tasse, et qu'elle s'emmêle les pinceaux dans son texte qui lui aussi, se noie.
Tout alors dans La fille qui se noie prend un visage métaphorique. le danger représenté par le loup, le chant des sirènes qui captive et charme jusqu'à faire oublier la réalité, et toujours cette persistance du tableau, symbole du miroir déformant de la réalité. Il y a un peu de tout dans ce roman. Surtout un soupçon d'ingrédients gothiques et une bonne dose de fantastique.

Ce qui est particulièrement remarquable, c'est la manière dont le texte mime à la perfection cette perte de repères et cette noyade.
On a l'impression de lire une autofiction, mais non; est-ce un roman ? Oui, mais qui emboîte également deux nouvelles d'Imp. Côté formalisme, ce roman ne rentre déjà pas dans les cases ! Imp est la narratrice, en tout cas l'écrivaine de son propre récit. Mais elle en est aussi la destinataire (avant même le lecteur), et elle n'hésite pas à commenter son texte. Pour cela, elle utilise la 3e personne du singulier. Se dédoublant de la sorte, elle a une approche presque méta sur son propre texte.
D'autre part, le texte suit les pensées d'Imp. Qui, on l'a vu, sont dans le désordre et enchevêtrées. Ce faisant, la prose est à l'image de l'esprit de Imp. Désordonnée, passant du coq à l'âne, jonglant entre analepses et prolepses et usant de prétéritions (= je ne vais pas parler de ça mais je le fais quand même). Imp se trompe, corrige, accuse la défaillance de sa mémoire, indique quand elle n'a plus souvenir de ceci ou de cela… Elle fait un vrai travail d'enquêtrice dans sa mémoire. A bien des égards, elle va à la recherche du temps perdu, à sa manière…
Et au fur et à mesure que l'on arrive aux moments qui font perdre les pédales à la narratrice, le texte se perd. Il intègre une sorte de pièce de théâtre en actes et des poèmes épars. Les phrases se bousculent frénétiquement, et n'ont plus ni queue ni tête. Imp répète même des mots plusieurs fois. On perd également la notion du temps et le peu de linéarité que l'on avait jusque-là explose. Il y a même un passage avec pas mal de fautes d'accord, je me suis demandé si c'était fait exprès. Ainsi, La fille qui se noie est un vaste labyrinthe textuel remarquablement mené. L'autrice a dû bien s'amuser à l'écrire, et Benoit Domis à le traduire. Et franchement, grand bravo pour cette traduction. Je n'ai pas lu le texte en VO mais ce déluge verbal m'a semblé extrêmement fluide.

Roman assez remarquable, donc, La fille qui se noie. Je n'avais pas d'attentes particulières et j'ai été à la fois surprise et charmée. Il faut lâcher prise avec ce roman, et se glisser dans l'esprit de ce personnage assez incroyable qui nous accueille avec une grande douceur. C'est très paradoxal compte tenu de la violence de ce que Imp vit et de celle du texte, malmené de toutes parts. Mais c'est ce qui m'a peut-être le plus plu ici. Peut-être est-ce la manière dont ce personnage se livre pleinement, sans fard; ou bien du talent de l'autrice à se mettre aussi bien dans la peau de son personnage, avec beaucoup d'amour pour lui. En attendant, j'ai beaucoup aimé ce roman que je relirai plus tard, avec un plaisir équivalent.
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Merci aux éditions Albin Michel Imaginaire pour l'envoi ! La Fille qui se noie de Caitlin R. Kiernan m'intéressait car il s'agit d'une version plus moderne de littérature gothique. La couverture est magnifique et l'histoire est très intrigante. Vous êtes prêts ?

Ce récit est à la première personne. Il s'agit d'une sorte de journal ou de manuscrit d'Imp, une jeune femme au passé difficile. Atteinte d'un trouble de la personnalité héréditaire, sa mère et sa grand-mère se sont suicidées avant elle. Elle ne tient qu'avec un cocktail de médicaments et en rendant visite à sa psychiatre. le roman appartient à la longue liste de narrateurs non fiables. Mais l'originalité se trouve dans le fait que nous savons que la jeune femme est schizophrène, et qu'il y aura donc une perception de la réalité très distordue. India passe par tous les états : hallucinations, paranoïa, troubles compulsifs… Ce qui lui crée des difficultés dans le relationnel. Mais cette jeune femme isolée et à fleur de peau est très attachante, avec un tempérament artistique et une volonté de s'en sortir.

L'autrice traduit son état mental via un style très particulier. On sent une vraie gradation dans la maladie d'India, dont les phrases se hachent et s'accélèrent par moments, traduisant la panique de la jeune femme. Parfois, Imp s'invective à la troisième personne. Elle digresse souvent, mais le style de l'autrice le fait avec un grand naturel, de manière saccadée et virevoltante, comme si ces changements n'avaient rien d'inhabituel dans le cheminement intellectuel d'une personne. Enfin, India imbrique des histoires dans d'autres histoires, à un tel point qu'il devient difficile ce qu'est la réalité de l'imagination. Car des événements étranges se produisent dans la vie de notre protagoniste.

Le monde d'India est sur le fil. Elle analyse le monde à travers le spectre complexe de l'art. Même si elle est peintre, elle s'affirme comme une artiste complète, capable d'écrire comme de dessiner. Ces capacités lui permettent de voir les symboles, l'arithmétique du monde. Ainsi, lorsqu'elle croise Eva, c'est une révélation. Eva est une sorte de double mythique, une sirène envoutante qui cache un secret que seule Imp peut découvrir. Ainsi, le texte est traversé de références approfondies à des courants artistiques qui trahissent l'obsession et l'étendue des connaissances de la jeune femme. le roman pose la question de savoir si l'artiste est irrémédiablement condamné à avoir des problématiques de santé mentale, une instabilité qui lui donne un don de double-vue.

Cet aspect semble être représenté par la place du fantastique. Légère, mais diffusée tout au long du roman. Ce fantastique est représentée par le personnage, mi-fantôme mi-sirène, d'Eva Canning. Une figure récurrente qui finit par envahir la vie d'India. Elle se renferme alors totalement dans son obsession, même sa psychiatre, son travail ou son ex-compagne n'arrivent plus à l'atteindre. Mais cette souffrance, elle parvient à la sublimer à travers son extra-sensibilité, dans sa peinture et ses écrits. L'artiste doit-il toujours effleurer la folie ?

Dans cette plongée captivante au coeur de la psyché tourmentée d'India Morgan Phelps, Caitlin R. Kiernan nous offre un récit intense. La Fille qui se noie se révèle être bien plus qu'une simple histoire de fantômes contemporaine. À travers le prisme déformant de la schizophrénie, l'autrice tisse un labyrinthe étrange et fascinant où la frontière entre réalité et imagination s'efface. le style unique de Kiernan, qui reflète avec subtilité la gradation des troubles mentaux d'India, enveloppe le lecteur dans une atmosphère à la fois déconcertante et envoûtante. La protagoniste, Imp, se dévoile comme une artiste tourmentée, capable de voir au-delà de la réalité ordinaire. Son regard complexe sur le monde, teinté d'une sensibilité artistique profonde, soulève des questions universelles sur le lien entre la création artistique et la santé mentale.
Lien : https://lageekosophe.com/202..
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Il est des romans qui nous happent dès la couverture et avec lesquels on sait qu'on va vivre une singulière expérience. C'est le cas de la fille qui se noie avec lequel Caitlin R. Kiernan m'a fait un moment des plus étranges et terriblement remuant en suivant son héroïne atteinte de folie dans les méandres de ses pensées.

Récompensé et/ou nominé par de nombreux prix, ce roman offre une singulière revisite du roman gothique et du roman fantastique américain. A la croisée des chemins, rempli de références, il ne peut laisser le lecteur indifférent par ses singularités de fond et de forme. Parfait pour la saison, il m'a emportée dans les tortueuses et trompeuses pages d'une Caitlin R. Kiernan « poétesse et voix des âmes perdues et des égarés« comme le dit si joliment Neil Gaiman.

Ce fut cependant une lecture des plus étranges. Plonger dans les pensées agitées d'India Morgan Phelps, dite Imp, n'a rien eu d'aisé. Comme elle, la plume de l'autrice se veut agitée, virevoltante, sautillante, allant dans tous les sens, tantôt claire, tantôt brumeuse, tantôt pleine d'allant, tantôt pleine de résistances. Ce fut une vraie expérience et j'ai trouvé très fort que l'autrice parvienne ainsi à rendre la folie et les angoisses de son héroïne. Comme je le disais sur Instagram, je me suis moi aussi noyée dans les mots sur les maux d'Imp et ce fut aussi merveilleux que douloureux.

Imp est un personnage des plus attachants. J'ai pu lire par endroit que ce récit était peut-être en partie autobiographique, cela expliquerait pourquoi on se sent si proche de l'héroïne dont les tourments intérieurs sont si bien narrés. Il est fascinant d'entrer ainsi dans sa tête et de vivre à ses côtés ces jours entre fantasme et réalité, tandis qu'elle semble chercher une personne, ou un fantôme ?, une sirène ?, un loup ?, croisé lors d'une de ses errances. Imp a pourtant une vie sociale on ne peut plus normale au quotidien : un boulot, une petite amie, mais sa maladie est toujours là en toile de fond, et bien qu'elle l'assume, parfois elle l'emporte et elle l'emporte très loin. C'est ce que nous allons vivre avec elle.

La narration est souvent courte, brève, agitée, mais pleine de poésie grâce aux nombreuses références littéraires de l'autrice qui se plaît à imaginer une héroïne obsédée par les mots, en plus de ses maux, une héroïne pour qui l'art : l'écriture et la peinture sont des portes pour laisser son âme tourmentée parler. C'est ainsi très saisissant de suivre ce mélange de vie quotidien et de moments où son esprit s'échappe et s'évade, l'emmenant loin dans ses obsessions et enquêtes métaphysiques à la recherche de créatures issues des contes et lectures de son enfance mais aussi d'un tableau méconnu qu'elle a croisé et ne peut oublier : La fille qui se noie. le lecteur se retrouve ainsi à ses côtés, à suivre ce flot de mots et d'informations parfois contradictoires et souvent très emmêlés, avec la tentation d'en démêler le fil, mais l'impossibilité d'y parvenir, ce qui le conduit à se laisser voguer sur les flots avec angoisse.

J'ai beaucoup aimé cette expérience même si j'ai dû accepter au fil des pages de ne pas tout comprendre et de me laisser porter par cette héroïne et ses multiples mondes. Mon attachement envers elle a sûrement dû beaucoup jouer dans cette acceptation, de même que la beauté que j'ai trouvée dans les mots de l'autrice, sans parler du côté LGBTQ+ de l'histoire, l'héroïne étant en couple avec Abalyn, une personne transgenre, que j'ai trouvé magnifique dans sa façon de gérer son couple avec une personne souffrant de troubles mentaux. Caitlin R. Kiernan nous offre une romance des plus poignantes et émouvantes avec ces deux femmes tourmentées, l'une par son âme, l'autre autrefois par son corps de naissance, et j'ai trouvé très beau et très juste la façon dont elle leur donne une tribune ici. Les mots d'Abalyn pour évoquer son expérience étaient simples et justes. Les scènes où Imp craque et expérimente un « épisode » étaient bouleversantes et crédibles. Quelle plume, quelle plume !

C'est assez dur de résumer l'expérience vécue au cours de cette lecture mais j'ai été totalement emportée par les maux de l'héroïne, son flot de mots à travers la plume si belle et douloureuse de l'autrice, ses nombreuses références littéraires chères à mon coeur et son univers fantastico-gothique moderne plongeant dans nos angoisses à tous. Venant de finir la saga Blackwater, j'ai senti une filiation dans cette écriture très féminine du fantastique gothique contemporain avec des femmes luttant contre leurs maux pour leur liberté. C'était émouvant, poignant, puissant et terriblement bien écrit.
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La fille qui se noie est un roman de Caitlín R. Kiernan publié par Albin Michel Imaginaire. Il s'agit de la première réédition de cet éditeur, le roman ayant auparavant été publié par Panini Books en 2014. le livre n'était plus disponible, d'où le choix de AMI. le roman a reçu le prix Bram Stoker et le James Tiptree Jr Memorial Award.

La fille qui se noie est un roman à part, autant dans sa forme que par son sujet. A Providence, Rhode Island, vit India Morgan Phelps surnommée Imp. Celle-ci souffre de schizophrénie, comme sa mère et sa grand-mère avant elle. Sa perception du monde est faussée par sa maladie et par son histoire familiale compliquée, sa mère et sa grand-mère s'étant suicidée. Imp ne souffre pas de complexe de personnalités multiples, mais elle a une perception d'elle-même et de la réalité différente des autres.

Imp a décidé d'écrire une histoire de fantômes, de sirènes et de loups-garous. Cette histoire n'est pas dédiée à être publiée, c'est un récit sous forme de journal, où elle raconte sa propre histoire. Elle va parler de sa maladie, de son passé, de son quotidien, de sa fascination pour le tableau du peintre Phillip George Saltonstall, intitulé « La Fille qui se noie », de sa relation avec la transsexuelle Abalyn, de Eva Canning et des mystères entourant la Millside River, où se serait noyée une fille. Sa maladie fait que son récit est souvent incohérent, parfois lucide et parfois non, parfois mensonger sans le vouloir vraiment.

Le récit est à la première personne, Imp racontant son histoire de fantômes. Mais Imp est une narratrice qu'on peut qualifier de non fiable. Elle prend de nombreux médicaments, a une perception de la réalité très distordue allant de la paranoïa aux troubles compulsifs. On ne peut pas la croire réellement, et le lecteur passe son temps à essayer de se dépatouiller avec ce qu'elle raconte. Elle a un tempérament artistique, étant peintre et écrivaine, mais est terriblement isolée. le style de Caitlín R. Kiernan retranscrit à merveille les différents états d'esprit de Imp et la gradation de ses troubles mentaux . Elle se parle parfois à la troisième personne, digresse souvent.

Le lecteur est sans cesse en position de doute par rapport au récit de Imp. La présence d'éléments surnaturels est sujette à question, car seule Imp en a été témoin. Elle n'est pas fiable, le personnage mi-fantôme mi-sirène d'Eva Canning l'obsède totalement, accentuant ses troubles. Caitlin R. Kiernan construit son roman comme la plongée captivante au coeur de la psyché tourmentée d'Imp, jouant avec le fantastique et la folie. Elle efface la frontière entre réalité et imagination, et l'immersion est réussie. Par contre, le lecteur qui cherche de l'action risque d'être déçu. En effet l'idée de départ du roman et sa forme sont excellentes, mais il faut accepter de lâcher prise et de se laisser pénétrer par un récit étrange, par la folie de sa narratrice. Imp est une artiste et à travers elle, l'autrice parle des liens entre la création artistique et la santé mentale, thème que l'on retrouve dans beaucoup de textes fantastiques.

Maupassant a beaucoup écrit sur la folie dans ses nouvelles fantastiques. Dans La fille qui se noie, Caitlín R. Kiernan utilise le même procédé et le fait avec brio, plongeant son lecteur dans la psyché tourmentée d'une jeune femme schizophrène avec un récit en forme de labyrinthe. le roman est assez déroutant mais si on aime le fantastique, les thématiques sur l'art, c'est un roman à ne pas rater.
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Qui est la fille qui se noie ? et dans quoi se noie-t-elle ? Voici un livre très étrange, troublant, j'y retrouve cette impression d'avancer dans le texte sans savoir si j'aurais pied dans la prochaine page : il m'a donc paru parfaitement résonner à l'histoire.
Voici India Morgan Phelps (IMP)et elle vit à Providence. Une lignée féminine atteinte de schizophrénie et elle au bout de la ligne. Et autour d'India, un tableau qui la hante, le petit chaperon rouge et ses différentes versions, la petite sirène d'Andersen qui paie le fait d'avoir des jambes en perdant sa voix et en marchant sur des couteaux, un performer artistique et sa passion pour Elizabeth Short "le dahlia noir".
Vraiment un étrange livre aussi entêtant qu'un parfum trop fort (et une somme de références passionnantes qui vous noie), qu'un marécage ou un fleuve avec tout ce qui s'y cache ... On ne sait jamais si l'on est dans le vraie vie, dans la tête qui bat la campagne d'India (sans ses médicaments) ou sa formidable créativité qui s'exprime dans ses écrits. La présence de son amie Albany et de son médecin, le docteur Ogilvy ancre le récit dans la réalité factuelle, mais je garde l'impression d'un long escalier spiralé en métal que le lecteur monte et descend ou la vision d'un escalier toujours de M. C. Escher. Fascinant.
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Le style d'Imp, la narratrice de ce livre, est en effet une drôle d'expérience en matière de lecture, car il s'agit d'un style tout autant fiévreux qu'impératif(*). Car Imp est folle, voyez-vous ! Même si elle se soigne à coups de psychotropes ! Et si on lit “La Fille qui se noie”, c'est parce qu'Imp a décidé de se mettre devant sa machine à écrire, pour raconter son histoire. Une histoire de fantômes, de sirènes et de loups-garous. Une histoire ou une multitude d'histoires, d'ailleurs. Vraies ou pas. C'est son livre.
Un soir où elle roulait en voiture, sans autre but que de s'empêcher de penser, comme elle faisait si souvent, Imp a croisé une femme nue (aux cheveux mouillés ?). Entre le bord de la route et la forêt qui longe la rivière. S'arrêtant, Imp a pris la décision de la ramener chez elle. Et c'est depuis cette nuit que rien ne va plus pour Imp ! Depuis qu'elle a ramené Eva Canning, cette femme qui semblait vouloir fuir la rivière ou peut-être y retourner. Cette femme qui semblait déjà les connaître, elle et Abalyn, sa récente compagne, alors qu'aucune des deux ne l'avaient jamais rencontrée. Et puis Eva a disparu le lendemain, sans explication. Mais non sans avoir semer le trouble dans le couple d'Imp, qui n'y a pas résisté. Eva hante désormais tous les souvenirs d'Imp ; les récents comme ceux de son enfance ; ceux dont elle est sûr et ceux dont elle a peut-être rêvé. Eva est la femme du tableau. Eva est une sirène dont les chants hantent encore Imp.
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