Je n'aurais jamais lu ce roman si La Kube ne l'avait pas envoyé, j'avoue que sa lecture fut une très belle surprise.
Nous sommes en 1310, à Paris dans le quartier du Marais. Une année sombre pour celles et ceux qui ne plaisent pas au roi Philippe le Bel dont le trésor fond comme neige au soleil. Les Templiers sont pourchassés puis mis en procès, les Béguines vues d'un mauvais oeil mais toujours sous l'aura protectrice de Saint-Louis. La scène d'ouverture est comme un long plan séquence qui mène le lecteur jusqu'en place de Grève où un bûcher est dressé afin d'y supplicier une béguine,
Marguerite Porete dont la seule faute fut d'avoir écrit un livre considéré comme hérétique.
Aline Kiner relate le combat des Béguines de Paris pour demeurer au béguinage et rester des femmes libres, travaillant, soignant ou priant sans être sous la férule d'un couvent. On suit quelques unes de ces femmes, fortes et fragiles à la fois, courageuses toujours, dérangeantes aux yeux de la doxa religieuse. En effet, les béguines jouissent de leurs biens, peuvent travailler si elles le souhaitent, elles prient Dieu sans être assujetties au rythme de la clôture. Elles dérangent beaucoup car elles représentent ce que ne doit pas être une femme : libre de choisir son destin, être laïque et pas vraiment moniales, indépendante de l'autorité masculine. Qu'était l'avenir d'une fille hormis le mariage ou le couvent ?
Ysabel, la veuve devenue, en vertu de ses connaissances médicinales, responsable de l'hôpital du béguinage, Maheut la Rousse, jeune épousée fuyant un mari rustre et brutal, nobliau violent ne supportant pas la contradiction, Ade, la discrète, taisant ses blessures derrière une attitude très froide, quasi impavide. L'arrivée, tragique, de Maheut, bouleversera la vie de la communauté tout en resserrant les liens de sororité, de tolérance, d'ouverture d'esprit entre les béguines. Las, la jalousie, l'incompréhension et la peur de l'Eglise fissurera ce monde à part, ce monde trop indépendant pour qu'il puisse être autorisé à perdurer.
Entre enquête menée par un franciscain étrange et petites victoires de la raison sur les stupidités du monde, le tumulte politico-religieux n'épargnera pas les Béguines. Pour autant, leur liberté d'esprit ne sera pas perdu car, et le mystère reste entier, Ade a recopié le livre interdit de
Marguerite Porete « Miroir des âmes simples ». Qu'est-il devenu ? Personne ne le sait.
«
La nuit des béguines » d'
Aline Kiner m'a fait découvrir un aspect inconnu du Moyen-Age : je ne savais pas qu'il y avait eu un béguinage important à Paris, je pensais que les béguines s'étaient implantées en Flandres et dans le nord de l'Europe. Je ne savais que peu de choses au sujet des femmes vivant en communauté mais pas en tant que moniales. J'ai découvert un univers féminin dans lequel l'indépendance tant matérielle que spirituelle était, ô combien, incroyable pour l'époque. Une pensée féminine libre, un art qui l'était tout autant, il est évident que dans une société patriarcale soumise à l'autorité religieuse et son Inquisition, les béguinages, espaces de liberté, ne pouvaient être que difficilement tolérés.
Un roman historique prenant et intense.
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