Ce roman est avant tout une histoire de femmes, d'une congrégation qui a réellement existé mais qui a disparu petit à petit après le Concile de Vienne en 1311. Je mets le lien vers Wikipédia si vous souhaitez en découvrir un peu plus sur cette communauté.
A travers Ysabel, Maheut, Ade et Jeanne la Bricharde, nous plongeons dans le Paris du début du XIVème siècle, sous le règne de Philippe le Bel, au sein du grand béguinage royal, créé par Louis IX (Saint Louis) qui accueille ces femmes bénéficiant d'un statut très protégé et privilégié. En effet, elles étaient veuves ou célibataires, entraient dans cette communauté religieuse laïque mais sans jamais prononcé de voeux perpétuels, souvent afin de se protéger ou afin d'éviter un mariage. Leurs vies ressemblaient fortement à une vie monastique mais sans engagement vis-à-vis de l'église, même si elles étaient dévouées à des règles d'aide, de charité, de soins et de prières.
Je ne connaissais pas du tout cet ordre et grâce au roman d'Aline Kiner je me suis plongée dans cette période du Moyen-Age et j'ai retrouvé cette époque tourmentée, marquée par la rigueur du roi, Philippe le Bel mais aussi la chasse aux Templiers par celui-ci (souvenez-vous dans les Rois Maudits de la malédiction proférée par Jacques de Molay sur le bûcher), l'inquisition, la torture et le bûcher destination finale de tout opposant(e).
Etre femme sans entrave à cette époque, sans autorité d'un mari, d'un père, d'une famille, de la religion n'était pas finalement bien vu et certaines ont payé le prix fort de cette liberté. A travers les différentes figures, Alice Kiner se lance dans une intrigue qui mêle faits historiques et suspens, entraînant le lecteur au sein de cette communauté féminine, active, libre, souvent instruite dans beaucoup de domaines.
Chaque femme est là pour une raison différente : mariage forcé, viol, deuil etc…. et trouve dans cette congrégation un épanouissement, une protection, un refuge mais aussi elle découvre une forme de liberté, n'ayant plus à subir l'autorité, n'ayant de compte à rendre à quiconque pas même à l'Eglise et on se doute que celle-ci cherchera d'une manière ou d'une autre à mettre fin à ce privilège.
En introduisant Maheut la Rousse au sein du béguinage, celle dont la chevelure est symbole du diable, de sorcellerie (il n'en fallait pas beaucoup à cette époque pour se retrouver mise au ban de la société), l'auteure va semer le grain de sable qui va mettre en évidence la force et la faiblesse dans la vie bien réglée de ces femmes, installant une aventure qui permet de mettre en lumière des événements historiques et religieux.
Aline Kiner allie histoire et intrigue très habilement dans un voyage dans le temps, où les sentiments humains sont présents malgré tout : amitié, rancune, pouvoir mais sans utiliser des ficelles trop stéréotypées. Elle restitue la vie du peuple de Paris, ses ruelles, ses échoppes, ses parfums, ses artisans mais aussi les intrigues et des luttes de pouvoir, d'influence avec une écriture riche, documentée mais restant fluide et légère.
J'ai beaucoup aimé cette lecture, j'ai retrouvé avec plaisir cette période de l'histoire où religion et royauté s'affrontent, s'opposent, se jalousent et où ces béguines vivaient en femmes libres.
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