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sur 686 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Arthur Koestler - le Zéro et l'infini - 1941 : " le zéro et l'infini" s'inspirait des procès de Moscou (1936-1938) qui permirent à Staline de purger les deux tiers de l'appareil soviétique par la mort ou la déportation. Il est prouvé que cette épuration fut la cause des défaites catastrophiques de 1941 et 1942 contre l'Allemagne nazi. En effet, le pays et l'armée se trouvèrent brusquement sans encadrement de valeur pour faire face aux exigences d'une guerre et seul l'hiver en immobilisant les forces ennemies leurs permis de gagner du temps pour faire émerger de nouveaux cadres et une nouvelle organisation. le titre du roman était censé définir la doctrine soviétique, le "zéro" pour signifier que l'individu n'était rien par rapport à "l'infinie" qui représentait le système. Tout cela bien sur était un leurre, l'appareil n'ayant été mis en place que pour satisfaire la mégalomanie de Staline. Roubachof est un dignitaire communiste, un de ceux qui ont fait la révolution au côté de Lénine et de Trosky, un de ceux qui pourrait se considérer comme intouchable. Pourtant, sans en connaitre les raisons il se retrouve emprisonné sous l'accusation de haute trahison. Aillant lui-même déjà mené des purges au nom du parti, il sait très bien que la machine est mise en place pour le broyer et que sa défense sera dérisoire. Arthur Koesler était un communiste qui petit à petit avait perdu la foi dans une doctrine qui loin d'émanciper les peuples les rendaient encore plus dépendants et serviles qu'au temps des tsars. A la suite d'un voyage en union soviétique, dégoutté par ce qu'était devenu son idéal, il décidait d'écrire ce livre accablant d'authenticité. C'était un véritable documentaire sur l'appareil répressif soviétique, un chef d'oeuvre qui connut un immense succès à sa sortie au Royaume-Unis en 1941 et, ce qui est plus étonnant, en France en 1945 alors que les communistes, acteurs principaux de la résistance, se désignaient comme le parti des cent milles fusillés. Ce livre est à recommander à tous car il atteint l'universalité de certain livre de Soljenitsyne sur le sujet et reste malgré les années un témoignage vivant et toujours actuel des exactions que commet une dictature pour survivre...
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" Un mathématicien a dit une fois que l'algèbre était la science des paresseux - on ne cherche pas ce que représente x, mais on opère avec cette inconnue comme si on en connaissait la valeur. Dans notre cas, x représente les masses anonymes, le peuple. Faire de la politique, c'est opérer avec x sans se préoccuper de sa nature réelle. Faire de l'histoire, c'est reconnaître x à sa juste valeur dans l'équation. "

Voilà, je suis devant le clavier et je suis toujours aussi hésitante à écrire un mot sur ce livre. Il y a quelques livres qui forment ma jeunesse et avec lesquels j'ai déménagé plus que de raison, celui-ci me suit depuis 1986, autant dire presque une éternité. Acheté adolescente pour comprendre et accepter, parce qu'il allait confirmer ce que je savais déjà. Sans doute est-ce la raison qui le fît rester dans la bibliothèque, sans cassure ni trauma. J'ai grandi dans une famille où il était de coutume de dire qu'il fallait voir rouge, on avait toujours le temps de rosir. le temps des nuances est arrivé avec l'adolescence, mais je ne voulais pas l'entendre. On n'aime pas les nuances à cet âge et on a honte de reconnaître qu'on en manquait. Alors qu'à la maison on était parti sur le mode ni dieu ni maître, une pincée d'anar là-dessus, moi je m'y perdais. Alors on m'embarquait écouter des conf sur l'utopie de Thomas. Plus j'y pense et plus je suis convaincue qu'on me nourrissait pour l'avenir, mais à quinze ans, moi je voulais du simple. Je crois que c'est pour ça que je ne l'ai pas ouvert mais je l'ai gardé parce que les graines de la raison et de l'humanisme étaient plantées. Je ne remercierais jamais assez mon père pour cette ouverture. Chez lui c'était si naturel, l'autre était presque lui et vise versa. Et puis il y a quelques jours, un babéliote a eu le mot qui donne l'action directe vers le zéro et L Infini, j'ai su que c'était le bon moment de l'ouvrir. Comme dit une autre babéliote, il y a une logique en tout, et je l'ai crue. Dire que j'ai apprécié cette lecture, oui évidemment mais d'une manière rationnelle, raisonnée, sans passion parce qu'il m'a fallu admettre que je ne puis savoir avec certitude dans quel camp je me serai retrouvée. Mais quarante ans, Roubachov, c'est peut-être un peu long pour enfin comprendre que " le facteur sans importance était devenu l'infini, l'absolu. "

Voilà, je suis devant le clavier et je sais quel mot écrire. En fait je tape sur le clavier comme d'autres ont tapé sur de la brique, et le chiffre pénètre, interprète. Et je repense à Babel 17 et je frappe :
" 2-5 ; 1-5 "
C'est exactement le mot qui me convient, parce que c'est un livre très personnel, qui me touche énormément. C'est une partie de mon histoire et de mes questionnements politiques, dont certains demeurent ...tout en nuances aujourd'hui.
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Arthur Koestler dénonce comment la dialectique peut mener à tout pour justifier l'inacceptable. Un classique sur les procès de Moscou des années 1930.
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Je ne crois pas aux coïncidences.

Pendant que mon mari lisait "Le fracas du temps", le dernier roman de Julian Barnes traitant de la problématique de l'art officiel sous un régime totalitaire, ma petite-fille Camille me passait ce célèbre roman d'Arthur Koestler, écrit entre 1938 et 1940 et publié en France en 1945 : le Zéro et l'Infini. Un livre que j'aurais dû lire depuis mon adolescence, avec « le meilleur des Mondes » et « 1984 ». Mais lorsque j'avais l'âge de Camille, il suffisait qu'on me recommande un livre pour qu'il me tombe des mains. C'était cependant drôlement « crâne » de publier un tel roman en 1945 alors que toute la République des lettres encensait le Petit Père des Peuples, celui qui avait terrassé la Bête Immonde !!!

Je n'avais pas besoin d'un livre pour savoir dans les grandes lignes ce qui se passait derrière le « Rideau de Fer » puisque mon père, courrier diplomatique, se rendait très régulièrement à Moscou et dans les capitales des républiques-soeurs de la patrie du Prolétariat. J'étais même allée en 1962 rendre visite à des amis de mon père à Moscou et à Léningrad, toute seule et munie de maintes recommandations de comportement … En réalité, la prise de conscience politique de l'ambiance totalitaire soviétique m'est réellement venue en 1970, avec le film de Costa-Gavras « L'aveu », d‘après le livre d'Artur London. Vingt-cinq ans après « le Zéro et l'Infini », donc !

Avec la maturité et l'expérience, j'ai tout de suite été happée par l'histoire de ce révolutionnaire de la première heure, Nicolas Salmanovitch Roubachof, intellectuel dans la soixantaine, petit bouc bien taillé et pince-nez, ancien compagnon de Lenine, ex-membre du Comité Central, envoyé en mission diplomatique à l'étranger, dirigeant de l'industrie stratégique de l'aluminium, qui a plusieurs fois été arrêté et emprisonné en Allemagne du fait de ses activités subversives en 1933 et qui se retrouve soudain en cellule, en route pour un procès à grand spectacle dont il n'ignore nullement le dénouement fatal.

Car il sait pour l'avoir pratiqué envers certains de ses collaborateurs que « l'acte de mourir n'était en soi qu'un détail technique sans aucune prétention à intéresser qui que ce soit. La mort, en tant que facteur dans une équation logique, avait perdu toute caractéristique corporelle ultime. »

Ce que veut le Parti en la personne de son N°1, celui dont le portrait moustachu surveille chaque salle d'interrogatoire (le nom de Staline n'est jamais prononcé, un peu comme celui de Voldemort !), c'est non seulement éliminer tous ceux dont la pensée est considérée comme dissidente (nous somme en 1938, le temps des grandes purges et des procès montés de toutes pièces sous des prétextes variés), mais faire en sorte que ces victimes s'humilient en avouant ces crimes qu'ils n'ont jamais commis, fassent leur autocritique afin d'instruire les masses. Pendant plusieurs jours, plusieurs nuits, Roubachof subit les interrogatoires où les moindres de ses déclarations ou actions passées, conversations épiées, confidences trahies, sont déformées.

Ses tourmenteurs – d'abord son ancien camarade de la Guerre civile Ivanof, puis, celui-ci ayant été liquidé pour son attitude indulgente, le froid Gletkin – ne vont pas le brutaliser physiquement ; simplement le priver de sommeil jusqu'à ce qu'il cède, avoue puis fustige son action destructrice contre-révolutionnaire au service d'une puissance ennemie. D'ailleurs, Roubachof connaît fort bien cette dialectique pour l'avoir pratiquée lui-même. Mais c'était alors pour lui une abstraction, la « fiction grammaticale ». Là, soudainement, il ressent une réalité physique existant dans son propre corps. Il comprend enfin ce que signifie « JE » ; le Zéro, par rapport à l'Infini : le Parti.

Pour une organisation totalitaire, la fin justifie les moyens. L'exemple-type est emprunté à la Terreur sous Robespierre. Quiconque s'oppose à la dictature doit accepter la guerre civile comme moyen. Quiconque recule devant la guerre civile doit abandonner l'opposition et accepter la dictature …

Mettre à jour de telles notions historico-philosophiques est particulièrement nécessaire dans les périodes troublées que nous vivons aujourd'hui. La foi de ceux qui sont persuadés de détenir la vérité envers et contre tout et sont prêts à sacrifier des pans entiers de l'intérêt général au bénéfice d'une idéologie farouche – de droite comme de gauche – m'effraie. Esprit des Lumières, où es-tu ?
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« Les personnages de ce livre sont imaginaires. Les circonstances historiques ayant déterminé leurs actes sont authentiques. La vie de N.-S. Roubachof est la synthèse des vies de plusieurs hommes qui furent les victimes des soi-disant procès de Moscou. Plusieurs d'entre eux étaient personnellement connus de l'auteur. Ce livre est dédié à leur mémoire. »

Ainsi commence le zéro et l'infini d'Arthur Koestler. On y suit le parcours d'un haut responsable du parti communiste russe N.S. Roubachof de son arrestation à sa condamnation. Nous sommes en Russie sous Staline à l'époque des grandes purges et des procès de Moscou. Roubachof est un « ancien » du parti, il a participé aux Révolutions de 1917 et, de ce fait, est fortement imprégné des idéaux révolutionnaires de l'époque, idéaux que Staline a, selon lui, trahi. Roubachof s'engage alors dans l'opposition mais finit par être démasqué.
Les interrogatoires qu'il subit et les périodes qu'il passe dans sa cellule sont l'occasion de revenir sur son action, ses choix, sa vision de ce qu'est devenue la Révolution.

A travers ce récit, Koestler décortique la mentalité des partisans du régime stalinien et celle de ses opposants. L'analyse qu'il fait du régime se base sur le titre même du récit : le zéro représente alors la place de l'individu au sein de la société communiste russe, l'être humain en tant qu'entité individuelle n'existe pas et doit se sacrifier au bénéfice de la communauté : l'infini. La communauté est tout et l'individu n'est rien. A partir de cette « philosophie », tout est alors excusable, peu importe que certains meurent de famine, peu importe que d'autres soient arrêtés et condamnés arbitrairement, tant que tout cela participe au bien collectif.

Pour les partisans du régime, l'URSS est une grande expérience unique dans le monde et dans l'Histoire. Et une expérience n'est pas complètement prévisible et peut amener à faire des erreurs. Mais seule l'expérimentation permet d'évoluer. Peu importe les dommages collatéraux, la fin justifie les moyens.
« Chaque année plusieurs millions d'humains sont tués sans aucune utilité par des épidémies et autres catastrophes naturelles.[…] La nature est généreuse dans les expériences sans objet auxquelles elle se livre sur l'homme. Pourquoi l'humanité n'aurait-elle pas le droit d'expérimenter sur elle-même ? »

De son côté Roubachof couche par écrit ses propres réflexions, tente de comprendre comment l'idéal révolutionnaire original a pu dévier vers un régime politique autoritaire où les libertés ont disparu, il élabore des théories que ses accusateurs critiquent par la suite apportant leurs propres contre-arguments. le tout est extrêmement intéressant, pousse le lecteur à réfléchir et à se poser des questions.

J'ai trouvé ce récit extrêmement fort et poignant. J'ai adoré le personnage de Roubachof, qui loin d'être un héros, se comporte en humain avec ses forces et ses faiblesses. Il témoigne également de la grande difficulté à assumer ses idées et ses opinions dans un régime aussi oppressif et répressif, comment sauver sa tête sans en dénoncer d'autres ? J'ai admiré la force et l'intelligence avec laquelle il a résisté et répondu à l'interrogatoire de Gletkin, Gletkin modèle parfait de l'agent russe endoctriné et appliquant à la lettre toutes les ruses du système pour faire avouer aux condamnés des faits qu'ils n'ont jamais commis. Roubachof démonte les arguments de Gletkin en en faisant ressortir l'absurdité et l'incohérence donnant des passages assez jouissifs à la lecture.

Une scène m'a particulièrement touchée, c'est celle où à l'occasion d'une promenade au sein du centre de détention, Roubachof échange quelques mots avec un nouvel arrivé, occupant de la cellule à côté de la sienne. le pauvre homme est originaire d'un « petit état du sud-est de l'Europe » où il a passé vingt ans en prison avant d'être envoyé en Russie. Il semble avoir perdu l'esprit mais pourtant cet échange entre lui et Roubachof est très révélateur de la désillusion qu'ont connu nombre de soviétiques à l'époque :
« Je n'y peux rien, dit-il à voix basse. On m'a mis dans le mauvais train.
- Comment ça ? demanda Roubachof
Rip van Winkle lui sourit de son air doux et triste.
« A mon départ, ils m'ont emmené à la mauvaise gare, dit-il, et ils ont cru que je ne m'en étais pas aperçu. Ne dites à personne que je le sais. »
La Russie telle qu'elle est en réalité est bien loin de l'image de la Russie soviétique idéale telle que la véhicule la propagande communiste.

Le Zéro et l'infini est un récit extrêmement stimulant intellectuellement, le fait qu'il se base sur des faits réels en accroit d'autant plus la force et l'intérêt. Koestler a effectué là un travail remarquable et cet ouvrage devrait être plus connu et plus lu qu'il ne l'est. le style est agréable, on sent la maîtrise de l'argumentation, la logique du texte et l'intelligence de celui qui l'a écrit. Voilà un livre que je relirai assurément et qui gagnerait à être étudié et davantage lu.



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Même pour un sexagénaire, relire ce livre au XXIème siècle c'est plonger dans un univers presque oublié, celui de l'URSS du "petit père des peuples". le roman évoque les incroyables procès intentés aux opposants (réels ou supposés) à Staline, au cours des années '30. Certes, encore à notre époque, de nombreux dictateurs sévissent contre leurs peuples respectifs qu'ils oppriment sans vergogne, mais ce sont pour ainsi dire des amateurs qui "roulent" pour eux-mêmes. La répression en Russie, c'était autre chose: elle était considérée comme dérivant naturellement du déterminisme marxiste-léniniste et indispensable pour assurer le triomphe final de la Révolution. Il n'y avait aucun moralisme là-dedans, car les impératifs de la lutte des classes (définis par Staline lui-même) primaient sur toute autre considération.

"Le zéro et l'infini" est difficile à lire en 2014, car tous les protagonistes - y compris l'accusé lui-même, dénommé Roubachoff - sont prisonniers du système de pensée communiste et donc développent inlassablement une phraséologie "révolutionnaire", qui nous parait maintenant désuète et presque vide de sens. Sur le fond, Roubachoff se retrouve coincé entre ses récentes velléités d'opposition à Staline et sa philosophie habituelle selon laquelle la fin justifie les moyens. Lui-même s'est montré autrefois sans pitié à l'égard des individus suspectés d'entraver la marche en avant de la Révolution. Et maintenant, c'est son tour d'être du mauvais côté de la barrière.

L'intrigue du roman est simple: Roubachoff, autrefois important responsable communiste, est arrêté, incarcéré, puis confronté à un premier juge d'instruction qu'il connait personnellement et qui essaie de le faire "craquer" par la simple force des syllogismes révolutionnaires, que l'accusé n'a toujours pas reniés. Mais cela ne suffit pas et un second juge d'instruction emploie la manière forte: il n'utilise pas la torture, certes, mais il exerce des pressions extrêmes qui obligent Roubachoff à "coopérer" et signer des aveux (mensongers). Par la suite, son procès public servira d'avertissement aux opposants potentiels et édifiera le peuple soviétique (qui gobe tout ou qui fait semblant). Une balle dans la nuque sera le destin de Roubachoff et on n'en parlera plus... jusqu'à une future réhabilitation ??

Pendant son incarcération, l'accusé se dépouille partiellement de ses habits de dur-à-cuire. Pendant les temps morts où il se retrouve seul dans sa cellule, il échange avec un de ses voisins en "tapotant" ses messages sur la tuyauterie, selon un certain code. Il s'interroge sur l'individu qu'il est - insignifiant devant le Parti tout-puissant, comme un zéro devant l'infini. Peu avant son exécution, il éprouve le besoin de "tapoter" sur le tuyau le simple mot JE, ce "moi" qu'il considère tardivement à sa juste valeur et qui va disparaitre incessamment.

A présent on connait très bien les moyens qu'utilisait la police politique dans les pays communistes pour briser toute résistance chez les personnes arrêtées. En revanche, quand "Le zéro et l'infini" a été publié (1941), de l'audace était nécessaire pour dire la vérité. Il a même fallu beaucoup de courage à l'auteur, A. Koestler, car il fut avant la seconde guerre mondiale membre d'un parti communiste. Donc, même si ce roman peut sembler maintenant "daté", il ne faudrait pas oublier dans quelle situation tragique il a été écrit.
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Chef d'oeuvre de la littérature mondiale, paru en France en 1945, ce roman jette un regard nécessaire sur le totalitarisme soviétique et particulièrement stalinien. le petit père des peuples a tué ou fait tuer plus d'hommes que Hitler, triste record qui ne dédouane pas le précédent. Ce roman basé sur des faits extraits de la réalité explique l'absence de valeur de l'homme dans les systèmes totalitaires qui l'anéantissent au nom d'une soi-disant cause qui n'est souvent autre que la priorité de leurs intérêts personnels.
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Haut dirigeant et figure historique du Parti Communiste Russe, Roubachof est arrêté et jeté en prison...D'autres avant lui ont connu son sort, il a lui-même collaboré à ce système.
Révolutionnaire de la première heure, compagnon de Lénine, il a déjà connu la prison et la torture, quelques années plus tôt, en 1933 alors qu'il était en mission diplomatique en Allemagne. Il était l'un des hommes fort du régime, dirigeant de l'industrie de l'Aluminium
Il sait en entrant en prison qu'il sera exécuté, que son image sera effacée des photos historiques, qu'il n'existera plus jamais dans la mémoire collective du pays, même son nom sera banni.‌ "Roubachof savait qu'il était au secret et qu'il y resterait jusqu'à ce qu'on le fusillât.".
Comme tout individu, il n'est rien, il est quantité négligeable, un zéro, face à L Infini qu'est le Parti. "La définition de l'individu était : une multitude d'un million divisé par un million."
En entrant en prison, il ne sait pas de quoi il sera accusé, par contre, il sait que les accusations seront montées de toute pièce, qu'on cherchera à l'humilier en le forçant à avouer ce qu'on souhaite qu'il avoue et que malgré sa volonté il signera des aveux tôt ou tard.
Son accusateur est un de ses anciens collègues et amis, lui même rapidement éliminé et exécuté au cours de l'instruction, et remplacé par son assistant, un homme froid et implacable
Roubachof a lui-même participé froidement à ces crimes, créé ces preuves dans d'autres procès, fait éliminer sa secrétaire et maîtresse, sans état d'âme...
Arthur Koestler en écrivant ce livre en 1938, fait référence à ces grandes purges staliniennes de 1936-37, sans cependant jamais citer Staline, purges dont plus de 700 000 personnes ont été victimes en 2 ans, mais surtout nous décrit la dialectique, le vice de ces accusateurs.
Véritable documentaire sur cette période de l'histoire, le Zéro et L Infini est aussi un ouvrage de réflexion philosophique sur la place de l'individu dans tout régime totalitaire, mais aussi dans tout système politique, sur la vérité et le mensonge en politique, sur la violence dans la politique, les partis politiques et l'individu, la dictature, la torture psychologique, la peine de mort.....
La fin justifie t-elle les moyens?
Un texte fort, dont chaque phrase, chaque conversation entre Roubachof, ses accusateurs ou ses juges doit être pesée, dont chaque lecture nous délivrera un message différent.
"La vérité, c'est ce qui est utile à l'humanité ; le mensonge ce qui lui est nuisible."
Vaste sujet philosophique et politique
Ah ! L'amitié en politique...Toujours d'actualité !
Un ouvrage lu dans ma jeunesse mais oublié depuis que je relirai avec plaisir.

Lien : https://mesbelleslectures.co..
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A partir du moment où Dieu se fait homme et partage la condition humaine chaque être humain devient une histoire sacrée. C'est la préoccupation sociale jusqu'à l'infini. le marxisme lénino-stalinien prend l'exact contre pied de cette vision: le parti c'est Dieu, c'est l'infini . L'être humain ne compte plus, il est totalement assujetti au parti, il n'est rien , c'est le zéro.
Dans ce roman écrit à l'origine en allemand sous le titre Sonnenfinsternis que l'on peut traduire par éclipse de soleil, le personnage principal , Roubachof se retrouve incarcéré malgré son dévouement à son parti. L'homme qui l'interroge s'appelle Ivanof. Il est chargé de lui faire avouer son appartenance à un parti clandestin d'opposition. C'est évidemment faux mais on comprend au fil de la lecture du roman que Roubachof a oseé s'interroger ouvertement devant sa secrétaire sur le bien fondé de la politique du parti. Ivanof exerce un chantage laissant entendre que des aveux le sauveront du peloton d'exécution. Roubachof dont les conditions de détention sont très dures, finit par céder. Dès lors, ses conditions s'améliorent mais il apprend l'élimination d'Ivanof et son remplacement par Gletkin. Si vous voulez connaître la fin lisez ce chef d'oeuvre. Car, à l'instar d'un Camus ou d'un Malraux, Koestler ne se contente pas de raconter une histoire qui vous prend aux tripes, il émaille son récit de questions fondamentales.
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Un roman, dense et complexe, sur l'écrasement des individus et sur l'échec des processus révolutionnaires.
Derrière la critique du régime de l'est dénoncé par Koestler, on peut faire un parallèle avec tous les systèmes totalitaires; non seulement politiques ou religieux, mais également ceux issus d'une idéologie institutionnalisée en organismes défenseur d'une cause quelconque.
En soi toute cause, même bonne, se radicalise par effet de groupe et d'institutionnalisation. L'intégrisme n'est jamais loin, et tout contradicteur, même pragmatique, sera à bannir.
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