À travers un récit présenté en deux parties (le discours d'une mère pour sa fille, puis celui d'une fille pour sa mère), ce roman raconte la vie d'une famille libanaise immigrée en
Côte d'Ivoire, alors colonie française, entre les années 1920 et 1960.
La première moitié du livre se concentre sur Dounia et son exil du Liban vers l'Afrique en 1936, après avoir été mariée à un homme qu'elle ne connaît pas. Ces premiers chapitres, que j'ai trouvés très mélancoliques, abordent des thèmes forts comme ceux de l'oppression des femmes, le sentiment de culpabilité liée à l'abandon de sa terre d'origine, les difficultés de l'exil (sa "ghorbé" comme elle l'appelle), mais aussi l'arrogance du colonialisme et les crises identitaires causées par le multilinguisme.
Plus tard, la seconde moitié du livre met en scène Lamia (la fille de Dounia, née en
Côte d'Ivoire), adolescente presque adulte fréquentant les milieux révolutionnaires qui aspirent à la fin de la colonisation et à l'indépendance du pays. Ces chapitres ont le goût de l'émancipation, de la libération des moeurs, des sexes et des peuples, et alimentent le combat pour l'égalité sociale désirée par les opprimés et les minorités.
J'ai beaucoup aimé le style de l'auteure qui, par des séquences descriptives très précises et des éléments visuels ou olfactifs, donne une place prépondérante au décor dans son récit et invite au voyage vers l'Afrique. le roman est ponctué de nombreuses questions que se posent les narratrices et qui interpellent le lecteur, à la manière d'une histoire que l'on raconte à l'oral, que l'on écoute et que l'on partage. En bref, un très beau roman d'exil, d'identité, de témoignage, de transmission et d'héritage.