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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Les abeilles grises est un excellent roman, qu'il est, avouons le, un peu difficile de séparer du contexte actuel. Écrit il y a quelques années et seulement traduit en français, il débute en effet dans la zone grise où le front entre les ukrainiens et les russes est resté plusieurs années avant vous-savez-quoi....
Une fois ceci mis de côté, intéressons nous à l'histoire: tout commence dans un village évacué car très mal situé vis à vis de la ligne de front. Évacué? Pas totalement, il reste deux irréductibles, anciens ennemis depuis l'enfance et qui ne seraient plus jamais adressé la parole si trois ans avec juste l'autre pour compagnie habituelle.... L'autre, et pour notre personnage principal, apiculteur amateur, les abeilles. Elles attendent l'été bien au chaud dans leurs ruches planquées dans la grange/garage, car la température du Dombasse l'hiver n'a rien de bien drôle. Et c'est sans parler des canons qu'on entend régulièrement tonner, et qui peuvent toujours vous envoyer quelque chose dans la figure quand les artilleurs sont mal réveillés.
L'absurdité du monde dans toute sa force vous prend en embuscade au coin des pages, quand vous suivrez notre apiculteur, entre deux bols de vermicelles, aller recouvrir de neige un cadavre qu'aucun des camps ne se presse de récupérer à cause des snipers. Cela passe de moments un peu cocasse à des instants qui tordent le coeur, comme sa dénonciation de la persécution des Tatars dans la zone occupée.
Il y a ici une tendresse pour ses personnages et une dénonciation de la violence et de la bêtise, et pas seulement dans le Dombasse et c'est ce mélange qui est très réussi.
Un excellent roman
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Paru en 2018 en Ukraine, ce roman relatant le quotidien d'un apiculteur en zone grise, dans le Donetsk, se lisait déjà comme un témoignage de ce que vivait la population ukrainienne, piégée dans la région du Donbass, en plein conflit entre soldats ukrainiens et séparatistes pro-russes. Il s'annonçait aussi comme une mise en garde contre Moscou, mais prêtait à son héros un peu d'espoir : un jour, la guerre serait finie... Depuis, le 24 février 2022 a tué dans l'oeuf cet espoir de paix et de retour rapide à une vie normale.

Retraité, usé par la silicose du mineur, Sergueïtch vit seul depuis 3 ans dans le petit village de Mala Starogradivka, dans cette zone grise qu'il peine à dénommer, désertée par les villageois depuis que les obus pleuvent et explosent sur la région. Tous sont partis mais pas lui qui a voulu rester pour protéger ses abeilles, ni Pachka son ancien "ami-ennemi" d'enfance. Sergueïtch s'est habitué à sa vie fruste - sans électricité ni téléphone -, au chauffage au charbon de mauvaise qualité, à l'éclairage aux cierges récupérés dans l'église bombardée, à la monotonie d'une nourriture pauvre. Surtout il s'est habitué au silence et à la solitude qui lui apportent une paix factice. Pour passer le temps, l'apiculteur feuillette ses albums photos, rend visite à Pachka, sort la nuit – pour éviter d'être repéré par un sniper – et va recouvrir de neige le corps d'un soldat tué qu'il est impossible d'enterrer dans le sol gelé et dont il ne sait à quel camp il appartient...

Au printemps, Sergueïtch décide de partir en Crimée avec ses ruches pour les amener au soleil. Il emporte ses bidons de miel qui lui serviront de troc. Il devra affronter bien des vicissitudes mais fera aussi quelques belles rencontres dans des paysages qui font rêver : routes bordées d'abricotiers, champs de sarrasin en fleur, montagnes et vallées magnifiques de la Crimée...

Dans ce roman qui se lit avec lenteur, le silence est très présent et acquiert une épaisseur poétique. C'est le silence lénifiant ouaté par la neige qui arrondit tout le relief, à peine entrecoupé par quelques détonations lointaines... un canon ? le silence rassurant tant qu'il est rythmé par le tic-tac du réveil qui égrène les secondes mais qui se fait inquiétant quand le tic-tac s'arrête laissant Sergueïtch perdu... Quelle heure est-il ? Quel jour est-on ? C'est aussi le silence apaisant juste animé par ses abeilles qui zonzonnent... le silence perturbé par un sifflement dans les oreilles au petit matin après une soirée trop alcoolisée seul ou avec son ami Pachka... Ou bien celui brutalement interrompu par les coups terrifiants d'un inconnu qui frappe à la porte... Ami ou ennemi ? La méfiance est toujours de mise, la peur toujours tapie au fond du coeur.

L'absurde qui était très présent dans le pingouin se fait plus subtil ici : on le trouve un peu dans les rêves de Sergueïtch, dans ses échanges souvent kafkaïens avec les gardes frontières aux postes de contrôle mais il réside surtout dans l'essence même de cette guerre décidée par la folie d'un homme.

Un très grand roman qui résonne si fortement avec l'actualité qu'il est impossible de ne pas éprouver de tristesse en le lisant et le refermant.
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Voici un livre "coup de coeur" que je n'aurais probablement jamais lu si la situation géopolitique en Europe ne m'y avait pas incitée. Avec ce roman, j'ai d'abord découvert un auteur, Andreï Kourkov, dont la plume est agréable, teintée de poésie et d'humour. de nationalité ukrainienne, il vit à Kiev, mais il est né en Russie et est russophone. La rédaction de ce livre en 2019 est donc antérieure aux évènements actuels qui secouent l'Ukraine.
L'auteur place l'intrigue de ce livre dans le Donbass trois années après le début des affrontements qui enflamment cette région depuis 2014 et qui opposent l'armée ukrainienne et les séparatistes pro-russes. Plus précisément, nous sommes à Mala Starogradviko, un petit village non loin de Donetsk, situé dans une "zone grise" c'est à dire sur la ligne de combat. Un village déserté , ou presque, car c'est là que vivent encore deux hommes d'une cinquantaine d'années, "ennemis/amis d'enfance": Pachka, sympathisant des séparatistes pro-russes, et Sergueï, le héros du roman qui, politiquement parlant, n'a pas d'opinions bien tranchées. C'est avant tout un homme tranquille qui aime l'harmonie des choses, que la gentillesse naturelle porte à rendre service, un apiculteur solitaire, philosophe "à ses heures" qui souhaite vivre en paix avec ses abeilles. Alors que l'hiver 2017 s'achève, il décide de quitter momentanément cette "zone grise" pour transporter ses six ruches loin des bruits de la guerre. Commence alors pour lui un périple riche en rencontres mais hasardeux, d'abord dans la région de Zaporijjia, ensuite en Crimée récemment annexée par la Russie, où il espère retrouver un ami tatar, apiculteur comme lui. Mais tout ne se passe pas comme il le souhaite, et c'est un homme probablement différent qui va, à la fin de l'été, reprendre le chemin du Donbass. Rien n'est dit explicitement, tout est finement suggéré.
Sergueï fait partie de ces personnages de fiction très attachants que le lecteur quitte difficilement,et il se prend alors à espérer que l'auteur écrira un jour la suite de l'histoire.
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Dans un petit village de la zone grise entre Donetsk et Ukraine, en 2017, il ne reste que deux habitants, chacun dans sa rue : Sergueïtch, apiculteur d'une cinquantaine d'années, et Pachka, son « ennemi » d'enfance, avec lequel il est bien obligé de composer. Sans électricité, sans magasin sur place, avec juste une vieille voiture, ils restent là, entre les positions des Ukrainiens et celles des séparatistes pro-russes, à attendre la fin d'un conflit qui s'éternise. Entre survie au quotidien et rares passages d'un militaire ou de trafiquants, l'hiver se passe. Puis Sergueïtch décide de laisser sa maison et de conduire ses abeilles pour l'été dans une zone plus calme, en Ukraine. Il campera à côté d'elles. C'est le début d'un périple aux multiples complications administratives, qui le mènera ensuite en Crimée, mais qui lui permettra aussi de voir comment d'autres vivent le conflit, à quelques centaines de kilomètres de chez lui.

J'ai lu plusieurs romans d'Andreï Kourkov, mais celui-ci est le premier à me toucher autant. Au cours de la première partie, dans la solitude où se trouve Sergueïtch, le moindre bruit ou le moindre silence étonne, tout comme les changements de couleurs, notamment tous les contrastes du blanc au gris et au noir, contrastes symbolisés par un cadavre lointain sur la neige. Cette vie quotidienne faite de manques et de renoncements est très émouvante, avec parfois des épisodes plus légers.
Lorsque Sergueïtch se lance dans son voyage avec ses abeilles, l'inquiétude est plus palpable, même si les bombes ne résonnent plus au loin, car il ne sait jamais trop comment il va être considéré par les Ukrainiens ou par les Russes qu'il va devoir côtoyer.
Malgré son thème en demie-teinte, la lecture de ce roman se révèle tout à la fois savoureuse et pleine d'humanité, grâce au personnage de Sergueïtch, avec son bon sens et son empathie pour les autres, quels qu'ils soient.
Beaucoup en ont très bien parlé avant moi, je ne m'étendrai donc pas plus, si ce n'est pour vous encourager à le lire !
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Ukraine, 2014 : la guerre, déjà. Séparatistes et « Ukrop » s'affrontent non loin de chez Sergeïtch, resté seul dans son village, un no man's land situé en zone grise. Seul ou presque : il lui reste un voisin et surtout ses abeilles, six ruches dont il prend un soin infini. Au point d'envisager un monde meilleur pour elles...
J'ai adoré suivre cet homme ordinaire dans son quotidien « à l'ancienne », se chauffant au charbon ou au réchaud, se préparant des repas frugaux. Un homme ordinaire bientôt confronté à l'horreur de la guerre ou à celle d'un régime totalitaire.
Le texte reste solaire malgré le contexte ; l'auteur frise même avec le burlesque (les noms des rues !). Mais il ne peut s'empêcher d'être grinçant, amer, et de dénoncer la folie des hommes très frontalement, peut-être plus encore que dans ses précédents romans.
De quoi mieux comprendre un pays à la veille d'une guerre plus massive, plus meurtrière, plus démente encore.
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J'avais choisi de lire ce roman pour découvrir l'Ukraine de l'intérieur, pour apprendre à mieux connaître ses habitants aujourd'hui martyrs d'une guerre impitoyable. Et j'ai eu la surprise de découvrir un chef d'oeuvre littéraire, magnifique condensé de réalisme et de satire, d'humour et de poésie.
Sergueï vit dans la zone grise du Donbass, entre les lignes de front des séparatistes et de l'armée ukrainienne, c'est-à-dire au coeur des combats. Et, pourtant, il mène une vie relativement heureuse, malgré les privations et la violence, parce qu'il sait se connecter à l'essentiel : il prend soin de ses abeilles, il accueille l'amitié quand elle se présente, même de manière improbable. Quel exemple !
Et pourtant, il n'est pas un saint : il peut être maladroit, égoïste et lâche, et, comme tous les autres, il peut se laisser aveugler par la peur. Mais, après l'avoir côtoyé tout au long de ces pages, comment ne pas l'aimer, comment ne pas prendre exemple sur ce qu'il a de plus admirable : sa gentillesse, son admiration pour la nature, son authenticité ?
L'auteur évite de tomber dans les pièges du manichéisme, il n'y a pas de bons totalement bons, ni de méchants absolument méchants. La bêtise, la violence et l'opportunisme se rencontrent dans un camp comme dans l'autre, autant que la gentillesse, la solidarité et la compassion. C'est au-delà des individus, au niveau de l'État, que se situe la violence pure, capable de faire flancher même les plus sages.
Ce roman nous connecte avec la vie, telle qu'elle est, sans la déformer, sans l'instrumentaliser, et je crois que c'est de cela dont je me souviendrai.
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Un grand livre !
J'ai hésité longtemps avant de le lire : vu le lieu et le temps, je craignais le livre de guerre dur, militant ou sanglant.
J'ai trouvé un livre tendre, poétique, nous racontant le parcours d'un homme, ses relations avec les autres hommes, les femmes, les abeilles et la nature, malgré le climat guerrier sévissant dans cette région.
Nous avons tous cela plus l'amitié, la solidarité, mais aussi la rigidité, la corruption etc.
Un grand livre, bien écrit, nous tendant un miroir, faisant penser à Garcia Marquez
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L'Ukraine contemporaine compte plusieurs écrivains de grand talent. Mais Andreï Kourkov est le plus connu chez nous. Son roman "Les abeilles grises", publié en France en 2022, est un roman sur le conflit qui bouleverse son pays. Attention, ce n'est pas "l'opération spéciale" (voulue par V. Poutine en 2022) qui est évoquée ici, mais le conflit armé entre les séparatistes russophones du Donbass et de pouvoir central ukrainien, qui a commencé dès 2014 et qui continue aujourd'hui à une échelle plus vaste.

L'auteur réussit le tour de force de consacrer la première moitié de son livre à un village situé près de la ligne de front mais relativement épargné, déserté par la quasi-totalité de ses habitants: il ne reste là que deux hommes seuls, Sergueïtch et Pachka, qui ne s'aiment pas mais qui sont contraints de coopérer, vaille que vaille. C'est le premier, un homme mis à la retraite anticipée et apiculteur, qui est le personnage principal du roman. Parfois un "visiteur" (un soldat, par exemple) apparait dans le village, puis disparait. Parfois un obus tombe, un sniper prend position non loin de là, le cadavre d'un soldat reste abandonné sur la neige (ce qui dérange Sergueïtch): une sombre routine dans laquelle le héros fait preuve d'une résilience obstinée. Il ne prend pas position au sujet de la guerre. Ce qui compte vraiment pour lui, ce sont ses abeilles. Finalement, il finira par quitter son village. Il prendra ses quartiers en Crimée annexée, auprès d'une famille de Tatars musulmans (donc mal vus). Quoique confronté à la sévérité et à l'incohérence des forces de sécurité russes, il y trouvera provisoirement une certaine sérénité, avant de revenir dans son village…

Un très beau roman, éloigné de l'idéologie nationaliste, pétri d'humanisme; son héros restera dans ma mémoire.
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Sergueïtch est apiculteur et l'un des deux habitants d'un village au nom imprononçable perdu sur la ligne de front au Donbass , la « zone grise » . Pour protéger ses ruches il part jusqu'en Crimée pour un périple mouvmenté. Ecrire un roman sur un sujet d'une si brûlante actualité n'est pas évident mais Kourkov y parvient sans simplification outrancière ni manichéisme ( même s'il ne laisse rien ignorer des turpitudes du régime poutinien). Il permet de mieux comprendre la complexité de ce lieu (le Donbass) et de cette situation et d'en comprendre le coût humain . Excellent roman.
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Que voilà une lecture réjouissante !
Terrible de dire ça d'un roman qui nous plonge en plein coeur de l'atroce réalité ukrainienne; mais le génie d'Andreï Kourkov nous sauve du marasme.
Le poète situe l'action dans la zone grise, met à l'action des abeilles grises et deux hommes un peu gris aussi : gris d'une vie coupée du monde et un peu gris aussi de vodka ou de ratafia au miel... Mais au milieu de cette grisaille, il y a la vie des abeilles, parallèle et comparable à la vie des hommes.
Et Sergueïtch, apiculteur rêveur mais responsable est une belle âme : "C'est qu'il était responsable de sa santé, non seulement devant lui-même, mais aussi devant les abeilles ! Qu'il lui arrive quoi que ce soit, et elles périraient dans toute leur multitude, or l'idée de devenir, même contre sa volonté, l'assassin de centaines de milliers d'âmes abeillines lui était absolument intolérable."
Sergueïtch sait aussi accueillir chez lui le soldat Petro avec lequel il partage la bonne idée d'avoir changé le nom des rues : que la rue Lénine soit devenue rue Chevtchenko " Ah, ça, cest bien ! Chevtchenko vaut mieux que Lénine, il écrivait des poèmes." Petro avec lequel il échange aussi un seul SMS vibrant de signification au milieu des bombardements " Vivant ?"
Petro devenu un ami auquel il communique SA médication extraordinaire qui lui vaut entre autres de garder précieusement dans un "chaussurier" une paire de chaussures en cuir d'autruche offertes par un ancien gouverneur. " Il venait autrefois chez moi le temps d'une sieste sur mes ruches, pour reprendre des forces."
" Les vibrations produites par les abeilles agissent de manière bienfaisante sur les nerfs, elles rajeunissent !"
Je ne dirai pas que cette lecture m'a rajeunie, encore que ...Je ne saurai trop vous la conseiller.

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