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Critique de Nemorino


MODIGLIANI… Ses modèles finissent par tous se ressembler, les nobles et les gueux, la gitane et le zouave, le paysan et le collectionneur : les cous allongés, les nez lancéolés, les visages efflanqués, les corps étirés, les yeux réduits à leur contour. L'exigence de la pureté, de la beauté antique, l'auto-restriction, la linéarité des formes aux pourtours légèrement arqués, l'abstraction, l'asymétrie, ces caractéristiques de Modigliani sont son image de marque et le rendent reconnaissable entre mille.
J'ai trouvé le livre de Doris Krystof, ayant pour un deuxième titre « La poésie du regard », il y a trois ans, dans une petite pile de livres abandonnés, sur mon chemin habituel au sport, et, curieusement, à l'emplacement d'un peuplier géant, alors récemment coupé à mon regret brûlant. Tout neuf, il avait la vocation de combler ma lacune. Jusque-là j'aimais Modigliani sans vocabulaire, sans le support raffiné des historiens de l'art.
Contente, j'ai feuilleté mon acquisition sur-le-champ, mais distraitement. Je ne me suis pas jetée sur l'étude de l'ouvrage, on ne sait pas pourquoi, sceptique sur la possibilité de distinguer l'artiste de l'homme, puis le vrai Modigliani de la figure romanesque, enfin Modigliani de Gérard Philipe dans « Montparnasse 19 ». Car il incarne par excellence la séduction, l'infortune, l'inclination à l'alcool et la drogue, les folles passions, jusqu'à la défenestration de son amoureuse à sa mort précoce, qui ont inspiré tant de cinéastes… D'innombrables anecdotes et légendes cachent sûrement une parcelle de vérité. Puis le temps est venu de lire l'analyse que nous offre le travail de Doris Krystof.
La peinture, selon un mythe antique, est un moyen de ressusciter le passé, de retrouver l'absent, procurer la consolation, elle est fruit de l'amour, mais en même temps, un tableau est « essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées », d'après la célèbre définition de Maurice Denis (1870-1943). Chaque créateur possède sa façon d'harmoniser ces deux dimensions de l'oeuvre peinte, et l'expérience de Modigliani, à travers le portrait, se révèle hautement intéressante.
Ce livre est riche tout en étant assez fin du point de vue de la quantité de pages. Ses illustrations rutilantes sont très nombreuses. Il est parfait pour découvrir les étapes de l'oeuvre de Modigliani sans être destiné aux experts en la matière.
Il contient cinq chapitres aux intitulés parlants. Dans « Un germe fécond », l'auteure nous rappelle l'héritage de la peinture italienne, Sandro Botticelli, entre autres, qui a ébloui Amedeo l'enfant, et qui a continué à le motiver au long de sa création. Il a, au moins, deux surnoms, Dedo, lorsqu'il est très jeune, puisant auprès de sa mère, remarquablement cultivée, le goût des arts et, qui sait, peut-être, la force promotrice, puis Modi, comme une évocation du peintre maudit, disparu en plein essor artistique.

Dans « Les piliers de la tendresse » est développé le côté sculpteur de l'artiste peu après son arrivée à Paris, la « Ville des Lumières », en 1906. On apprend, par exemple, qu'il avait eu recours à l'éclairage aux bougies pour exposer son « ensemble décoratif » et non ses oeuvres isolées. Ces pierres dans une pénombre vacillante impressionnent comme une scène d'exorcisme.
Dans le 3ème chapitre, « C'était un aristocrate », est brossé le profil de l'artiste qui se démarque parmi les « -ismes » prédominants (fauvisme, cubisme, futurisme, orphisme, dadaïsme) en tant qu'un marginal. Il abandonne son temps pour un idéal iconique. Dans cette partie de l'ouvrage, on peut voir plusieurs portraits que Modigliani a réalisés de ses contemporains renommés, amis et collègues : Max Jacob, Pablo Picasso, Moïse Kisling, Chaïm Soutine, Jacques Lipchitz, Blaise Cendrars, Jean Cocteau, Beatrice Hastings.
Le 4ème chapitre, « le deuxième temple de la beauté », est dédié aux nus et leur nudité érotique frappante, tout à fait exempte de l'académisme.
Le dernier chapitre, « Un oui muet à la vie », expose la période passée dans le Midi de la France à partir de 1918 alors que les Allemands bombardent Paris. Ici son inspirateur est Cézanne. Modigliani restera pour nous un peintre qui lit, des poètes, Dante, Baudelaire, mais aussi le philosophe Henri Bergson dont il traduit en peinture l' « attente créatrice » et la vision optimiste de l'homme. Modigliani s'essaye également au paysage et peindra au moins 25 fois Jeanne Hébuterne, sa nouvelle compagne, la mère de son enfant et son éternelle fiancée.
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