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EAN : 9782070732104
127 pages
Gallimard (15/09/2003)
5/5   1 notes
Résumé :
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
9
Georges Bataille
Et Dora Maar qui a été en analyse avec Lacan, l’avez-vous connue ?

JPEG - 27.1 ko
Sylvia Bataille dans Forfaiture
Marcel Lherbier, 1937
Non. Ce que j’ai bien connu en revanche c’est la question de Sylvia. Il est bien évident que le nom de Bataille était un problème considérable dans la région Lacan. Considérable. Et que Laurence Bataille en a elle-même subi les conséquences. J’ai dîné un seul soir avec Laurence Bataille. Je lui ai fait part de mon admiration sincère et d’ailleurs continuelle pour son père, pour son géniteur... à qui elle ressemblait beaucoup. Elle m’a interrompu en disant : « Écoutez non, quand on écrit certaines choses, on devrait penser à sa progéniture », etc. Voilà les familles. Donc le nom de Bataille a été censuré. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas continué à exister comme adresse, etc. C’est quelque chose qui aurait dû être étudié depuis longtemps et qui est absolument stupéfiant : le rôle du nom de Bataille dans... la région. La région c’est aussi bien les sueurs de Sylvia. Tout ça n’a pas été étudié par tabou. Cela me paraît très très très important. Pourquoi Bataille était-il objet chu de cette constitution familiale, avec une hostilité des femmes considérable, bien sûr ? Il aurait rendu les filles inmariables... c’est très mal vu d’être Bataille pour les matriarches de la région, n’est-ce pas, très très mal vu. Très mauvaise réputation. Et pour ce qui est de Picasso, c’est la même chose. Picasso et le minotaure devaient avoir très mauvaise réputation aussi... une vie qui n’est pas souhaitable. Trop de liberté.

*
Au fait, vous et Lacan n’aviez pas vraiment les mêmes centres d’intérêt culturels ?

Lacan n’a jamais vraiment parlé quand on s’est vu des choses qui m’intéressaient sur ce plan-là. Donc, Picasso... Joyce... il trouvait que c’était à côté... C’était un vieil homme.

Lacan, un vieil homme ?

Un jour, je l’ai fâché parce que je lui ai dit : « Au fond, vous êtes un bourgeois d’avant guerre. » Il avait du mal à voir ce qui s’était passé au XXe siècle. Si on ne sait pas ce qu’est la culture du XXe siècle, si on décide qu’elle n’a pas existé, on peut s’enfermer avec Lacan, mais enfin...

Il décidait qu’elle n’avait pas existé cette culture du XXe siècle ?

Il n’était pas au courant. Ça a été 40, sa formation de psychanalyste, Freud... Freud c’est déjà beaucoup... dans l’ignorance générale, c’est beaucoup, c’est très bien Freud. L’intention que j’avais avec Lacan, c’était de le faire passer de Gide à Joyce : vous voyez, il y a un abîme quand même.

Vous n’y êtes pas arrivé ?

Je crois qu’il n’a pas compris, non...



Vous avez essayé de l’emmener en Chine, et vous n’y êtes pas parvenu : pourquoi ?

Je n’y suis pas parvenu parce qu’il y avait un problème de protocole. Il a été fâché de voir que j’étais en quelque sorte le chef de la délégation. Il était considéré comme étant sous mes ordres. J’ai quand même fait beaucoup. J’ai fait envoyer une voiture de l’ambassade chinoise, enfin officielle, au 5, rue de Lille et je pense qu’il a dû être choqué parce qu’un Chinois a dû lui dire (il imite l’accent chinois) : « Alors vous êtes un vétéran de Tel Quel ? » Et puis il voulait emmener une de ses élèves, comme il disait, qui est morte maintenant et dont il semblait ne pas vouloir se passer. Or, à ce moment-là, c’était très difficile d’obtenir des passeports...

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Le voyage (manqué) en Chine
Moi, Je n’emmène pas les familles, les maîtresses. Si, j’emmène ma femme, cela va de soi, mais à part ça, non. Il y avait un autre participant qui voulait emmener son ami dont il ne s’était pas séparé une seule nuit depuis des années, mais enfin, bon, on ne pouvait pas. Lacan a annulé à la dernière minute.
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7
Vous distingue ?

Ah oui, nettement : ce qui me distingue des hommes en général. Je suis très peu porté au collectif...

« Dieu est inconscient »


Autre citation de Lacan que vous rapportez dans votre article [3] : « Dieu est inconscient. »

Ça aussi, c’est très bien. Oui. Cela pose la question du pseudo-athéisme.

Pseudo-athéisme de Lacan ?

Non, de tout le monde. Pour être athée, et donc devenir inanalysable, il faudrait faire vraiment beaucoup de théologie. Si vous dites « athée » sans savoir de quoi est faite l’hypothèse dite divine... l’athéisme doit être pris au sérieux, mais il n’est pas évident que ça existe. Un athée conséquent, moi, je n’en connais pas. Et « Dieu est inconscient » c’est bien posé parce qu’on ne voit pas pourquoi Dieu serait doté d’une conscience, au sens humain du terme, c’est-à-dire d’une représentation. Non. Ou plus exactement, si vous voulez, on a beau faire tout ce qu’on veut à propos de Dieu, il doit subsister quelque chose dans l’inconscient qui serait une hypothèse divine. Ou si vous préférez encore, comme il l’a dit, de façon très forte, un peu à la Heidegger : « Tant qu’il y aura du dire, l’hypothèse de Dieu sera posée. » Tant qu’il y aura du dire.

Pourquoi insistez-vous sur « dire » ?

Si on devient de plus en plus familier des problèmes de langage au sens très large, l’hypothèse de Dieu qu’est le dire lui-même se pose. On n’est pas obligé d’y répondre positivement, mais enfin, l’hypothèse est là. Il serait étrange de s’occuper du langage sans rencontrer cette hypothèse qui concerne en général les oeuvres monumentales du passé...

Le « parlêtre » : vous aimez bien cette expression de Lacan. « Le langage est corps ». Les séminaires de Lacan, c’était ça selon vous ?

C’était ça. Et, la psychanalyse en général c’est ça. Le parlêtre, c’est beau, c’est bien vu, c’est du Heidegger chez Lacan.

Lacan : poète ?

Non, il n’avait pas l’oreille pour la poésie. Une sorte... d’inaptitude. Ça c’est très frappant, et c’est quelque chose qu’on peut souligner en passant. C’est toujours la question de l’art, de la poésie...

Mais il me semble que vous avez déjà écrit le contraire, que finalement Lacan était un poète.

Non, sûrement pas. Ou alors un poète au sens romantique du mot, avec une sorte de poétisation extrême de l’existence, parce que sa vie était très passionnante.

Selon vous, il n’y avait pas une poésie, une esthétique de langage dans ses écrits ?...

C’était son ambition. Cette ambition a culminé dans l’embarras avec une certaine forme de charabia parfois.

Vous voulez dire que Lacan était laborieux ?

Il aurait voulu avoir cette espèce de don sublime pour avoir un rapport aisé au langage.

Il avait quand même très certainement un certain rapport pour parler de « langage-corps », etc.

Certes, c’était son sujet. C’est très beau des gens qui s’efforcent vers ce qu’ils sentent comme essentiel. Cela ne veut pas dire qu’ils l’atteindront, mais c’est très beau qu’ils fassent cet effort.

Mais vous êtes très condescendant quand vous parlez de Lacan comme ça...

Mais oui... Je sais de quoi je parle. Je crois vraiment qu’il vaut mieux être un grand écrivain que Lacan.

Pourquoi ?

Parce que je pense qu’il vaut toujours mieux être un grand artiste plutôt qu’un piéton de la pensée aussi magistral soit-il.

Pourquoi avez-vous intitulé votre article du Monde du 13 avril 2001 « Passion de Lacan » ?
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3
Les ouvrages de Lacan vous intéressaient-ils en eux-mêmes ? son style, etc. ?

J’ai relu les Écrits. Cela a beaucoup vieilli, par pans entiers, à cause du fait que c’est sur écrit avec une sorte d’embarras par rapport à l’écriture.

Embarras ?

Oui, oui, un embarras réel, une préciosité.

D’ailleurs comment définiriez-vous l’adjectif lacanien aujourd’hui employé à toutes les sauces ?

Les lacaniens sont des gens intoxiqués par le discours de Lacan, et qui font moins bien que lui. Donc de même que Marx a dit qu’il n’était pas marxiste et que Freud n’était pas freudien, Lacan n’a jamais été lacanien... « Lacanien », cela relève d’intérêts tout à fait compréhensibles et parfois du grotesque. Les lacaniens sont incultes (silence) ; lacanien ça veut dire inculte. Marxiste aussi, et freudien aussi. Freud, Marx, Lacan étaient des gens extrêmement cultivés (il rit).

On lui a reproché son apparence, sa manière d’être à l’autre, de bouger, de parler... Et vous ?

Au contraire ! Le fait de susciter une telle fascination, une telle séduction, c’était très bon signe. Chacun son style ! (rire) Il prenait une place affirmative considérable par le fait d’avoir ce corps-là, et d’avoir cette voix-là, et de se comporter comme ça, comme un tyran extrêmement désagréable par moments, ou alors absolument charmant, rigolo. Bref, il avait une présence, comme on dit, et les gens qui ont une présence, moi, ne me gênent pas. Au contraire.

Et vos conversations, c’était un dialogue ?

Oui, un bavardage réciproque. C’était une des personnes les plus amusantes que j’aie rencontrées.

Par exemple ?

Il fait partie des gens qui ne parlent pas directement. Il y avait un jeu d’échecs immédiat dans la conversation. C’était une conversation entre systèmes logiques, et ça c’est amusant. Lacan était tout sauf un progressiste ou un humaniste. C’est quelqu’un qui pensait que l’être humain a vraiment de très très mauvaises intentions. Il pensait donc des choses extrêmement raides à ce sujet. Un pessimisme transformé malgré tout en gai savoir. C’est étonnant : comment peut-on avoir à la fois un pessimisme aussi profond, aussi radical, et le prendre un peu à la rigolade quand même. Parce qu’il était rigolo.

Par exemple ?

C’était dans l’attitude, et il y a des jeux de mots de Lacan : « les petits souliers » pour parler des analystes, enfin des choses comme ça. Ce sont des choses drôles. Le Panthéon qu’il désignait : il levait le bras et il disait : « Le vide-poches d’en face. » C’est assez joli, c’est drôle. Les cercueils qui sont là, « c’est un vide-poches »... Ou alors, le fait de publier, avec un jeu de mots sur la « poubellication ». Voilà, c’est assez beau...

Quoi d’autre ?

J’entends sa voix de temps en temps faire surtout les soupirs.
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Jacques Lacan, récit d’une relation " épisodique et intense "
Propos de Philippe Sollers recueillis par Sophie Barrau, le 15 juin 2001

La première fois que j’ai vu Lacan, c’était en 1965. Je venais de publier un livre qui s’appelle Drame et j’étais allé écouter par curiosité son séminaire. Il m’avait fait signe, on a déjeuné ensemble, et il était persuadé que j’étais au courant de ce qu’il appelait lui-même son " enseignement " ? et que j’y étais déjà sensible. Or pas du tout. Et la première fois que nous avons dîné ensemble, il m’a demandé quel était mon projet de thèse. Or évidemment je ne faisais pas de thèse. Pour Lacan, quelqu’un qui existait dans le langage était forcément un universitaire...

Il pensait que vous étiez un « élève ».

Oui, il y a là comme un malentendu très productif dès le début. C’était un rapport étrange, intéressant...

Ce malentendu initial a-t-il été le fil conducteur de votre relation ?

Le fil conducteur de la relation est passé par une curiosité réciproque. Moi ce qui m’intéressait chez Lacan, c’était sa pratique. Je ne suis jamais entré en analyse moi-même, mais ça m’intéressait beaucoup de savoir comment fonctionnait le rapport qu’il entretenait entre sa pratique et son discours. Et à ce moment-là j’ai suivi, pendant des années, avec beaucoup d’intérêt, ses séminaires. Séminaires atypiques puisque finalement ils étaient ouverts à tout va, et qu’il ne s’ensuivait aucun diplôme particulier ni aucune aptitude particulière. C’était un lieu prégauchiste si vous voulez, ou postgauchiste, enfin quelque chose qui détonnait complètement dans la société française...

Quel intérêt immédiat avez-vous trouvé dans ses séminaires ?

Je me contentais d’étudier sa logique et la façon dont il improvisait parce que je trouvais qu’il était un remarquable orateur, c’est-à-dire un très grand professionnel de l’improvisation.

Ses détracteurs lui reprochent un petit peu ça, c’est-à-dire d’avoir fait du théâtre...

Mais certainement. C’était un théâtre des plus intéressants, le meilleur que j’aie vu de ma vie et de très loin. La respiration, le dérapage, la digression, la reprise, les soupirs, le fait de revenir sans cesse à ce qui l’intéressait : c’est le plus grand théâtre que j’aie vu, et ce n’est pas péjoratif dans mon discours. Il y avait un côté à la fois comique, pathétique, enragé, plaintif. Tout ça c’était vécu : son corps était intéressant... son élocution... Le « Télévision » filmé par Benoît Jacquot [1], plan fixe, discours écrit et récité, c’est la plus mauvaise façon, à mon avis, d’aborder Lacan. Il fallait le prendre dans ses hésitations, ses repentirs, ses silences, ses coups de gueule...
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Et en tête-à-tête, ça se passait comment ?

Quand il sortait de son cabinet, après ses séances, vers 19 h 30, 20 heures, on allait en face de chez lui, dîner, comme ça, rapidement...

Au restaurant La Calèche ?

À La Calèche, c’est ça. On buvait du champagne rosé dont il m’arrosait très gentiment... Et là la conversation était libre, elle pouvait sauter d’un sujet à l’autre et c’était très agréable. Je crois que je le détendais.

Est-ce qu’il n’y avait pas finalement entre vous quelque chose qui tournait un peu autour du pot ? Vous dites qu’il aurait peut-être aimé vous « allonger ».

Je pense qu’il s’est demandé comment on pouvait être comme moi sans passer par l’analyse. Je pense qu’il se l’est vraiment demandé, comme il se l’est demandé à propos de Joyce ou d’autres. Cela me paraît tout naturel d’être comme je suis sans passer par la psychanalyse et l’université. Comment peut-on être un corps pleinement agissant sans être membre d’un corps constitué ? C’est ça qui l’intriguait chez moi.

Il y a cette interpellation dans le séminaire « Encore » : « Sollers est comme moi : il est illisible. »

Ce « comme moi » va très loin quand même. C’est une appropriation. Moi je n’aurais jamais dit « Lacan est comme moi ».

Vous auriez dit quoi ?

J’aurais dit « Lacan c’est Lacan, et il m’intéresse ». Donc je pense que le transfert a été réciproque et à mon avantage.

À votre avantage. Mais vous ?

Je me livre volontiers au transfert quand ma curiosité est en jeu. Et je le dénoue tout naturellement quand ma curiosité n’est plus en jeu (il rit).


Lacan vous a écrit deux dédicaces sur ses livres.

« On n’est pas si seuls somme toute », sur les Écrits parus en 1966. C’est le commencement de la partie. Cela veut dire « Vous êtes seul, je suis seul, mais on n’est pas si seuls ». La deuxième c’était pour « Télévision » et c’est très étrange... : « Cher Sollers qui s’est déjà dérangé pour ça. » « Ça » : il parle de cette télévision-là dont il a eu certainement l’impression lucide que ce n’était que ça [2].
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