L'histoire de l'Asie centrale entre la fin de l'Antiquité et le début du Moyen-Âge peut paraître à première vue assez obscure, susceptible de n'intéresser qu'une poignée d'érudits... Étienne de la Vaissière, historien spécialiste de cette région ayant notamment mené des fouilles archéologiques en Ouzbékistan et en Afghanistan, nous montre dans cet ouvrage à quel point l'Asie centrale d'il y a un millénaire et demi peut être fascinante, quand elle était littéralement un carrefour où se mêlaient les modes de vie (nomades, sédentaires, pastoralisme, agriculture...), les religions (bouddhisme, islam, zoroastrisme, chamanisme...), les langues et les cultures (turque, chinoise, perse, tibétaine...). Une forme de mondialisation, en somme, s'était développée dans les oasis et sur les pistes commerciales du côté de Merv, Samarcande, Bactres ou Dunhuang, jusqu'aux bouleversements du 8ème siècle qui mirent un coup d'arrêt aux échanges.
Ce livre est une mine d'informations sur un sujet méconnu et peu traité. Vouloir résumer son contenu serait vain, tant il embrasse un grand nombre d'aspects. En effet, il ne s'agit pas uniquement d'une histoire événementielle de l'Asie centrale, loin de là : on a certes un récit chronologique de la formation et de la chute des empires, des guerres et des rois, mais une grande place est également réservée à l'économie, l'art et la culture, les croyances... et même l'histoire du climat, présentée dans les premiers chapitres, celui-ci ayant une importance primordiale dans ces régions où une bonne part de l'activité humaine découle de la recherche de l'eau et des meilleurs pâturages.
Dans un premier temps, j'ai abordé cet ouvrage comme tant d'autres essais historiques : en commençant au premier chapitre pour finir au dernier, en progressant page par page. Mais je me suis rapidement rallié à la vision de l'auteur, qui dans son introduction en forme de note d'intention nous invite à nous perdre, feuilleter, sauter des passages ou revenir en arrière... Et effectivement, ce n'est pas un livre destiné à être lu de manière linéaire puis rangé dans sa bibliothèque une fois qu'on l'a refermé. Il s'agit plutôt d'un ouvrage de référence, à parcourir et à consulter au gré des envies ou des besoins. Je n'ai pas lu chacune de ses 500 pages (sans compter les annexes) avec la même attention, il y a des chapitres sur lesquels je me suis arrêté et d'autres que je n'ai fait que survoler... mais dont je sais que j'y reviendrai, dans un mois, dans un an ou plus tard.
Si le fond est d'une grande richesse, la forme n'est pas en reste, et la réalisation de l'ouvrage a bénéficié d'un grand soin qui le rend particulièrement agréable à lire : il faut relever la clarté de la mise en page, la qualité du papier, et la présence de très nombreuses illustrations tout en couleurs : cartes, peintures, pièces archéologiques, photos des lieux actuels... si bien que le prix de vente (33 euros) n'est pas du tout excessif. Merci aux éditions des
Belles Lettres de proposer de tels ouvrages, loin des modes et des tendances actuelles, sur des sujets pointus tout en se voulant accessibles aux non-spécialistes. Et merci à Babelio de nous les proposer dans le cadre de Masse Critique.