Voilà qu’après m’avoir sorti des limbes, fait miroiter le paradis sur terre, une Ève et son Adam, le jour en tête-à-tête à se conter fleurette, la nuit côte à côte à se chanter la pomme, l’éternité à se humer les fleurs odorantes, à se vautrer dans l’herbe tendre, à se croquer le fruit défendu et à se cultiver le jardin d’Éden, susurrais-tu pour jeter de l’huile sur mon feu alors que je flambais déjà, prêt à me consumer et à me réduire en cendres.
Tant pis si je souffre l’enfer d’avoir entrevu ton fruit défendu sans y avoir goûté ! tant pis si ton départ me creuse un gouffre et si j’y tombe dans la noirceur opaque, sans même en voir le fond ! tant pis ! tant pis ! tant pis ! t’en fous-tu comme une harpie irresponsable qui se désiste après m’avoir apprivoisé, dompté, coupé les griffes, appris à faire le beau plutôt que l’animal sauvage.
Une bègue qui prend la parole, tu penses pas que ça peut ralentir le rythme de ton film ? T’as déjà vu des bègues tenir le rôle principal sans faire rire ? C’est une comédie ou un documentaire , ton film ? semble répondre à sa place le barman qui se prête volontiers à son numéro de ventriloque lorsqu’elle urge de répliquer sans bégayer pour se débarrasser d’un importun.
Que tu es belle, ma compagne ! que tu es belle ! tes yeux sont des colombes aux ailes repliées, ta chevelure est comme un troupeau de chèvres qui dégringolent du mont Galaad, comme un ruban écarlate sont tes lèvres et ta babillarde est jolie à croquer, comme la tranche d’une grenade est ta tempe à travers son voile, tu es un jardin verrouillé, ma sœur, ô fiancée
Que tu es belle, et que tu es gracieuse, amour, fille délicieuse ! ta stature que voici est comparable à un palmier; et tes seins à des grappes ! je dis : « il faut que je monte au palmier, que je saisisse ses régimes »; que tes seins soient donc comme les grappes d’un cep, et la senteur de ta narine comme des pommes, et ton palais comme un vin de marque…