Citations sur Les Hauts de Bellecoste (19)
Je parle avec mon cœur et non avec ma raison. Si l'on raisonne trop, on n'entend plus la voix de son cœur.
Dehors, la voûte étoilée scintillait de mille feux. La voie lactée laissait sur l'ébène céleste une traîne éthérée de fines paillettes argentées. L'air avait la pureté et la profondeur de l'éternité. Rien ne semblait avoir perturbé la Création depuis le premier matin qui avait succédé à la nuit originelle.
"Qu'a -t-on besoin d'entendre des prêchi-prêcha inaudibles pour communier avec l’Éternel ? songea Clémence en joignant les mains sur sa poitrine. Il suffit de regarder autour de soi et en soi".
Les deux sœurs, si opposées, se complétaient parfaitement et savaient pouvoir compter l’une sur l’autre quand le ciel de leur enfance laborieuse s’enténébrait. Toutes les deux étaient folles de leur jeune frère Antonin. Né avec le nouveau siècle, celui-ci était l’insouciance personnalisée, un petit dernier que tous cajolaient et qui savait profiter de cette situation.
... il faut aider les enfants à se réaliser, les prendre comme les adultes : tels qu'ils sont, non tels qu'ils devaient être et surtout pas tels qu'on voudrait qu'ils soient.
A ses yeux - ce qui était vrai - toutes ces nouvelles inventions étaient réservées aux riches agriculteurs, car elles coûtaient très cher, et finiraient à terme par ôter le travail aux paysans. Aussi jamais n'avait-il pu imaginer labourer un jour ses terres autrement qu'avec sa paire de bœufs ou avec son percheron. Jamais il n'avait conçu pouvoir se passer de main-d'oeuvre pour accomplir tous ses travaux agricoles.
"Allons ! les Pérol sont d'honnêtes gens et ils adorent leurs enfants. Ils pensent comme tout le monde ici : chacun doit rester à sa place, selon sa destinée ! Ah ! décidément, l'emprise religieuse est encore bien forte dans ces campagnes reculées !"
" Pour Clémence, hélas ! il est trop tard. La petite n'osera jamais aller à l'encontre de la volonté de ses parents. Elle est trop gentille, trop obéissante..." Pour un peu il aurait pensé : "Trop soumise !"
Elle aimait se sentir seule dans la grande immensité, ne percevoir que la courbure de l'horizon quand son regard embrassait les lointains. Dans ces instants magiques, elle ressentait au plus profond de son être la grandeur de la Création, l'incommensurabilité de l'univers. Elle appréciait alors à sa juste valeur le privilège, qu'elle avait, d’assister dans l'aube flamboyante à la naissance du premier matin du monde.
Antonin contemplait les petits grains de céréale qu'il venait de cueillir. Dodus, dorés à point, souples et odorants, ils étaient le signe que la récolte serait belle. Le seigle s'était mis à chanter dans ses mains. L'heure de la moisson était arrivée.
Clémence était clairvoyante. Lorsqu’elle rencontrait quelqu’un pour la première fois, quelques échanges de paroles, quelques regards furtifs lui suffisaient pour se faire une opinion. Son jugement était pertinent et, souvent, sans appel. À tel point que ses parents devaient parfois la tempérer en lui conseillant de ne pas jauger les intentions des autres à l’aune de leur physionomie. Toutefois, ils devaient bien reconnaître qu’elle se trompait rarement et que son opinion s’avérait souvent exacte.