Jean-Philippe Lachaux était étonné de ne trouver aucun ouvrage qui vulgarise la concentration, sauf La pratique de la concentration de
Taisen Deshimaru. Il se passionne au quotidien pour ce phénomène mental.
Dans le premier chapitre, on tente de définir l'attention en plongeant dans l'histoire de la psychologie. Comment l'étudier, introspectionnisme ou behaviorisme ? On découvre l'attention sélective, indispensable pour un organe comme le cerveau engagé dans un processus de digestion du monde. Et le phénomène du biais, qui désigne un décalage entre ce qu'on observe et ce que l'on s'attendrait à observer normalement.
Dans le chapitre 2, il dresse un panorama rapide de la constitution du cerveau, cortex, lobes, hémisphères, insula, cervelet, neurones, dendrites, axones, ions, molécules et les si fameux neurotransmetteurs. Il compare l'organisation des neurones à la vision d'une forêt en janvier. A partir de cet organe sous sa cloche d'os, le psychologue va étudier les fonctions cognitives sur trois niveaux: comportemental, neuronal et cognitif. (p.54). Il va ensuite disséquer les opérations mentales dans chacune des opérations de la vie quotidienne. Il est aidé en cela par les progrès du matériel avec l'IRMf, la TEP, l'EEG et la MEG mais s'aide aussi d'études menées sur des patients épileptiques ainsi que des études sur les animaux.
L'attention commence à être vraiment étudiée à partir de la seconde guerre mondiale au Royaume-uni parce qu'on veut améliorer les performances des contrôleurs aériens. L'attention sélective, les filtres attentionnels, l'effet pop-out, le phénomène de conjonction illusoire sont démontrés.
Ces théories servent à comprendre à quel point nous percevons peu d'objets si nous ne faisons pas attention. Nous avons l'impression de voir, mais il s'agit le plus souvent d'une reconstruction du cerveau après coup. Lachaux souligne le coté contre-intuitif de cette idée. Il cite l'expérience du gorille dans un petit film que les spectateurs ne voient pas traverser la scène. Et termine ce chapitre (à quoi sert l'attention ?) par l'hypothèse d'une conscience phénoménale qui ne laisserait aucune trace dans l'expérience du présent, un peu comme dans le cas des images subliminales.
Capturer l'attention est un enjeu vital pour les cerises dont la couleur rouge permet la dissémination en attirant les oiseaux. Et, à l'inverse, passer inaperçu pour le caméléon. Mais c'est aussi un métier, exemple pour les illusionnistes.
Si nous sommes si facilement déconcentrés, c'est parce que c'est utile à notre survie. C'est une forme de vigilance. Et si nous restons captifs de nos distractions, c'est parce qu'elles nous procurent un plaisir neuronal. Elles font agir le circuit de récompense, un des moteurs fondamentaux de la motivation et de la prise de décision démontré par l'expérience d'Olds et Milner . Ce passage est passionnant, schéma à l'appui, car l'auteur nous parle d'une chose que nous vivons chaque jour, cette tension entre nos plaisirs et nos déplaisirs, ou les poisons (alcool, tabac, junk food...) que nous ne pouvons pas nous empêcher de consommer.
A ce stade, Lachaux se permet un aparté:
« ...vous ressentez peut-être un léger vertige en pensant à tous ces mécanismes qui semblent décider à notre place de nos actions...p.183» .
Il reformule cette idée presque cent pages plus loin à la fin du chapitre le grand stratège en parlant d'illusion du contrôle volontaire :
« Nos gestes s'enchaînent bien souvent les uns aux autres de façon relativement automatique et sans réel contrôle volontaire de notre part; l'impression que ces gestes sont le fruit de décisions volontaires est" le meilleur tour de passe-passe de l'esprit" (Daniel Wegner- Harvard)».
Pour de nombreux psychologues « la plupart des scénarios que nous imaginons ne sont que des recombinaisons d'éléments déjà vécus, mettant en scène des contextes et des personnes déjà rencontrées.» En nous parlant à nous-même, nous faisons comme si nous agissions sur le monde. Il existe une compétition dans le cerveau entre le mode réel et le mode virtuel. Et les évocations du mode virtuel activent notre système de récompense.
Après 300 pages d'explications, le psychologue cognitiviste essaie de nous apprendre à mieux nous concentrer. Et chacun peut en faire son miel, il donne quelques techniques intéressantes, comme les bulles de méditation et incite le lecteur à décomposer les tâches. Mais surtout, il nous aura aidé à nous accepter nous-mêmes et à sortir du mythe de la toute-puissance du contrôle de soi.
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