Ma vie va en zigzag depuis ce coup de fil nocturne
m'annonçant la mort d'un homme
dont l'absence m'a modelé.
Je me laisse aller sachant
que ces détours ne sont pas vains.
Quand on ne connaît pas le lieu où l'on va
tous les chemins sont bons.
Ce sont ceux qui nagent dans l'opulence
qui parlent le plus aisément de la mort.
Les autres ne font qu'attendre cette mort
qui ne tarde pas d'ailleurs.
J'avoue que c'est plus facile
d'apprendre que de réapprendre.
Mais le plus dur c'est encore
de désapprendre.
L'impression d'être dans le roman
d'un écrivain négligeant.
Ma mère ne se baigne pas
dans le fleuve de l'Histoire.
Mais toutes les histoires individuelles
sont comme des rivières qui la traversent.
Et l'exil du temps est plus impitoyable
que celui de l'espace.
Mon enfance
me manque plus cruellement
que mon pays.
Si on veut vraiment partir il faut oublier
l'idée même de la valise.
Les choses ne nous appartiennent pas.
On les a accumulées par simple souci de confort.
C'est ce confort qu'il faut questionner
avant de franchir la porte.
J'ai toujours pensé
que c'était le livre qui franchissait
les siècles pour parvenir à nous.
Jusqu'à ce que je comprenne
en voyant cet homme
que c'est le lecteur qui fait le déplacement.
Les mots m'intéressaient moins que le bruit du clavier.
Quand j'ai acheté ma vieille Remington 22, il y a un quart de siècle, je l'avais fait pour adopter un nouveau style. Plus rude, plus dru qu'avant. Ecrire à la main me semblait trop littéraire. Je voulais être un écrivain rock.