En 2021 ce sont 100 années depuis la naissance de l'écrivaine catalane
Carmen Laforet qui connut le succès à 23 ans avec son premier livre «
Nada », publié en 1945, livre qui lui a valu deux prix dont le premier prix
Nadal, le prix littéraire le plus ancien d'Espagne.
En cette année 2021, le portrait de
Carmen Laforet a été accroché à l'Ateneo de Madrid, institution qui promeut les arts; c'est seulement la deuxième femme à obtenir cet honneur après
Emilia Pardo Bazan.
Carmen Laforet est une auteure relativement peu diffusée car de son vivant elle avait constitué un véritable rempart entre sa vie privée et son écriture.
On doit savoir qu'elle fait partie des auteurs espagnols les plus traduits de par le vaste monde, après le « Don Quichotte » de
Cervantes et « La famille de Pascal Duarte » de Cela.
Le roman «
Nada » a été considéré parmi les meilleurs 100 romans du XX siècle par le journal El Mundo. Un roman écrit dans un style intimiste, photographique, utilisant des recours de l'impressionnisme (descriptions subjectives qui apportent sensations et émotions).
Le livre a été l'objet de deux adaptations cinématographiques : en Espagne en 1947 et en Argentine en 1956.
Dans l'oeuvre de
Carmen Laforet , il y a une trilogie, trois romans, autour de l'angoisse existentielle d'une femme : «
Nada », «
L'île et ses démons » et « Une femme nouvelle ». Et le final de chaque roman est d'allure existentialiste
Presque toute son oeuvre répond au trémendisme, un courant littéraire espagnol créé en 1940 par des écrivains qui ont vécu la guerre civile en direct; ainsi leurs écrits ont un style cru et des histoires non moins crues, sans que cela ait un rapport direct avec la guerre.
«
Nada » est aussi un roman de formation, celui du passage d'Andrea de la candeur de sa jeunesse (18 ans) à la maturité après un an de souffrances et d'apprentissage de la vie. Il est aussi un roman existentialiste avec une protagoniste libre; elle nous donne des sensations qui sont des éléments clés pour la compréhension de ce roman. Andrea nous transmet la perception d'une réalité reflétant la pauvreté et le sous développement d'une Espagne après la guerre civile et les débuts du Général Franco.
Pour ces raisons «
Nada » est aussi un roman social montrant plusieurs aspects comme par exemple la faim éprouvée ces années là, ou la disparition d'une certaine bourgeoisie avec l'émergence et l'enrichissement d'une autre fraction de la population.
C'est aussi un roman comportant beaucoup de symbolismes. Comme par exemple lors de l'arrivée d'Andrea à Barcelone au milieu d'une nuit ténébreuse, symbole de la noirceur de la période à venir; ceci contrastant avec la scène aux couleurs éclatantes d'une matinée un an plus tard, quand Andrea quitte le domicile de la rue d'Aribau pour aller à Madrid travailler et poursuivre ses études. Ou encore sa pauvre valise, attachée avec de la corde, lourde de livres, un autre symbole de la pauvreté extrême de l'époque.
LE ROMAN : c'est l'histoire d'Andrea, une jeune fille de 18 ans, orpheline, qui arrive à Barcelone de la campagne pour y suivre des études de lettres.
Elle débarque dans cette maison familiale totalement dévastée par la guerre où survivent des parents appauvris, mal adaptés aux temps nouveaux, cohabitant au milieu d'une violence physique et verbale inouïes. La maison est sale, elle est en ruine, ils ont faim et vivotent en vendant les dernières possessions. le climat est invivable, malsain, voire dangereux. Chaque personnage de l'entourage est un monstre en soi.
C'est un endroit horrible, cauchemardesque, qui a perdu toute chaleur humaine et matérielle. Et au milieu de cette décrépitude Andrea résiste parce qu‘elle n'a pas d'autre choix.
En contrepartie, il y a Ena, la seule amie de Fac d'Andrea, une belle jeune fille qui habite un beau quartier, une belle demeure où il ne manque rien. C'est comme si ces gens n'avaient pas traversé une guerre…C'est cette famille qui donnera du réconfort à Andrea car ils lui proposeront de venir à Madrid avec eux tout en travaillant pour le père d'Ena, un industriel florissant.
Andrea nous livre en permanence ses impressions, elle décrit mais ne juge jamais. Elle défend sa liberté et son discours maintient parfois une distance entre les gens et les choses. Elle se veut spectatrice, un témoin non impliqué. C'est pour se protéger car elle est jeune, pauvre et sans appuis.
Est-ce
nada (rien) ce chemin parcouru en 1 an ? Non, bien sûr que non, car en perdant son innocence, ses illusions, Andrea a mûri. Elle peut commencer sa nouvelle vie, elle pourra peut-être s'en sortir.
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