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4,22

sur 127 notes
Un coup de poing colossal, saisissant... dont je vais avoir du mal à transcrire l'extrême originalité dans le ton... et la forme !

Un récit d'une épure absolue... composé de 79 court chapitres ...pour tenter d'exprimer les violences sournoises, profondes, indicibles, faites aux enfants...Les dégâts, ruines qui brisent l'élan de construction de l'adulte à venir.
Une infime pudeur, une réserve dans le choix des mots... qui donne d'autant de force à cet écrit de la Douleur...

"Et c'est ainsi qu'en calligraphiant la laideur, j'ai tracé des lignes de vie que je ne connaissais pas. (p. 194)"

Merci à Babelio et aux éditions Belfond pour l'invitation à l'avant-première littéraire Belfond...qui nous a permis la rencontre de quatre auteurs qui m'étaient inconnus, dont Oscar Lalo, que je finis de lire, le coeur et la tête à l'envers....

Une histoire d'enfance dévastée dans l'oeuf...
L'indicible...l'Innommable, enfoui, transfiguré par les mots, un style éblouissant...qui de façon unique relate avec une économie de vocabulaire, ...la démolition d'un petit bout d'homme, en devenir...

Tant d'écrits ont été publiés sur ce sujet...

Je peux avouer... je ne fais pas l'acquisition de ces thèmes dans mes lectures...Et curieusement, en lisant cet ouvrage... des échos intenses et brutaux sont revenus bizarrement à ma conscience: les confidences des plus elliptiques d'une amie très chère , avec qui je faisais mes études de Lettres... dans un vécu et traumatisme très voisins...qui curieusement ne m'a jamais quittée., en pensées...

Je ne voudrais surtout pas oublier de signaler l'esthétique très raffinée de la couverture, en parfaite accointance à son contenu:
-un petit garçon de dos, marche tout seul, portant une petite valise... Représentation en gris et rouge... avec une partie de sa tête...que l'on voit partir en paillettes...Un front, une partie de visage s'émiettant, se défaisant....

"Comment se regroupe-t-on quand on se sent si seul ? (...)
Que fait-on des traces invisibles ? Ce sont ces traces-là qui rendent fou. "(p. 172)

"Je sors de ce coma très particulier où je n'ai cessé d'être éveillé. Eveillé mais impuissant.
Eveillé mais comme anesthésié de la possibilité de me prendre par la main. Suffisamment éveillé pour être le spectateur lucide de mon propre abîme. Car je suis abîmé. Très. Spectateur impuissant mais conscient. Très. Conscient que je ne suis et n'ai jamais été qu'un spectateur. Un spectateur dont tous les sens sont interdits. C'est en cela que je suis dans le coma. Rien ne s'exprime. A part la peur. Une cécité d'un genre à part: je vois tout,
mais je suis incapable d'articuler un mot car je suis convaincu que les autres ne m'entendront pas." (p. 187)

Un texte d'une très belle écriture... qui parvient à éclairer la nuit la plus sombre et la plus ancienne...L'Ecriture qui permet de naître, d 'accepter enfin La Vie, de transfigurer, d'abolir ou du moins d'apprendre à exister, en dépit des ruines...et d'une dévastation originelle...


"...On se bat toute sa vie avec des portes, qu'on ferme même à ses enfants. On brise des couples, le sien d'abord, parce que l'on n'est bien qu'à briser. Il fallait libérer. Par l'écriture, qui sort des doigts. Tant d'années incapable de s'écrire, ce livre a fini par se taper. Il fallait la violence des frappes. Il fallait que les dix doigts s'y missent.
Chacun d'eux avait son mot à dire. Car il suffit que je les pose sur un clavier pour qu'ils se mettent à danser. (...) Ils tapent et je saisis pourquoi j'ai arrêté, cassé, détruit. Ils tapent et je saisis pourquoi j'ai toujours interrompu les femmes qui m'aimaient " (p. 208)

"Comment, si l'aquarium n'existe plus, respirer dans ce monde ? Car sortir de l'aquarium, c'est déposer la mort, c'est la laisser derrière moi. Mon testament est simple. Il tient en trois mots : je vais vivre. Je veux vivre. " (p. 197)

Un écrit bouleversant qui traverse, conjure le silence assourdissant d'un petit garçon, resté si longtemps à l'extérieur de la Vie !

Que l'auteur, Oscar Lalo rencontre avec ce premier livre intense et "vital"... des lecteurs aussi nombreux qu'attentifs...
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Personne n'a envie de confier son enfant à un détraqué et pourtant c'est ce qui arrive parfois. L'enfant, trop jeune, trop petit, trop innocent, peut se retrouver seul à affronter l'indicible et il n'a aucun moyen de se défendre.

Un enfant qui ne peut plus se construire, devenir adulte. Le narrateur le sait et le raconte. Le choc est rude. Une histoire d'home d'enfants, d'un mari soumis à l'autorité d'une épouse, un homme qui aime les garçons, petits, en fait tout petits. La femme violente et l'homme qui viole. Les moniteurs qui ferment les yeux. Les parents inconscients qui ne voient pas, n'entendent pas - de bonne foi ou par négligence.

La peur au ventre, à jamais abîmé, victime du syndrome de Stockholm, le narrateur trouve pourtant le chemin de la libération avec une femme. « Elle comprit que j'avais l'abus vissé au corps et qu'il eût été vain de vouloir me l'extraire. (…) elle me tendit cependant une plume (…) Avec un gros bloc de feuilles où elle avait écrit la phrase suivante : « servez-vous–en. Ces feuilles sont autant d'oreilles qui vous écoutent sans vous juger. » La résilience a lieu : « J'ai bien l'intention, tel un poulain, de vivre chaque foulée d'une vie normale (…) toutes celles que je n'ai pas vécues.

Voilà une histoire qu'il faut absolument lire pour ce qu'elle dit et la façon remarquable dont elle est rapportée. Merci à Babelio et aux Editions Belfond pour la découverte de ce premier roman, magistral et poignant, d'Oscar Lalo .
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Imaginez une colo dirigée par l'odieuse Folcoche d'Hervé Bazin ('Vipère au poing'). Tenue comme un centre de redressement, trompeusement appelée 'Home', présentée sur les brochures avec croissants et jus d'orange au petit-déjeuner, le truc qu'on imagine douillet et familial, d'après les photos. Les parents y envoient leurs enfants à chaque période de vacances scolaires, année après année, dès leur plus jeune âge, persuadés que ces séjours leur seront bénéfiques. De fait, ils reviennent tout bronzés, leurs cartes postales sont enthousiastes, et puisque ce camp est très coûteux, il est forcément de qualité...

Quand Hubert-Félix Thiéfaine chante 'petite poupée brisée entre les mains salaces / de l'ordure ordinaire putride et dégueulasse'*, je ne sais pas s'il évoque les enfants victimes de la guerre ou ceux livrés à la perversion des pédophiles. Toujours est-il que j'ai souvent cette phrase en tête ces temps-ci, notamment parce que je viens de lire ce roman, où il est question de maltraitance psychologique et de sévices sexuels.

Ce récit est à la fois pudique et accablant pour tous les adultes mis en cause. Il m'a émue, révoltée, même si le côté 'auteur en pleine psychanalyse' est pesant dans la narration :
- cette façon de se regarder le nombril, bien sûr
- l'exagération, sans doute, mais les psys vous rétorqueront que l'important, ce ne sont pas les faits eux-mêmes, mais la manière dont on les a perçus
- cette masturbation intellectuelle (jouer avec les mots, les tordre dans tous les sens, voir du 'sens' partout)
- cet art pour esquiver les responsabilités (les échecs de sa vie d'adulte, en l'occurrence), se dépêtrer de son mal-être en rejetant la faute sur les autres, et particulièrement sur la mère, qui n'a pas su faire barrage contre les dangers de la vie, voire qui les a provoqués.
Ce style est une des richesses du livre, mais l'alourdit aussi par moments - l'introduction est particulièrement indigeste et j'ai failli abandonner dès les premières pages.

De quoi revoir son jugement sur les jolies colonies de vacances, réfléchir avant d'y (r)envoyer ses enfants - ce qu'on a pu faire l'esprit d'autant plus tranquille que le séjour semblait luxueux et la destination exotique.
Une bonne sensibilisation aux dégâts de la maltraitance psychologique et de la pédophilie. Il faut savoir que le traumatisme est d'autant plus difficile à surmonter pour la petite victime lorsque ses parents ne veulent pas le croire, ils deviennent alors complices, aussi coupables à ses yeux que les pervers...

* 'Demain les Kids' (in 'Chroniques Bluesymentales', 1990)
https://www.youtube.com/watch?v=n5G6hUxEEro
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Étonnamment, ces contes me laissent sans voix...

Incapable de mettre en forme mon ressenti, je viens de lire bien studieusement les avis de mes compères Babéliotes et je ne peux que me joindre au consensus d'éloges, pour un livre courageux, sur un thème révoltant, porté par une plume très personnelle.

Il n'empêche que cette lecture fut difficile, pas tant par le sujet que la façon de le traiter. L'écriture de Oscar Lalo m'a beaucoup dérangée, cette manière de tourner autour du pot, de triturer les mots et les images, d'abuser des métaphores ou des double-sens. Plus d'une fois, je me suis dit: "je sais où tu veux m'emmener, allons donc à l'essentiel".
Heureusement la construction est aérée par un découpage de chapitres courts et nerveux, qui donne une respiration au contenu comme au lecteur en apnée.

Après lecture, je me sens aussi défaite que cette histoire chaotique, au propre comme au figuré, reconnaissant néanmoins que la méthode d'écriture colle parfaitement à l'indicible du vécu.

Après un Goncourt* qui donne froid dans le dos à des parents confiants en leur nounou familiale, voici encore de quoi alimenter leur stress dans l'organisation des vacances enfantines.

* Chanson douce de Leila Slimani


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Détruire. Se détruire . Tout détruire.
Il n'y a même pas de déconstruction possible puisque la construction n'a jamais eu lieu.
Un blanc. « A blank ». Un espace vide, un trou noir, une absence, un chaînon manquant. le néant….

Écrire, puisque dire était jusqu'à lors impossible,
écrire sur l'impact.
Remplir d'encre et d'âme.
Le lieu : on le sait, la victime : on la connaît, le coupable: sans aucun doute possible, les suites post- traumatiques ...on les connaît aussi.

On connaît la brûlure, la béance, le gouffre, le dégoût, on sait ce qui ne va pas. On sait la différence. L'infranchissable différence.
Celle qui rend méconnaissable. Soi et les autres.
Vivre en avatar. Ce qui est défait n'est jamais sans effet. Ce qui est défait ne sera jamais plus.

Les contes défaits d'Oscar Lalo , c'est la vie d'un homme.
Le dossier de sa vie c'est ce livre, cet écrit là.
C'est la vie d'un enfant qui va nous instruire.
De cet enfant qui n'a jamais pu et puis plus voulu grandir.
Qui a joué les grands, qui a fait comme ci, comme
savent le faire les enfants. Parce qu'il faut survivre.

Mais être un homme ?... « mon malheur, c'est que tous les chemins mènent à l'homme », à l'homme d'enfants, celui du home d'enfants.
Au bourreau, au tueur, au crime, au faux ami, au loup.

Écriture étonnante.
Écriture, qui ,à elle seule, nous permet de saisir de comprendre d'accompagner l'urgence de cette instruction qui doit être mener « à décharge ».
A décharge.
Il faut décharger l'enfant.
Le décharger du poids de l'adulte.
Ce poids qu'il ne doit pas porter.
Qu'il n'aurait jamais du avoir sur et contre lui.
Qu'il n'aurait jamais du subir.
Le talent d'Oscar Lalo c'est de nous faire comprendre, entendre tout ce qui a été défait sans jamais nous balancer directement les images terribles des faits.
Alors ce qui rend le livre, le roman puisqu'il est ainsi nommé, d'Oscar Lalo, étonnant c'est bien son son écriture.
Parlons de l'écrit .
Quelque soit le sujet , tout sujet est sujet à la littérature si l'objet du livre est écriture.
Les contes défaits d'Oscar Lalo est un roman.
Un excellent livre, objet de littérature.
L'enfant mis en miettes , l'enfant morcelé, décomposé, l'enfant pulvérisé, l'enfant puzzle, l'enfant « abîmé », la mise en abîme de cet enfant .
Voilà le sujet.
Le traumatisme génère autisme, mutisme, perte de confiance, perte d'identité, sentiment d'inutilité, il fausse la distance et le rapport à soi et aux autres, jusqu'à en donner la nausée et vous voler votre sommeil.
Avoir été l'objet d'un désir et non le sujet blesse,mutile, massacre.
Sans visage, sans histoire,l'enfant sage, sans bruit, l'enfant de l'ombre, qui ne dit mot, parce que le mot est écrasé par un poids inimaginable, qui ne dit mot parce que le cri est impossible tant le poids est effroyable.
L'enfant caméléon , à qui tout va, tout convient, qui peut endosser n'importe quel rôle lui qui ne peut devenir le héros d'aucune histoire, le petit prince perdu.
« le petit poussé » se cache se dissimule , le petit d'homme a peur de l'homme d'enfants.
Oscar Lalo déclare que sa formation d'avocat lui a permis de trouver les mots pour mener l'écriture de ce roman.
Comment accoucher d'une vérité, comment la faire
naître, comme la remettre entre les mains du monde, aux yeux du monde ?
Sur quoi prendre appui pour faire émerger ce visage ?
La vérité, jusqu'à lors inconnue, invisible, muette,noyée...
Mais l'océan rend toujours les corps.
Tout remonte. Tout revient.
La mémoire n'est plus un bois mort.
Un bourgeon apparaît. La vie est là.
Elle a toujours était là.
Cette force de vie qui pousse , qui se plaque à la fenêtre du monde, et qui pousse et qui fait voler en éclat les miroirs.
La parole libérée, l'homme paraît et un grand auteur pousse son premier écrit.
La chape du silence craque et perd les eaux.
L'homme apparaît.

Oscar Lalo nous offre un livre magnifique.
Une oeuvre littéraire.

« L'homme est au dessus de tout prix ; car en tant que tel , il doit être estimé non pas simplement comme moyen en vue des fins d'autrui, ni même en vue des siennes propres, mais comme fin en soi, c'est à dire qu'il possède une dignité, par laquelle il force à son égard le respect de tous les autres êtres raisonnables de ce monde, peut avec tout autre membre de cette espèce se mesurer et s'estimer sur un pied d'égalité ».
Fondement de la métaphysique des moeurs.
E.Kant- extrait.

Ainsi voici un livre achevé pour un conte qui ne l'était pas.

Il est donc pour la première fois :

Oscar Lalo aux Éditions Belfond.

Et c'est un très, très heureux événement.

Merci aux Éditions Belfond, ainsi qu'à l'équipe de Babelio.com de m'avoir permis de découvrir les Contes défaits d'Oscar Lalo, et ceci à l'occasion de
la présentation du programme de la rentrée littéraire de leur maison.


Astrid Shriqui Garain.
Lien : https://dutremblementdesarch..
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A vrai dire, je ne m'attendais pas du tout à découvrir une histoire aussi terrible : est-ce le mot « conte » qui me laissait imaginer tout autre chose ? Ma surprise n'en a été que plus forte lorsque j'ai découvert un narrateur détruit, vide, un homme incapable de devenir un adulte, ne sachant ni aimer ni être aimé. « Je suis sans fondations. Ils m'ont bâti sur du néant. Je suis un locataire du vide, insondable et sans nom, qui m'empêche de mettre le mien. »
Quel événement est à l'origine de cette impossibilité d'être ?
Alors qu'il était enfant, le narrateur partait en vacances dans un « home », espèce de colonie de vacances sur laquelle régnait en maître une femme-tyran qui terrorisait tous les gamins en imposant des lois absurdes : ne pas courir, ne pas sauter, ne pas se cacher, ne pas parler, ne pas crier, ne pas se salir, ne pas tomber malade, ne pas être en sueur… Evidemment, ce n'est pas tout à fait comme cela qu'un enfant imagine ses vacances mais il vaut mieux se taire que d'être frappé.
Cependant, le pire n'était pas la femme mais l'homme, le mari de la Thénardier : lui ne frappait pas, il caressait, longtemps, trop longtemps…
Mais, comment peut-on se plaindre d'une caresse ? Il était si gentil, ce directeur, il écoutait les enfants, les réconfortait. Lui, au moins, on pouvait le tutoyer. Alors, les enfants abusés se taisaient pour ne pas lui faire de la peine.
Si dans les contes, les méchants sont les méchants, la réalité s'amuse à brouiller les pistes… Derrière le berger, se cache peut-être le loup…
Alors, quand la main de la mère lâche celle de l'enfant au moment de monter dans le train, c'est la panique : « Ce sont nos parents qui nous conduisaient au train. A qui se plaindre quand c'est la police qui vous livre ? » Les parents n'y voient que du feu : la brochure vantant les mérites du « home » présentait les enfants attablés devant jus d'orange, croissants et pots de confiture. Et puis, « c'était cher, donc ça soulageait la conscience de nos parents qui se débarrassaient d'autant plus aisément de nous. »
Malgré quelques tentatives d'opposition, l'argument parental tombe comme un couperet : « « Tu comprends, y a rien à faire. » C'était vraiment ça la force de ce lieu : nos parents n'avaient rien à faire. Ils étaient comblés. Quant à nous, dès lors que nos parents n'avaient rien à faire, nous n'avions rien à dire. »
Mais à soixante-cinq ans, le narrateur, seul face au puzzle de sa vie, constate qu'il lui manque une pièce. Et pourtant, apparemment, il a, comme on dit, « réussi sa vie ». Apparemment seulement, car à l'intérieur, tout est creux, tout est vide. « Je suis un post-it qui ne colle plus. » Pas d'identité réelle, une vie qui consiste à faire semblant, à imiter, à s'agiter. « Je me suis inventé mille vies car je n'en vis aucune. » Il est un homme « éparpillé » comme le suggère le dessin de la couverture où l'on voit une tête qui semble s'effriter en une multitude de points. Son unité est perdue. Il est « défait » au sens militaire du terme, vaincu, écrasé. L'enfant abusé est en morceaux, en pièces. Adulte, il restera comme émietté en dedans.
Seule l'écriture peut encore l'aider : « Et c'est ainsi qu'en calligraphiant la laideur, j'ai tracé des lignes de vie que je ne connaissais pas. » Minces lignes de fuite pour quelqu'un qui a besoin de dire son passé, de nommer ce qui l'a détruit.
Un texte très fort, écrit avec beaucoup de pudeur et de retenue : en effet, tout est suggéré, murmuré, parfois même comme dissimulé derrière des jeux de mots qui sont autant de feux de détresse tirés à l'horizon d'une vie gâchée par des gestes déplacés, des parents aveuglés et égoïstes, un entourage absent.
Un sujet sensible traité avec beaucoup de délicatesse…

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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J'ai rencontré Oscar Lalo à la foire du livre de Brive. Il a été vraiment accessible et plein d'entrain pour son première expérience dans le monde de la littérature. J'ai donc ouvert cet ouvrage avec une grande envie même si je n'en connaissais pas le propos.

Le roman débute dans les souvenirs du narrateur, à l'époque où il allait dans un camp pour enfant. Étant moi aussi parti en colonie dans ma jeunesse, j'ai ressenti de la nostalgie dans les premières lignes. Mais ce doux sentiment s'est très vite effondré lorsque l'histoire commence à se durcir et que les petits chapitres s'attaquent à des thèmes plutôt difficiles.

Alors ce roman nous parle de l'enfance et de son innocence. L'enfant ne connaît pas les règles, ne différencie pas ce qui est bien de ce qui ne l'est pas et se laisse donc facilement influencer. Pour l'adulte que le narrateur est devenu, la gravité des actes ne fait aucun doute, mais il les partage avec ses yeux d'enfant. Tout est alors beaucoup plus flou et tellement plus candide. On constate grâce à ce texte que certains faits peuvent être vécus comme un conte au regard d'un enfant (d'où le titre !), alors qu'il s'agit en réalité d'un drame aux conséquences terribles.

Le thème de la résilience est aussi au centre de cette tragédie. Longtemps après les faits, le narrateur reste victime de son silence. Il explique comment son traumatisme est resté enfermé en lui, sans échappatoire. Les évènements ont bouleversé sa vie et rien ne semble lui permettre de tourner la page. C'est le parcours de cet homme torturé qui doit traverser les obstacles avec son fardeau.

Sans jamais tomber dans l'outrance ou dans le pathétique que pourrait engendrer ce genre de sujet, Oscar Lalo nous livre une oeuvre intimiste, toute en délicatesse. C'est un roman court mais d'une grande puissance. Je suis ressorti bouleversé de cette lecture qui sort de l'ordinaire par sa forme et qui a su m'ouvrir les yeux sur la maltraitance et ses répercussions, quand le mal va bien au-delà du préjudice physique.
Toute mon admiration pour M Lalo qui avec ce premier roman d'une finesse rare, offre au lecteur un concentré d'émotions et nous secoue les tripes.
Lien : https://leslivresdek79.wordp..
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Ce roman est un OVNI littéraire.
Dès la première phrase, le lecteur est happé, envoûté, ensorcelé. Il n'y a alors plus moyen d'en sortir si ce n'est de finir le livre. Et cette fin se vit comme une libération.
Celle du narrateur mais aussi celle du lecteur qui est resté en apnée tout le long du récit, fasciné par l'horreur de cette vie gâchée, charmé par la qualité littéraire du roman, bouleversé par ce paradoxe à prendre du plaisir par le style et à ressentir le dégoût du sens des phrases.
Le sujet est dérangeant. Il est habilement présenté sans être dit ou presque. Par ce qu'il est innommable, il n'est pas dit. Mais parce qu'on comprend bien de quoi il s'agit, il fait l'effet d'un silence assourdissant, celui qui habite le narrateur. Et c'est là que le récit s'avère grandiose. Par sa prose poétique, le narrateur nous fait partager son malaise, son impossibilité à vivre, la fin de son histoire avant qu'elle ne commence.
L'auteur se déchaîne à travers l'usage des mots, les fait résonner comme un écho, joue des champs lexicaux, des métaphores, sans jamais dévier de sa trame. C'est du grand art.
Ce roman devrait marquer la rentrée littéraire. D'ores et déjà, il fait partie des lectures qui me poursuivent pour longtemps.
Je remercie les éditions Belfond et Netgalley pour cette formidable découverte.
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Je me suis reconnue dans les mots qui sont d'une justesse folle. Cependant, une distance naturelle s'est imposée à moi. J'ai eu la sensation de redevenir celle qui, plusieurs années en arrière, ne pouvait qu'utiliser la troisième personne du singulier, les rares fois, où elle tentait d'évoquer ce qu'elle avait subi. Il m'était impossible de me servir du pronom « je ». En lisant ce roman, j'ai été perturbée de reconnaître mes pensées et mes systèmes de défense. J'ai reconnu cette impression de hurler, alors que l'on ne dit rien, cette manière d'étirer les mots, dans tous les sens, pour ne pas prononcer ceux qui détruisent. Pour ces raisons, j'ai érigé une protection émotionnelle entre le texte et moi.

Lien : https://valmyvoyoulit.com/20..
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Un conte désenchanté, intimiste, d'une grande finesse, où le thème de l'enfance à l'innocence meurtrie et brisée est traité avec pudeur. Une écriture émouvante et un talent fou : un vrai régal littéraire.
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