AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,24

sur 57 notes
5
2 avis
4
4 avis
3
5 avis
2
2 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Il est assez ironique de constater que, quelques jours seulement après m'être régalé à lire la biographie romancée de Claude Perdriel , le ofondateur du Nouvel Observateur, j'ai enchainé avec une lecture qui a des gros points communs avec cet ouvrage mais qui en est également un peu son miroir inversé.

Cet essai, qui fait beaucoup parler de lui- plus d'ailleurs que "Sans Oublier d'être heureux"- en cette rentrée 2016, c'est "le Monde Libre" d'Aude Asselin, qui vient de recevoir le Prix Renaudot Essai- alors qu'il ne figurait même pas sur la première liste- et qui raconte également les coulisses du Nouvel Observateur de l'intérieur .
Naturellement, Claude Perdriel- renommé ici Claude Rossignel, car l'auteur prend soin de donner à chaque fois un nom différent à ses protagonistes mais suffisamment proche pour qu'on le reconnaisse- en est un aussi des protagonistes principaux

Sauf que l'être courageux, fort de ses convictions et de ses prises de risque, personnalité proprement fascinante et passionnante chez Marie Dominique Leliève, apparait chez Ancelin comme un industriel plutot lache, qui n'écoute que ce que lui dicte les marchés financiers et ne prend jamais part aux débats d'idées et à la ligne éditoriale de son journal.

Mais Perdriel n'est pas le seul homme de presse à prendre cher dans le récit d'Aude Lancelin, son acolyte Jean Daniel - renommé quant à lui Jean Noël- n'est pas mieux loti, en éditorialiste qui parait complètement désabusé et impuissant face à la dérive de cette presse écrite qui ne cherche même plus à trouver de nouvelles idéees et qui semble totalement abandonner le débat d'idées.

Afficher l'image d'origine

La presse écrite que décrit Aude Lancelin, ex numéro 2 du journal, licenciée sans ménagement l'an passé, parait tout autant asservie aux annonceurs qu'aux financiers qui possèdent les principaux titres, ainsi qu'à certains pseudos intellectuels (l'image de BHL est particulièreement malmenée) et last but not least à encore hommes politiques ( particulièrement haut placés) qui n'hésitent pas à s'immiscer eux aussi dans les colonnes de ce qui ne semble plus vraiment mériter le nom de quatrième pouvoir qu'on lui a souvent prété .

On est en effet ici très loin de la presse qu'on aime, la presse libre et qui s'affranchit de toutes tutelles, celle que nous présente les films holywoodiens des Hommes du président au récent Spotlight.

Chez Lancelin, la presse parait au contraire constamment musélée, cadenasée, et pareillement complaisante envers le capital et les puissants.

Si le livre d'Aude Lancelin ne dépasse pas toujours le règlement de comptes plein d'amertume, ce qui en fait parfois sa limite, la morale de ce tableau lucide et saisissant d'un monde à la dérive est sans appel : le journalisme d'idées est une menace pour le pouvoir politique en général et l'ascension professionnelle et sociale de beaucoup et doit comme toute être menace réduit au silence...

Dans ce portait au scalpel et sans appel, Lancelin accable encore plus que les autres le nouveau directeur de la rédaction, qui visiblement n'a aucune visée profonde et semble être animé exclusivement par une obsession managériale, et on sent bien que le portrait est sans doute un poil à chargevu que c'est cet homme qui est à l'origine directe de son éviction.

"Les attentats islamistes n'étaient toutefois pas les seuls évènements à redonner à Mathieu Ludeneau quelque gout à la vie du journal. Les catastrophes aériennes produisaient chez lui un effet similaire quuoique de moindre durée. "

Toutefois, ce monde libre reste une lecture essentielle car, au delà du pamphlet et des attaques personnelles on sait gré à Aude Lancelin de parvenir à sonder avec une vraie justesse les errements d'un monde des médias et de la pensée en total déclin.

On aime la façon dont Aude Lancelin décrit minutieusement rouages et coulisses d'un monde qui n'essaie même plus de faire face aux dérives capitalisme et on ferme la dernière page de ce monde libre assez inquiet et déprimé sur l'état de notre monde tant les médias en sont un fidèle miroir..

Et en même temps, on se dit aussi qu'on est finalement pas si malheureux d'être un simple blogueur sans avoir de compte à rendre à personne..
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          240
Il y a plusieurs manière d'aborder la lecture de cet essai - récemment couronné par le Renaudot - selon que l'on soit attiré par son angle "pamphlet parisiano-microcosmique", par son angle "plongée au coeur des réalités de la Presse du XXI e siècle" ou par son angle "analyse politique d'un système et d'une gauche à la dérive".

Mais quel que soit l'angle de lecture, force est d'abord de constater que c'est bien écrit, très bien écrit. Et ce n'est pas une surprise de la part d'une des grandes plumes de la presse des idées et de la culture de ces vingt dernières années, dont la carrière l'amena à co-diriger L'Obs, qui n'était déjà plus Le Nouvel Observateur qu'elle avait connu - aimé ? - à ses débuts de jeune journaliste.

Et c'est là qu'apparaît l'angle "parisiano-microcosmique" puisque Aude Lancelin nous décrit dans le monde libre ses deux années de désillusions passées à la tête de l'hebdomadaire jusqu'à son éviction récente et brutale qui y mirent fin. Sous couvert de pseudos, tant pour le titre que pour certains de ses dirigeants, ou d'allusions tellement précises que le nom des personnes évoquées ne fait plus aucun doute pour le lecteur un minimum au fait de l'actualité, elle nous livre la chronique d'un flingage annoncé, réglant ses comptes avec férocité à tout une caste qui l'a rejeté. C'est un peu le Koh Lanta du parisianisme médiatique : "La tribu des journalistes parisiens bien pensants à décider de vous éliminer, et sa décision est irrévocable ! ".

Sous cet angle, bien que la plume soit incisive et que les accroches flattent le lecteur avide de révélations de salons, l'ouvrage est vite lassant. le couperet fut certes rude et a priori injuste, le complot fomenté avec soin, ce qui justifie cette réparation de haut vol par la plume qui laisse, parfois, des marques plus profondes que l'épée des duels d'antan. Mais de là à émouvoir le lecteur sur cette injustice, il y a un pas. Un fossé. Un gouffre !

Ainsi, si Aude Lancelin s'en était tenue là en simple victime expiatoire d'un système qui tourne désormais en rond, son livre n'aurait eu aucun intérêt. Mais elle a au contraire eu le mérite d'explorer deux autres angles qui font tout le sel de son essai.

Celui de l'état de la Presse du XXIe siècle est le plus intéressant et décrit parfaitement la spirale infernalement vicieuse dans laquelle la plupart des titres sont engagés : la publicité florissante a longtemps masqué dans les ressources les incessantes baisse de lectorat des journaux. À cause d'Internet, de la TV etc... Oui, bien sûr, mais pas seulement. Aude Lancelin nous renvoie à l'essence même du journalisme d'opinion, celui des idées, du débat, du pluralisme, du temps de la réflexion et de l'expression des textes. Mais ces mêmes baisses de ressources ont conduit les dirigeants des titres à adapter constamment les charges, "downsizant" leurs effectifs et leurs rédactions de plan en plan ; ne permettant plus - métaphore politique fort à propos - de relance par l'offre ; et ouvrant la voie à de nouveaux dirigeants concentrateurs plus soucieux de l'image acquise par leur nouveau statut que de la pérennité de leur lectorat. Des « tigres de papier » comme disait le grand Jacques dans L'Aventure…

Bref, Aude Lancelin nous décrit dans le monde libre l'apogée de la pensée unique, en y déployant son troisième angle, engagé et politique, faisant le lien entre une presse d'opinion de gauche qui s'éloigne de ses valeurs fondatrices au fur et à mesure que le principal parti de son camp en fait de même.

Tout cela, elle n'a pas attendu son livre pour le dénoncer : elle l'a fait peu à peu, de plus en plus ouvertement pendant deux années. Et a fini par le payer. "Le premier qui dit, la vérité. Il doit être exécuté !" disait Béart...

Au final, un livre profond et passionnant, qui manque juste d'un peu de recul (c'est tout chaud) et donc laisse un peu sur sa faim en matière de solutions, d'alternative. OK pour le constat. So what ?
Commenter  J’apprécie          122
Une fois n'est pas coutume, c'est dans un essai que je me suis plongée ces derniers jours. "Le Monde libre", couronné depuis par le Prix Renaudot, catégorie "essais" est, ce n'est un secret pour personne, un pamphlet à l'encontre de l'Obs, magazine d'actualité, ici appelé l'Obsolète. L'auteur en fut la directrice adjointe, licenciée depuis.
Nous sommes prévenus par un avertissement préalable "Dans tous les évènements qui seront relatés ici, il n'est pas une phrase, pas un fait, qui ait en quoi que ce soit été inventé ou même déformé." Oui, mais… Jean Daniel, le co-fondateur du journal, le "Jean Joël" de l'ouvrage, monte au créneau dans un article du magazine Le Point et avance que "Dans ce livre prétentieux, complotiste, et logorrhéique, il y a une erreur par page". Loin de moi l'idée de distribuer les bons et mauvais points. Je ne possède pas les compétences et surtout les connaissances suffisantes du milieu pour me poser en justicière.
J'ai senti la journaliste animée par une haute idée de la presse et de ses devoirs, visiblement chagrinée, et le mot est faible, par la collusion des grands journaux avec la politique, sans parler des actionnaires. Elle se déchaîne, sans donner de noms, contre le triumvirat qui dirige l'hebdomadaire, se plaint de la déliquescence de son métier et pleure l'agonie du socialisme.
Encore une fois, il est difficile pour moi d'émettre un avis sur le fond du problème même si ma propre opinion va intuitivement dans le même sens. S'agissant de la forme, j'ai trouvé l'écriture digne d'une agrégée de philosophie – elle ne manque d'ailleurs pas au détour d'une phrase de nous informer de son prestigieux diplôme et des lectures hautement intellectuelles qui sont les siennes – même si, pour ma part, une langue moins ampoulée m'aurait davantage satisfaite. Les phrases sont souvent longues et tarabiscotées, enlevant par là même du rythme au texte. Par ailleurs, si son récit est de nature à enthousiasmer le monde médiatique qui va sans doute trouver là un brillant défenseur de sa cause, je ne le trouve pas suffisamment accessible à tout un chacun et c'est dommage. Je lis beaucoup la presse d'information et notamment politique et ce sujet m'intéressait. Un texte simplement écrit, je le répète aurait tout aussi bien porté les valeurs de liberté chères aux journalistes qu'elle défend bec et ongles, c'est tout à son honneur, et que je vénère. Alors, "prétentieux", peut-être, "complotiste", les éléments me manquent pour en juger, " logorrhéique", pourquoi pas ? Reste le grand intérêt de sa réflexion.
Commenter  J’apprécie          70
Le livre est amusant, donnant un portrait probablement assez juste de ce monde déliquescent de la presse de la "gauche de droite" (L'Obs, le Monde, Marianne, etc) passée en bloc sous le contrôle de quelques flibustiers sans scrupule de la finance et des multimédias. Le renoncement à toute liberté d'esprit, à toute autonomie de pensée, à toute conscience critique y est solidement établi. La servilité face aux pouvoirs en place est bien devenue la norme, ainsi que la chasse à toute tentative de divergence. Toutefois, le processus ayant amené à cet état des choses remonte déjà à loin et on a le sentiment que ce livre arrive un peu tard. Aude Lancelin, s'étant retrouvée récemment expulsée de cette basse fosse, plaide la naïveté pour justifier sa longue participation. Du fait même de l'effarant panier de crabes qu'elle décrit ici, vue de loin cette naïveté persistante ressemble plutôt à une assez plate compromission. Un aussi long séjour en un tel milieu ne peut vous laisser indemne. On trouvera malgré tout plaisir à lire les portraits croquignolesques de quelques-uns de nos plus célèbres bouffons médiatiques, décrits en leurs œuvres. En un espace aussi verrouillé que celui qui réunit désormais étroitement business, médias et politiciens, seuls les règlements de compte circonstanciels permettent encore un aperçu quelque peu véridique de ce petit monde putride.
Commenter  J’apprécie          61

Aude Lancelin a reçu pour « le monde libre » le prix Renaudot-Essai, l'ouvrage a donc été consacré par le cénacle journalistique et littéraire. Elle y livre son témoignage sur son expérience professionnelle en tant que directrice adjointe à l'OBS et à Marianne, avant d'être licenciée. Elle y règle ses comptes avec ses anciens patrons avec talent et mordant. le livre s'apparente au pamphlet, l'intérêt du lecteur est accroché par l'analyse acide, une froide ironie, le bilan est sans complaisance. Les intentions des nouveaux actionnaires du « monde libre » sont froidement analysées : la presse est au service des financiers, les directions des hebdomadaires, classés à « gauche », sont aux ordres et aspirées par les contraintes de la mondialisation. le monde médiatique parisien est décrit avec férocité : les fondateurs forment une gérontocratie encline à justifier la dérive sociale-libérale, les experts du monde télévisuel n'ont de cesse de justifier les décisions de la classe politique. Si leur nom est modifié, ils sont repérables. Aude Lancelin élargit son cas personnel à une analyse élargie de la situation de la presse, ses accointances avec les politiques et sa dépendance, sa servilité au monde de la finance. le cénacle politico-médiatique apparaît étroit, fermé… soumis aux discours de personnalités qui conforment l'opinion aux orientations « réactionnaires » … Les charges sont directes envers les ténors, Alain Finkielkraut, Alain Minc, Bernard Henri-Lévy … ont le droit à des propos incisifs.
Le bilan reste donc négatif, pessimiste… la presse est soumise à la finance, la « bonne parole » libérale et mondialisée est apportée par des professionnels sous contrôle et serviles. Ce constat n'est pas récent, « l'empire Hersant », « l'univers Dassault » avaient, en leur temps, semé de grandes inquiétudes.
Dans ce livre « coup de gueule », Laure Andelin montre les limites de la profession de journaliste : elle a travaillé avec des convictions… jusqu'à son licenciement…Resurgit le (vieux) débat : convictions et/ou actions ?

Commenter  J’apprécie          20


Lecteurs (149) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
853 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *}