C'est mon premier livre de l'auteur et j'essaie de répondre à cette question : comment ce texte tranchant, sec qui griffe son lecteur au plus profond de sa chair peut m'apparaître comme un nectar.
Ma réponse serait, par l'écriture
Céline Lapertot a fait miel de ce qui était ne pourriture de l'existence.
Une petite fille qui ne parle pas encore, est là au milieu d'un décor de la France périphérique qui pourrit dans l'indifférence générale.
C'est un tableau de la pauvreté ordinaire celle des « sans dent ».
« C'est ainsi que l'on pourrait débuter ce roman, même si ce n'en est peut-être pas un. On pourra ergoter sur la définition et se demander ce que valent les souvenirs qui meurent toujours un peu sous le poids du temps, déformés par ce que nous fûmes et ce que nous sommes, un être de chair et de nerfs, pétri de la peur, de la colère, de la joie aussi, et, parfois, du sentiment de fierté et des désillusions. Il y a toujours un équilibre subtil à trouver entre la crainte de laisser trop de temps aux souvenirs-en prenant le risque de dissiper-, et celle, aussi, de les écrire trop tôt et de les manipuler, de bêtement les corrompre pour avoir voulu écrire un être qui n'était pas prêt à se donner. »
La pauvreté n'est pas seulement matérielle, elle est aussi culturelle.
Cette enfant vit entre une mère asservie à un homme, le beau-père de la petite. Elle laisse faire. Leur quotidien se réduit et est rythmé uniquement par et autour des incursions de ce dernier au bar qu'il fréquente.
Cet homme affiche une rébellion parses tatouages mais il se comporte veulement en société et en despote en famille.
La pauvreté c'est comme la lèpre qui dévore la peau.
Céline Lapertot « gueule » des mots qui vous déchirent comme un scalpel pour dire l'innommable, l'indicible d'une enfance violée pas seulement physiquement…(le verbe qui m'est venu en premier n'est pas gueuler mais vomir, inapproprié car c'est un verbe de défaite qui ne correspond pas à l'auteur et à ce qu'elle nous envoie.)
En 90 pages l'auteur dit tout avec lucidité et fierté. Elle énonce ne se répand jamais, elle triomphe. Ce qui aurait dû la détruire, cette pourriture est devenue un terreau, elle est passé de la violence et la solitude, à un renouveau fait de gens bienveillant pour l'aiguiller, de son immense curiosité et soif d'apprendre. Elle rend un très bel hommage à la littérature.
Elle fait partie de ce monde littéraire.
Un parcours exceptionnel. Un auteur que je vais lire à rebours, j'ai commencé par le dernier il m'en reste trois à découvrir. C'est une plume dans une belle maison d'édition.
Je laisse la conclusion à la femme devenue, qui a tant à transmettre : « Cette triste France qui s'américanise dans sa relation parents d'accueil-enfants, en n'ayant toujours pas pris conscience que pour ces enfants-là, précisément, les liens du sang ne sont rien face aux bras tendus de celle qui te dit « ici, tu es chez toi. C'est ta maison, c'est ton foyer. »
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 22 novembre 2019