Très différemment de ses autres romans,
Camille Laurens a écrit cette fois presqu'un essai et s'est intéressée à la génèse de la sculpture de Degas très connue,
la petite danseuse de quatorze ans (entre 1875 et 1880), existant en plusieurs versions (bronze ou cire).
Dans la première partie, on découvre le monde des petits rats de l'opéra, de ces petites filles pauvres que leurs mères, souvent célibataires et dans la misère, vendaient à l'opéra pour un maigre salaire. Ces petites filles travaillaient dur et devaient souvent, en plus de leurs jambes, vendre leur corps à un riche abonné de l'opéra qui puisse, au mieux, leur servir de protecteur (comme on peut d'ailleurs l'imaginer dans cette toile de Degas, L'Etoile, peinte en 1876, où l'on peut apercevoir sans doute un de ces « protecteurs »…)
Marie van Goethem, petite fille belge de 14 ans, fut l'un de ces petits rats de l'Opéra. Elle servit de modèle à Degas pour sa sculpture.
Camille Laurens s'interroge sur les raisons qui poussèrent Degas à la réaliser de manière si réaliste, avec de vrais vêtements et des traits ingrats voire vicieux qui amenèrent les visiteurs du salon des Impressionistes de 1881 à crier au scandale et à critiquer très durement aussi bien la sculpture que le modèle. Elle nous transporte dans ce Paris de la fin du XIXème, où tout n'est qu'apparence et où la vérité ne saurait se montrer. Les visiteurs du salon ont sans doute vu dans cette sculpture leurs propres déviances et perversions, d'où leurs cris faussement outrés.
Dans une seconde partie,
Camille Laurens s'est intéressée à la relation/non relation entre Degas et son modèle, au souhait de Degas de dénoncer ou en tout cas de montrer par son art ces vies difficiles de filles à peine pubères : la représentation de la vérité dans sa sculpture est le moyen qu'il a trouvé.
Et enfin, dans la dernière partie,
Camille Laurens a cherché à en savoir plus sur cette petite Marie, sur ce modèle, ce qu'a pu être sa vie par la suite.
-> L'auteure s'est vraiment beaucoup documenté, son écriture est fluide et sans fioritures inutiles, et on peut lire très facilement son (court, 176 pages) roman car il est passionnant, s'attachant à toutes les facettes d'une oeuvre fascinante et que tout le monde connaît de vue.
Il n'est pas nécessaire de s'y connaître dans l'art du XIXème pour apprécier ce livre mais forcément, pour ceux qui s'y intéressent, c'est un plus indéniable.
Et pour ceux à qui cela donnerait envie de (re)découvrir Degas, une exposition s'ouvre au
Musée d'Orsay (28 nov 2017 au 25 fév 2018) : Degas Danse Dessin
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