Ne croyant plus en son Dieu assassiné par l'Histoire, Elie Wiesel trouve une source d'appui sur cet adverbe de temps qui exprime à la fois la fin des illusions et la force de la mémoire. Jamais sert à nier et à affirmer. Cruel et clément, c'est sans doute le mot qui s'approche au plus près des attributs divins.
Car les mots ont une voix, ils ont un grain - comme on dit le grain de la peau, bien sûr, mais aussi, au fond, comme on parle des fous, des marginaux: chaque mot est un original, une pièce unique. La lecture consiste donc à palper ce grain, à entendre cette voix. Le lecteur déchiffre la langue avec sa sensibilité, sa raison, sa culture, mais aussi avec sa mémoire: les mots réveillent en lui des associations, des souvenirs, conscients ou non.