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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une "vie minuscule" ? Un ouvrage passionnant sur le frère d'Arthur Rimbaud, présenté par sa famille comme un raté et complètement oublié, rayé de la famille, au point que même ses descendants ignoraient ce lien familial (au passage, Arthur, le poète, n'en sort pas grandi).
Un sorte de réhabilitation des gens de peu, sans ambition (destructrice parfois), mais qui luttent pour vivre et recherchent le bonheur.
C'est aussi un livre en train de se construire : les passages où l'auteur parle de ses recherches ne sont pas les moins intéressants.
Une oeuvre entre biographie et roman.
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𝕃'𝕒𝕦𝕥𝕣𝕖 ℝ𝕚𝕞𝕓𝕒𝕦𝕕

➰𝙰𝚞𝚝𝚎𝚞𝚛 : David le Bailly
➰𝙴𝚍𝚒𝚝𝚒𝚘𝚗𝚜 : Points
➰𝟸𝟹𝟿 𝚙𝚊𝚐𝚎𝚜.

♥️ COUP DE COEUR ♥️

🟠 Il s'agit d'une enquête romancée menée par David le Bailly qui lui-même apparaît dans quelques chapitres sous la forme d'une écriture en italique.
Il regorge d'informations et d'anecdotes vraiment intéressantes qui ont suscité mon intérêt, ma curiosité mais également des émotions contradictoires à l'égard du poète que j'ai tellement idéalisé depuis mon adolescence.

🟠 Frédéric est l'aîné d'à peine une année du célèbre poète Arthur Rimbaud et de deux soeurs, Isabelle et Vitalie.
La famille vit sur le mensonge d'un père censément décédé alors qu'il a simplement fuit le domicile.
Durant leur enfance à Charleville dans les Ardennes, ils étaient très proches car quasi jumeaux : partageant la même chambre, leurs jeux et critiques à propos de leur mère qui leur semble acerbe. Il fut celui qui écouta avec beaucoup d'admiration, Arthur déclamer ses premiers vers.
Puis, le temps et l'incompréhension ont eut raison de leur complicité.

🟠 Frédéric n'a pas le goût des études leur préférant une « glorieuse carrière militaire » (comme son père qui était capitaine) qui ne durera que peu de temps.
De son côté Arthur s'éloigne également de sa famille mais certainement pas par esprit de patriotisme, se faisant remarquer pour d'autres faits d'armes….

🟠 Frédéric a été mal considéré par certains écrivains/ biographes qui se sont permis de le traiter d'imbécile alors que peu d'informations sont disponibles à son sujet. Est-ce parce que l'on est différent d'un frère poète que cela nous rendrait « idiot du village » ?
Au fil des pages je me suis pris d'affection pour ce frère qui aurait pu avoir une vie plutôt tranquille s'il n'avait pas été le fils d'une mère abusive à bien des égards et le frère d'un cadet dont la poésie de génie ne font pas oublier la personnalité égoïste et quelque peu hypocrite, réussissant à soutirer l'amour et l'argent de la marâtre.
Les rimbaldiens continuent d'envoyer des lettres au cimetière où Arthur Rimbaud repose.
En refermant ce livre, j'ai l'envie d'en composer une à l'égard de Frédéric….
Je remercie vraiment David le Bailly qui m'a, grâce à cet ouvrage de qualité, sortie de ma naïveté et de ma béatitude.
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Je ne m'intéresse généralement pas à la vie des auteurs, à leurs problèmes familiaux. Pourtant, cet autre Rimbaud m'intriguait.

J'ai aimé découvrir ce frère, Frédéric, complice d'Arthur dans leur jeune âge (ils n'avaient qu'un an de différence).

Puis la fuite d'Arthur les a séparé. Frédéric est resté dans leur ville natale. Il tentera lui aussi d'échapper à la mère qui ne veut pas qu'il se marie.

J'ai eu à la fois de la peine pour Frédéric qui repense avec nostalgie à sa complicité avec son petit frère, et contente de sa vie minuscule, lui qui a eu un métier et des enfants.

Leur soeur Isabelle m'a horripilée et fait rire, elle qui veut écrire la légende de son frère n'hésite pas à travestir la vérité.

J'ai aimé qu'en aparté, à chaque fin de partie, l'auteur explique les difficultés qu'il a rencontré à chercher des traces de ce frère que la mémoire familiale s'est escrimé à faire disparaitre.

Quant à la mère, c'est une vrai repoussoir.

L'image que je retiendrai :

Celle de l'avis de décès de Frédéric qui comporte une faute, le rendant introuvable pendant des années.
Lien : https://alexmotamots.fr/laut..
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Frédéric, le frère ainé d'Arthur, était-il un raté, comme l'ont répété tant de biographes de Rimbaud?
En tout cas, il était le seul à oser tenir tête à leur mère, “aussi inflexible ue soixante-treize administrations à casquette de plomb”, et rien que pour ça, il mérite le respect.
Frédéric serait sûrement du même avis que Renaud : On choisit ses copains, mais rarement sa famille...” Lui aussi, son beau-frère, c'était “pas une affaire...”
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Voilà un livre jubilatoire. L'auteur a attaqué la montagne Rimbaud, par une voie inconnue, celle du frère méprisé, effacé des tablettes. le résultat est si bon, qu'on se félicitera que Pierre Michon, qui en avait eu l'idée ait finalement abandonné le sujet, tout en la soufflant à l'auteur, alors que celui ci écoutait une émission de France culture.
Comment se fait il que nous n'avions pas vu l'absent, rayé des photos officielles comme les gens qui dérangeaient en URSS ?...Pourquoi les biographes ont ils préféré dériver sans cesse vers les chemins balisés de l'errance, plutôt de poser les questions qu'un enfant pose, en regardant un album photo de famille ? Comme dans cette nouvelle d'Edgar Poe : La lettre qu'on cherchait partout était au milieu de la table, au visu de tous.
Sans doute avions nous préféré ne pas voir ce qui nous dérangeait, et entretenir ce mythe romantique du poète aux semelles de vent, sans nous attarder sur le coin originel des Ardennes..
Cette histoire, c'est celle d'une manipulation réussie! Depuis 150 ans un fils a été jugé génial, intouchable, et l'autre non grata !. Si indigne qu'il a d'ailleurs totalement disparu, comme le héros de « L'homme qui rétrécissait » de Richard Matheson .
Pour ma part, moi qui ai lu tout de même quelques livres sur le sujet, je m'interroge sur ma cécité. Peut être elle elle apparue dans le point aveugle du nerf optique ?….En tout cas en voyant la jaquette du livre de David le Bailly, j'ai été saisi d'un grand trouble, comme si moi aussi j'avais été complice du crime.
Sans doute préférions nous regarder le démiurge de 15 ans, toujours sidéré par « le bateau ivre » et autres « poètes de sept ans » . C'est cet « arrêt sur l'image » qui a fait envisager le transfert des cendres du poète au Panthéon, avec ceux de Verlaine. En oubliant le trafiquant d'armes, cet aventurier douteux et avare , complice de la mère dans le rejet de Frederic.
Un peu fort de café, ce projet de panthéonisation, à l'heure où l'on déboulonne les statues de Vauban, ou l'on change le titre du livre d'Agatha Christie « les dix petits nègres » . Si le mot « Nègre » nous effraie par ce qu'il peut signifier, alors comment peut on oublier nos valeurs morales en séparant Arthur Rimbaud de son oeuvre ? .
"L'homme aux semelles de vent" avait tout du scaphandrier au semelles de plomb, quand il ne voulait pas quitter "son or" qui l'accompagnait partout, caché sur lui. Huit kilos qui n'ont pas du arranger sa jambe. "L'autre Rimbaud". ...N'est ce pas celui ci aussi, l'étranger au monde de la sensibilité qu'il avait, s'étant amputé de ses idéaux de jeunesse?..
David le Bailly a réalisé là un travail remarquable, pratiquement archéologique, en revenant sur les lieux de la scène primitive : le village, la maison, la personnalité de la mère, intransigeante, cassante, castratrice, distribuant les rôles. Il nous la montre mettant tout le monde au pas, méprisant les gens de peu, ou en profitant, en cheffe de ces Tenardier locaux.
Comment se construit la dynamique d'une famille ? Cette histoire nous interroge sur nos histoires propres, comme l'auteur le fait d'ailleurs lui même, sur la sienne. Enfant unique, il a souffert de cette absence de frère, fantasmant sur cet élément manquant, comme tant d'autres avant lui. « Toi le frère que je n'ai jamais eu, sais tu ce que nous aurions fait ensemble ! » Chantait Maxime le Forestier.
.Les deux frères Rimbaud firent beaucoup de choses ensemble, dans leur enfance, au pont d'être inséparables, et la dérive sur le bateau ivre qu'Arthur mettra en vers plus tard, s'est peut être bien fait sur le cours d'eau local, comme le suggère l'auteur.
La distanciation s'est faite insidieusement, liée aux résultats scolaires, servant à la mère de séparer le bon grain, Arthur, de l'ivraie, Frederic.. Car cette femme excelle par son histoire et son éducation aux opérations de clivage. Ce n'est pas une mère, mais une DRH cassante, ayant récupéré l'autorité du père absent, ce capitaine dont finalement les deux fils suivront un moment son exemple en s'engageant. Arthur désertera très rapidement de l'armée Hollandaise, et Frederic honorera la durée de son contrat, en Algérie. C'est un raccourci saisissant sur la personnalité des deux frères, l'un emporté, et l'autre résigné et respectueux.
Arthur est prédestiné au plus grandes promesses, et supplante son aîné dans l'attente. Ce n'est pas rien à cette époque dans le monde rural, où c'est normalement le plus âge des garçons qui est investi dans la succession.
de cette adoration de la mère, s'explique sans doute une part de la personnalité d'Arthur, réagissant souvent comme un enfant unique, trop gâté. Et tout autant celle de son frère, longtemps effacé et fataliste, jusqu'à sa révolte motivée, qui ne fera qu' exacerber son rejet complet, avec la complicité d'Arthur. .
De fait, la correspondance entre le fils adoré et la mère ne laisse aucun doute sur leurs idées communes au sujet de Fredéric.
 L'enfer c'est les autres…. « Pourquoi  ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu'il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons des connaissances que les autres ont déjà sur nous, nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont — nous ont donnés — de nous juger. Quoi que je dise sur moi, toujours le jugement d'autrui entre dedans. Quoi que je sente de moi, le jugement d'autrui entre dedans. » (Jean Paul Sartre-interview, à propos de « l'enfer c'est les autres)
L'auteur ne l ‘a pas fait pas délibérément, mais au fur et à mesure qu'il sort Frederic de l'ombre, Arthur perd de sa brillance et de son mystère. On le pensait victime. Il se révèle complice écoeurant d'une mère abusive, qui continue, malgré les milliers de kilomètres, à entretenir sa place « d'enfant roi » au centre de la famille,
En ramenant Frederic dans le portrait de famille, cela réajuste les positions de chacun. La fille se révélera copie conforme à la mère, toute aussi vigilante avec son mari opportuniste et matois, à s'approprier les droits exclusifs de la succession littéraire !
Mais c'est tout autant à ses qualités de romancier, et même de « voyant » qu'il vole à Rimbaud, que l'auteur parvient à élever ce livre vers les sommets, se jouant de l' omerta, des culs de sac, et des secrets de famille qui ont balisé la route de tous ceux qui se sont attaqués à ce sujet lambda, où les pancartes vous indiquent les directions à prendre : Paris, Londres, Java, Aden. Mais sûrement pas celle de « Roche », où la mère s'est appropriée la source du village, et échangera tant de lettres avec Arthur. Bien qu'il soit en Afrique, il est bien plus près d'elle que Frederic.
S'il faut « absolument être moderne ». pour paraphraser Rimbaud, alors il ne faut pas se tenir comme tant d'adorateurs au garde à vous devant la statue.
L'aventurier en rupture des parapets de la vieille Europe pesait infiniment plus lourd dans la légende que son frère, ce conducteur de diligence honnête en tous points, et brave homme, fier de son état , menant son chemin, mais ayant oser affronter la mère dans une joute homérique et judiciaire qui laisse ahuri.
On l'a donc tué d'abord au niveau au niveau symbolique, puis chassé de toute représentation, et de tout intérêt financier. Les sous pèsent beaucoup plus que les alexandrins dans cette histoire.
Frederic mènera tout de même une existence digne, et aura oser s'affirmer face au moloch familial, méprisant le chantage qu'elle induit, préférant sa liberté, sans avoir besoin de se perdre en Afrique.
Ce livre est une opération d'exhumation iconoclaste, qui, si il brouille l'image de la statue sacrée, et perturbe les Rimbaldiens, fait un bien fou  par sa valeur régénératrice, en remettant la famille Rimbaud en perceptive. .
A ce jeu là, Arthur apparaît bien vulgaire et méprisable. Frédéric est le révélateur de la vilenie de cette famille d'esprits bas, penchée sur leurs bénéfices, avec la mère en chef de clan.
La sympathie autour d'une oeuvre nous met souvent bien peu critique de la valeur humaine des hommes. Celine a longtemps bénéficié d'une certaine bienveillance, en dépit de sa scélératesse, pour avoir écrit un chef d'oeuvre : le voyage au bout de la nuit.
Il semble que nos esthètes aient du mal à dire qu'un génie littéraire soit proche de la débilité au niveau de l'émotionnel et de l'empathie, et que des pudeurs de convention sociale pratiquent une forme d'autocensure. L'auteur aborde aussi ce sujet, lié au mépris de classe. Les minuscules deviennent parfois si insignifiants, qu'ils ne leur reste plus qu'à endosser un gilet jaune pour exister! .
Au fur et à mesure de la lecture, j'ai pressenti l'exaltation de l'auteur, débordant du sujet, tant le sujet Rimbaud est sorti du cadre de l'enfant génial, pour être signifiant du cercle de famille, et même au delà, des rôles distribuées par la société de classes. .
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En avril 2020, j'avais lu "Azur noir" d'Alain Blottière qui racontait, sous forme de roman, la rencontre de Rimbaud et Verlaine à Paris. La description du poète était déjà bien loin de l'image du brillant poète, dont l'art enthousiasme encore des générations d'admirateurs.
C'est donc avec grande curiosité que j'ai abordé cette biographie romancée, pour approfondir la connaissance de l'homme, Arthur Rimbaud, et non du poète à travers l'intimité de sa famille. Arthur n'est pas le personnage principal mais c'est son frère aîné Frédéric, qui est mis en lumière.
Alors que les deux frères s'entendaient à merveille enfants, qu'une grande complicité les unissait, l'âge adulte va les éloigner et Arthur n'aura de cesse de dénigrer ce frère, appuyé en cela par leur mère, Vitalie Cuif, et leur soeur cadette, Isabelle.
Elles vont s'acharner à le spolier, à le mépriser car il avait déchu en devenant conducteur d'omnibus et en épousant une femme en dessous de sa condition sociale, à essayer de le gommer de l'histoire familiale afin que ne soit pas terni le mythe d'Arthur, créé de toute pièce par les deux femmes et entretenu par les admirateurs rimbaldiens.
L'auteur, lui, n'hésite pas à montrer le poète, qui a arrêté d'écrire à 20 ans, sous son vrai jour : un homme orgueilleux, égoïste, qui part dans les colonies pour amasser une fortune en faisant du négoce et de la vente d'armes.
Ce qui est émouvant dans cette enquête-roman c'est l'empathie de l'auteur, David le Bailly, pour Frédéric dans lequel il se reconnaît; il semble que, lui aussi, ait souffert de l'absence du père et d'une mère autoritaire, dure, avec laquelle les relations étaient plus que tendues. L'auteur intercale régulièrement dans le roman, des pages où il explique pourquoi il a voulu faire sortir Frédéric de l'ombre et le réhabiliter, sa démarche, ses recherches difficiles.
Passionnant et émouvant.
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On plonge dans ce livre comme dans un abîme sans fond. L'auteur a mené une enquête très difficile sur le frère d'Arthur Rimbaud, Frédéric Rimbaud. Très difficile, pourquoi ? Parce que ce frère qui ne correspondait pas aux attentes de la famille a été complètement gommé des archives familiales avec une volonté destructrice sans pareil. Trahi par sa mère par sa soeur et par son illustre frère avec qui pourtant il avait tissé des liens forts pendant son enfance. En effet ils avaient un an de différence. On l'a même fait disparaître de la célèbre photo de communion sur laquelle il pose avec Arthur. Et pourtant il a mené un combat contre une mère toxique , méchante, injuste, manipulatrice, et il a réussi à en sortir vainqueur même s'il l'aura à le payer très très cher. C'est donc une vie de misère que Frédéric Rimbaud mène. L'icône "Arthur Rimbaud" est écorné dans ce récit glaçant bien que ça n'ôte rien à son génie, bien entendu. C'est donc un très beau récit romancé dont on ne ressort pas indemne que nous livre David le Bailly.
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L'autre Rimbaud est sorti le 19 août. J'avais prévu de le lire et de le chroniquer pour cette date mais je n'ai pas réussi à me plonger dans la grisaille de Charleville-Mézières alors que tout autour de moi sentait les embruns. J'ai donc abdiqué après quelques dizaines de pages avalées sans intérêt, préférant remettre cette lecture à un moment où elle serait plus de circonstance : la rentrée. Et je crois que j'ai bien fait car ce deuxième essai fut concluant, j'ai englouti l'histoire du frère caché d'Arthur Rimbaud en deux jours.

Dans toutes les familles il y a de vieilles histoires. Des pères, des fils ou des frères que l'on porte aux nues (plus rarement des mères, des filles ou des soeurs notez bien), d'autres que l'on préfère effacer de nos mémoires parce que leurs agissements nous font honte et qu'ils jettent le discrédit sur le nom que l'on porte. En général se cachent derrière cela des comportements jugés déviants ou des faits répréhensibles, la famille se transformant en tribunal populaire pour évincer de son sein ceux qu'elle ne juge plus digne d'y figurer.

Dans la famille Rimbaud, c'est le cadet, Arthur que la mère encense et l'aîné, Frédéric, qu'elle méprise et ignore. Pourtant s'il y en a bien un qui sort du rang c'est Arthur mais le poète trouvera toujours grâce aux yeux de sa mère, Vitalie, et de sa soeur, Isabelle. On pardonne tout à l'enfant prodige des lettres. On s'assure de sa loyauté au moment où l'aîné refusera de plier l'échine. Difficile de comprendre cette haine que Vitalie déploie à l'encontre de Frédéric. Une haine féroce qui mènera tout de même à rayer ce pauvre bougre de l'histoire familiale et, plus hallucinant encore, de l'effacer purement et simplement de la célèbre photo d'Arthur Rimbaud enfant.

Les histoires de famille ont ceci de fascinant qu'elles n'épargnent aucun milieu ni aucun nom. Celles de la famille Rimbaud ont de quoi surprendre parce que tout aurait dû mener à ce que ce soit Arthur l'enfant maudit, incompris, rejeté. Mais non, son intelligence supérieure l'aura protégé de la foudre maternelle. C'est assez « moderne » comme vision des choses et je me suis surprise d'un côté à m'en réjouir. Pour une fois, un jeune homme issu d'une famille terrienne du XIXe siècle n'a pas été renié pour son homosexualité et sa vie sans attaches et un peu bohème. Mais c'est tout de même assez étonnant d'imaginer que Vitalie et Isabelle aient pu percevoir de suite ce qu'il y avait d'aussi exceptionnel chez ce garçon pour passer outre ses agissements. Une sorte de 6e sens, peut-être ? D'un autre côté, ce don d'Arthur aura fait le malheur de Frédéric, ce frère à qui l'on reprochera sa banalité et son incapacité à s'élever intellectuellement. Comment vit-on dans l'ombre d'un être exceptionnel ? Comment faire sa place quand l'autre prend déjà tout l'espace ? Un sujet fascinant qui reste d'actualité pour tous ceux confrontés à la célébrité d'un proche. Un sujet dont David le Bailly s'est emparé avec brio.
Lien : https://www.lettres-et-carac..
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Dans la famille Rimbaud, David le Bailly voulait l'autre fils, l'aîné Frédéric, le frère qui partagea son enfance et fit les quatre cent coups avec Arthur, qui subit l'extrême rigueur d'une mère rentière et l'absence d'un père militaire. Mais de Frédéric on ne sait pas grand chose, et pour cause : aussi peu bon élève qu'Arthur était brillant, aussi peu voyageur - hormis une campagne militaire en Algérie puis ses trajets de conducteur d'omnibus à Attigny, qu'Arthur s'est fait une réputation d'aventurier...

L'autre Rimbaud est un livre assez vertigineux, une biographie romancée de l'homme effacé dont les chapitres consacrés au récit familial alternent avec ceux de l'enquête réalisée par l'auteur et ses motivations personnelles. Et c'est presque une contre-biographie d'Arthur Rimbaud qui se lit en creux : finalement un garçon nerveux, qui n'hésita pas plus tard à dénigrer son frère, à accepter de participer à l'effacement familial de Frédéric, littéralement gommé de la photo de fratrie. Les deux frères ont en commun d'avoir chercher à fuir cette mère odieuse, à s'échapper du destin familial des Cuif au domaine de la Roche. Pour Frédéric ce fut au prix de plusieurs batailles judiciaires pour que la mère daigna qu'il se marrie à Blanche ; pour Arthur, ce furent ses voyages, mais l'intérêt médiatique que sa figure de poète représentait lui a permis de devenir le petit protégé aidé, porté aux nues, célébré, quitte à travestir quelque peu la réalité et bâillonner à jamais le frère Frédéric.
Une sacrée histoire de famille qui nous plonge dans une ambiance de la petite bourgeoisie provinciale chère à Chabrol et pose la question du prix à payer pour bâtir une légende.

J'ai pris plaisir à lire ce livre, qui m'a touchée par le parti pris de faire la lumière sur la vie d'un homme ordinaire, commun, et en plus renié et quasiment déshérité.

Lien : http://chezlorraine.blogspot..
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[ ROMAN-ENQUÊTE]
Je vous vois venir: encore un ouvrage sur Rimbaud ?! Et bien détrompez-vous chers lecteurs! Si c'est bien le jeune Rimbaud en couverture ce n'est pas de lui dont il est question. Non, ce roman parle de l'autre Rimbaud, le frère aîné Frédéric. Rimbaud, un frère ? Mais d'où il sort celui-là ? Voilà près de 130 ans qu'Arthur est mort et on nous sort un frère comme un lapin d'un chapeau?! Si certains souffrent d'être des « fils de » Frédéric souffrira tout au long de sa vie d'être le « frère de ».


Lui « le moins fortuné intellectuellement » tour à tour frère, suspect, dénigré, déchu , traitre, renié, dépossédé, effacé, évincé ... Ces adjectifs constituent les différentes parties de ce roman-enquête où l'on découvre l'aîné des Rimbaud, le raté de la famille, le « looser » qu'il fallait absolument cacher.
Pourquoi tant d'acharnement ? Les comportements de sa mère Vitalie, acariâtre, autoritaire, manipulatrice et de sa soeur Isabelle y sont pour beaucoup. En effet, on ne s'oppose pas à Vitalie Cuif Rimbaud ! Elle contrôle tout. Les terres, les fréquentations, l'histoire familiale. Frédéric lui a tenu tête, il en a fait les frais. Mais Arthur dans tout ça? Lui si proche de son aîné étant enfant finira par se rallier à sa mère et se liguera contre lui dans les dernières années de sa vie. « Ça me gênerait assez, par exemple, que l'on sache que j'ai un pareil oiseau pour frère. Ça ne m'étonne d'ailleurs pas de ce Frédéric : c'est un parfait idiot, nous l'avons toujours su, et nous admirions toujours la dureté de sa caboche. »
Arthur le fils prodigue, marchand, trafiquant d'armes exilé en Afrique. Oublié l'hérétique, le blasphémateur, le vagabond, le colérique. Oubliées ses frasques avec Verlaine. Arthur le génie, Arthur le Saint.


De la fortune des Rimbaud, Fréderic n'en verra pas la couleur, pas plus que ses descendants. L'héritage d'Arthur c'est Isabelle et son mari l'artiste Paterne Berrichon qui le monopoliserons.
Je ressors de cette lecture profondément émue. Comment ne pas ressentir injustice et empathie pour Frédéric? Je remercie David le Bailly d'avoir mis en lumière cet être oublié!


J'ai beaucoup aimé la construction du récit avec le côté roman puis enquête en fin de partie où l'auteur se livre et nous expose ses réflexions, son travail de recherches et ses différentes rencontres.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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