En pleine période de confinement, je me suis offert le luxe d'accomplir deux voyages en un. Avec ce roman j'ai fait un retour dans les années 70 en même temps qu'une superbe expédition au Niger. La couverture de ce livre d'André le Gal était en elle-même une invitation au dépaysement avec la photo de cette tribu nomade regroupée aux abords d'une oasis. Encore une trouvaille du fin fond de ma PAL, fruit d'un de mes multiples trocs sur internet ou résultat d'une flânerie dans les stands d'une brocante, qui s'est révélée être une véritable pépite.
J'ai suivi avec intérêt l'arrivée d'Olivier, jeune français de 26 ans, qui débarque à Niamey en plein coup d'état en avril 1974. Embauché par une organisation humanitaire, il est chargé d'acheminer les vivres par camion à travers le Sahel. D'après la postface, André le Gal, auteur que je découvre, s'est inspiré de faits réels pour écrire cette histoire. Et quelle histoire ! Tous mes sens ont été sollicités, que ce soit la vue par la beauté sauvage des paysages ou l'odorat par les odeurs (pas toujours ragoutantes) retranscrites.
J'ai accompagné les caravanes de Touaregs sous le chaud soleil nigérian, j'ai découvert cette façon qu'ils ont de sentir le désert, inaccessible à l'occidental qu'est Olivier. J'ai vécu l'agonie de ce peuple que les frontières imposées par d'autres privent de liberté. J'ai perçu les rivalités des différentes ethnies de ce pays : Djermas, Bouzous, Peuls et la place que leur origine leur accorde dans la société.
J'ai surtout beaucoup appris sur l'envers du décor des organisations humanitaires et sur les effets pervers de l'aide qu'elles apportent, comme se donner bonne conscience en fournissant de la nourriture à la population, au mépris des efforts des éleveurs et cultivateurs locaux.
L'auteur nous offre une galerie de personnages très divers. Trois univers se côtoient, celui des dirigeants où règnent l'hypocrisie, l'arrivisme et la corruption, celui de ceux qui s'investissent pour les autres par dévouement, avec sincérité, usant du système D et celui des victimes, les Touaregs dont les coutumes ancestrales ne peuvent s'adapter aux changements de ce monde qui évolue sans eux.
A la fois roman d'initiation, d'aventure, d'amour, d'amitié et témoignage où derrière l'humour de façade transparait un léger sentiment d'amertume, ce livre superbement écrit, mérite un 18/20.
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- Notre action est mal perçue. Des agressions sont perpétrées contre des humanitaires. (...)
- Vous n'allez tout de même pas me dire que vous vous étonnez, monsieur Dubessy ? Allons ! Vous introduisez de l'aide alimentaire dans le pays, notamment du lait en poudre en quantités énormes, et vous cassez le marché. Vous êtes au courant des conséquences déplorables de votre superbe générosité ? Plus personne n'achète le lait des paysans. Les prix s'effondrent et les paysans vendent à perte. Pour survivre, ils offrent leurs vaches à la boucherie et, là aussi, les prix chutent. Et bientôt, il ne restera plus grand-chose des troupeaux du Sahel ! Plus rien ! Les paysans, les éleveurs, les bergers, tous ceux que vous aurez ruinés avec votre lait en poudre gratuit quitteront leurs maigres pâturages sahéliens et déferleront sur les villes, sur Bamako, Niamey et Ouaga. Le désert, abandonné à lui-même, gagnera encore du terrain. Mais vous, monsieur Dubessy, vous aurez bonne conscience. Et toute la Fance avec vous.
La planète Afrique lui arrivait en plein cœur, dans un déferlement d'images et de parfums. En passant à la hauteur de ce que le docteur Dubessy désigna sous le nom de "grand marché", la tourmente vint à son comble. Dans l'entassement des petites boutiques, ornées de dessins naïfs où l'on pouvait lire en grosses lettres malhabiles que "Miko fait le franc plus gros" ou qu' "Ibrahim donne l'heure à toute heure" montait le grincement métallique et brouillé des transistors, mêlé aux odeurs fortes de viande avariée, de mangues trop mûres, dans le souffle des épices et l'eau croupie des caniveaux. Niamey était une terre de parfums, de musc et de gingembre, portée par le souffle brûlant de l'après-midi.
Tu comprends? l' Afrique ,c' est chaud.Parfois même ,ça devient brûlant... Oh, tu peux faire semblant de ne pas entendre,mais c' est la vérité.
Il n'avait jamais vu un Blanc jusqu'au jour où des invités sportifs français se sont perdus en Land Rover dans la région . Ils campent le soir , en plein air.Et au matin, qu'est-ce-qu'ils voient ? Notre berger Kaïlou sauter , de dune en dune , comme une gazelle . M.Duval,entraîneur national du stade de Colombes , prend ses jumelles et dit : " Kaïe!Cet enfant noir est un diamant !"
Rien de grand dans ce monde ne s'accomplit sans passion