La poussière de la cour a ses pieds, les épingles d'écailles ont ses cheveux, l'air a ses poumons que je ne verrai pas, que je n'aurai pas contre mon souffle.
je l'attends avec une pleureuse dans le ventre.
Isabelle aveugle et sourde-muette complote, voit un monde avec les yeux du sommeil.
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Le sommier gémit.
Isabelle frottait ses orteils sur mon pied en signe d'amitié.
Elle m’a donné le bras et nous nous sommes promenées entre la Petite Ourse et la Grande Ourse sur la carte du ciel.
Je vois le demi-deuil du nouveau jour, je vois les haillons de la nuit, je leur souris. Je souris à Isabelle et, front contre front, je joue au bélier avec elle pour oublier ce qui meurt. Le lyrisme de l'oiseau qui chante et précipite la beauté de la matinée nous épuise : la perfection n'est pas de ce monde même quand nous la rencontrons.
Elle arrivait. Je comptais ses pas dans la grande allée. Quinze roulements de tambour ont passé sur mon cœur. Que de fois j'ai été exécutée pendant qu'elle venait. La même ville d'amour s'approchait : ma gorge s'élançait.
Elle me sortait d'un monde où je n'avais pas vécu pour me lancer dans un monde où je ne vivais pas encore.
J'ai suivi le cri d'une élève dans les yeux d'Isabelle.
Je creusais dans son cou avec mes dents , j'aspirais la nuit sous le col de sa robe : les racines d'un arbre frissonnèrent. Je la serre, j'étouffe l'arbre, je la serre, j'étouffe les voix, je la serre, je supprime la lumière.