Or du trio poulet-boeuf-porc, difficile d'amener de la variété dans les constituants carnés des repas ? Non seulement la viande coûte cher, mais en plus elle est écologiquement et éthiquement peu recommandée ? Laissez tomber les steaks et le pâté, le temps de goûter au croustillant d'une assiette d'asticots grillés, au croquant d'une sauterelle crue ou au moelleux d'une larve mâle d'abeille. Si vous ne vous sentez pas encore le courage de vous confronter à cette nourriture d'une manière aussi frontale, un petit carnet de recettes vous proposera des mets élaborés qui vous permettront d'oublier la nature de vos ingrédients. Que diriez-vous d'un cake aux insectes (100 grammes de larves d'abeilles, 50 grammes de cigales, 50 grammes de sauterelles, 25 grammes de larves d'ergate forgeron, 25 grammes de larves de cynips, 25 grammes de cloportes et 25 grammes de grillons) ? La liste des ingrédients semble difficile à réunir mais peu importe : le principal est de conserver le ratio larves/adultes pour apporter des différences de consistances qui varient du moelleux au fondant, en passant par le croustillant. Pour le dessert, vous laisserez-vous tenter par un riz au lait aux larves d'abeille et de ténébrion ? On troque les habituels raisins macérés au rhum pour des insectes et on obtient un dessert hors du commun…
A priori, ces recettes ne devraient pas emballer la majorité, mais S. Much s'empare des pages suivantes pour nous convertir à sa cause.
Dans une première partie, il aborde l'entomophagie d'un point de vue rationnel et énumère les arguments favorables à cette pratique, qu'il s'agisse des domaines culturel –les grands textes sacrés encouragent la consommation d'insectes-, diététique –les insectes regorgent de protéines et de minéraux intéressants pour l'organisme-, médicinal –les substances qu'ils sécrètent ont longtemps été utilisées par la pharmacopée traditionnelle-, écologique –leur élevage s'inscrit en accord avec le processus du développement durable-, économique –leur croissance est rapide et ne nécessite pas la mise en place d'un équipement coûteux- et social –les insectes permettraient de lutter contre la famine. La belle ouverture d'esprit de l'auteur lui permet de s'amuser des différences culturelles attribuées aux moeurs et de leurs goûts et dégoûts respectifs. le relativisme permet de considérer l'entomophagie avec le moins de préjugés possible.
Dans une deuxième partie, S. Much nous offre un panorama ciblé des
insectes comestibles les plus courants. Entre autres créatures, on retrouvera l'araignée, le bombyx, la fourmi, le hanneton, le phasme, le scarabée ou le ténébrion… En connaisseur, l'auteur ne se contente pas de nous fournir les informations de base qui permettent de définir chaque insecte : il ajoute également ses propres conseils de « cueillette », ses astuces de dégustation et son jugement personnel. On apprendra ainsi que « Les grillons sont appréciés pour leur saveur que d'aucuns décrivent comme s'apparentant à la noisette ou au pépin de courge. Ils peuvent être mangés salés ou sucrés, grillés, frits, en ragoût, en gâteau… ».
S. Much a fait de son livre d'entomophagie un document qui regorge en outre d'illustrations, d'affiches et de photos en rapport avec l'insecte : elles permettent de réaliser leur ancrage historique dans la civilisation humaine. Il n'est pas certain que les lecteurs se précipiteront dans la nature pour cueillir des sauterelles après avoir lu ce livre, mais il permet en tout cas d'élaborer une réflexion sur nos habitudes alimentaires et il ouvre la porte aux alternatives alimentaires qui devront forcément se préciser au cours des années à venir.
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