Le bonheur, mode d'emploi? Encore un de ces livres de spiritualité, où tout repose sur l'individu. Si tu es malheureux, c'est de ta faute. Les titres des chapitres sont éclairants: responsable de sa vie, amour de soi, règle d'or... Comment pourrait-on être contre?
Le seul chapitre qui sauve l'ouvrage est le dialogue imaginaire entre Socrate et Séguéla. Pour le reste, il s'agit d'un résumé synthétique de la pensée des philosophes, qui aurait pu être écrit par ChatGPT. Entremêlé de réflexions philosophico-religieuses, bien de leur temps. La maladie, par exemple: elle serait presque toujours d'origine psychosomatique. La liberté: on vit dans un pays formidable, on peut choisir le métier que l'on veut (vraiment?) mais ce trop plein de choix est une grande source d'angoisse (si c'était la seule...)
J'ai bien apprécié aussi le chapitre sur la beauté, où l'on nous explique que le développement de l'art doit tout à la religion, qui recherchait l'harmonie parfaite dans ses églises et ses temples. Sans mentionner que si nos églises sont si hautes, c'était pour mieux impressionner et écraser le pauvre "fidèle" de toute sa hauteur. Nous ne saurons rien non plus des conditions d'accès à cette expérience de la beauté. Faut-il y avoir été éduqué, ou pas? Quel est le rôle des institutions?
On est un peu dans la philosophie à la carte, idem pour la religion. le remords par exemple: c'est pas bien. Faut pas en avoir, c'est malsain. Même si on a fait du tort à quelqu'un, on ne peut jamais essayer de le réparer? A quoi bon, nous dit
Frédéric Lenoir, on ne peut pas revenir en arrière. Bonne excuse. de toutes manières, on sera pardonné.
Le travail, en revanche, c'est bien. L'esprit s'épanouit par le travail. Quand je lis ce genre de poncif, je pense aux employés d'Amazon qui remplissent les cartons dans les entrepôts à longueur de journée. Et à bien d'autres métiers, tout aussi émancipateurs. Et à
David Graeber, dont il faut lire
Bullshit Jobs.
Frédéric Lenoir est aussi sociologue. Malheureusement, la société est complètement absente de son bouquin. Il y a lui, son histoire personelle, et comme dans tout bouquin de développement personnel qui se respecte, tout repose sur l'individu, et plus précisément sur sa capacité à s'accepter. On est très content d'apprendre que
Le Dalaï-lama est un joyeux drille, et l'on ne doute pas que cela doit embellir la vie des tibétains, qui n'ont pas eu la chance d'échapper aux persécutions et aux brimades qu'ils subissent en Chine.