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EAN : 9782742706761
318 pages
Actes Sud (04/06/1999)
3.92/5   6 notes
Résumé :
Le Régiment des Deux-Siciles, publié naguère chez Calmann-Lévy par Manès Sperber, est l'une des pièces maîtresses d'une oeuvre qui compte aussi bien des poèmes, du théâtre, des romans.Vienne, 1925. Comme l'armée d'un pays démantelé par le traité de Versailles, le régiment des Deux-Siciles a été dissous. Voici que ses anciens officiers, venus des régions les plus diverses de la mosaïque austro-hongroise, disparaissent tour à tour. Qui est l'organisateur de ce funeste... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Vienne 1925. Un homme est assassine mysterieusement. C'est un ancien officier d'un regiment autrichien de dragons (ou d'uhlans? Je m'emmele les pinceaux), le Regiment des Deux Siciles. Les quelques compagnon d'armes qui restent de ce regiment decime a la guerre, essaient de mener, parallelement a la police, leur enquete. Et voila qu'ils disparaissent ou meurent a leur tour, en des circonstances etranges.


Une intrigue policiere qui va etre elucidee en fin de roman, comme il se doit.

Comme il se doit? Pas vraiment. La fin est un peu catapultee et si elle met la lumiere sur l'assassin, elle ne desembrouille pas tout, et on a l'impression que c'est un impot que l'auteur doit payer au lecteur, et qu'il le fait de mauvaise grace. Il s'en serait bien passe. Parce qu'il est clair que l'intrigue n'est pour lui qu'une excuse. Et tres vite cela est evident pour le lecteur aussi: l'habit ne fait pas le polar et si ce livre feint de l'etre, il s'en dement et le desavoue a chaque page (ou au moins apres les 20 premieres).

L'intrigue n'est pas mince mais elle est coupee, traversee, alourdie, par des monologues, des recits, des digressions, qui servent peu ou pas du tout la solution de l'enigme. Qui peuvent fatiguer le lecteur, lui faire lacher prise. Mais justement ce sont ces longues parentheses, ces a-cotes, qui font l'intensite de ce roman. Il y est question de mort? Plutot de la mort comme destin originel. La mort de tout un chacun et la mort d'une societe, d'une civilisation, d'un monde. de hasard? Plutot d'un hasard ordonne et obligatoire. Ou la chance n'est que causalite. Ou la realite et l'impression se melent en un combat douteux. Il y est question du passage du temps, dansant une drole de danse, deux pas en avant un pas en arriere, sur un air enchevetrant des notes de passe present futur. Il y est question d'identite, changeante, double, et peut-etre toujours pourtant unique. Et il y est question, presque a chaque page, de cette entite supranationale, blamee par les uns et pleuree par les autres, l'empire austro-hongrois. Mais est-ce que c'est vraiment de cet empire, seulement de cet empire, cette double monarchie, que nous parle l'auteur?


Des officiers d'un regiment d'uhlans (de dragons?)meurent en temps de paix. Hasard? Ou est-ce que ce n'est qu'une mort retardee, et ils ne font que rejoindre leurs camarades morts a la guerre, ce qui etait leur destin depuis toujours? Quelqu'un le dit dans le roman: “parce qu'un soldat qui n'est pas tombe dans l'action n'a pas realise tout ce qu'il etait determine a accomplir. Et le soldat est resolu a mourir". Et dans un autre passage le commandant du regiment voit – en un reve eveille – une multitude de soldats, tout son ancien regiment, qui sondent la terre avec leurs armes: ils cherchent leurs propres tombes! Et je me rappelle que dans un autre livre de Lernet-Holenia, dans “Le baron Bagge", tout un regiment etait annihile lors d'une charge, ou il n'y avait qu'un rescape. Ici il y en aura finalement trois. Mais avec le regiment c'est toute une tradition de l'armee qui est aneantie, une tradition qui en fait date de temps immemoriaux. Pour preuve, la premiere victime, l'officier von Engelshausen, avait emis de son vivant le souhait d'etre enterre dans son uniforme bleu et rouge, celui des dragons d'avant la guerre de 14-18, un uniforme qui date des guerres napoleoniennes. Mais un de ses camarades dit: “Vous lui remettrez son uniforme blanc”. Les uniformes blancs étaient ceux de la cavalerie habsbourgeoise depuis 1720 environ, c'est a dire encore plus anciens. Je pense donc qu'ont raison ceux qui voient dans l'empire que Lernet-Holenia pleure une structure beaucoup plus ancienne que la double monarchie austro-hongroise, une structure spirituelle qui daterait de la fin du moyen age. Encore une fois, le passe et le present se marient chez cet auteur. Il discourt enormement sur le passage des temps, mais le temps pour lui c'est le long cours, et dans ce long cours il percoit la guerre de 14-18 comme une coupure brutale, comme une fin. Et la double monarchie n'est peut-etre pas ce dont il faudrait etre nostalgique, mais ce qui est deja en decomposition, ce qui a deja attrape le “virus des cadavres", comme cet officier qui en trepassera dans le livre.


L'auteur joue aussi un peu avec le fantastique, avec deux personnes differentes qui semblent avoir le meme passe, qui se doublent et se dedoublent. Ont-ils la meme identite? Et qu'est-ce qu'une identite? Qu'est-ce qui la caracterise, la definit? Comment les autres la percoivent-ils? Peut-etre comme un des composants de la personnalite, peut-etre comme ce qui conditionne toute personnalite. Rien n'est sur, rien n'est clair.


J'arrete la ma peroraison. Nombreux sont ceux qui rangent Lernet-Holenia parmi les grands auteurs de la Mitteleuropa disparus. Je crois qu'avec raison. Mais il est surement de ceux qu'il est plus ardu de lire. Ce livre, deguise en polar, est bourre de passages ou il faut s'accrocher. Moi aussi j'ai du lutter avec moi-meme pour ne pas lire en diagonale par moments. Mais l'obstination est payante: sans nul doute c'est en fin de compte un livre tres interessant. Un livre qui ouvre des portes. Les ayant poussees, les ayant passees, je ne suis pas sur de bien delimiter, de bien apprehender les endroits ou elles m'ont mene, mais je reste ravi de ce que j'ai pu ou cru voir.
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Beide Sizilien
Traduction : Bruno Weiss

ISBN : 9782742706761


Sous couvert d'une enquête plus ou moins policière, ce livre est une méditation sur la Mort : mort de l'individu bien sûr, mais aussi mort d'une époque, mort d'une civilisation et même mort d'un régiment. Il n'est donc pas d'une lecture facile. Sans atteindre les complexités philosophiques - et pour nous hélas ! somnifères - de "L'Homme Sans Qualités" de Musil, il promène cependant le lecteur dans un paysage où l'onirisme grignote avec vigueur une réalité de plus en plus chancelante et où les doubles et les reflets trompeurs ou tronqués deviennent monnaie courante.

A l'origine donc, la mort ou la disparition inexpliquée des membres survivants du régiment des Deux-Siciles, régiment dissous depuis la fin de la Grande guerre mais dont ceux qui en ont fait partie, appliquant un strict esprit militaire, ne parviennent pas à se désolidariser. le premier décès, l'assassinat d'Engelshausen, compromet plus ou moins Gabrielle, la fille du colonel von Rochonville, qui commandait jadis le fameux régiment. Comme un seul homme, les officiers qui restent décident alors de mener leur propre enquête afin de rétablir la réputation de la jeune fille. (L'un d'entre eux, von Sera, lui proposera même de l'épouser afin de rétablir l'honorabilité de sa situation.)

Le mystère planant sur la mort brutale d'Engelshausen est renforcé par la présence sur les lieux d'un curieux personnage, Gasparinetti, lui-même ancien officier ayant, semble-t-il, été fait prisonnier par les Russes alors qu'il combattait dans les rangs autrichiens durant la Grande guerre. Chez lui, tout est étrange : son comportement, sa façon de s'exprimer et plus encore les histoires qu'il raconte. C'est d'ailleurs lui qui, dès les premières pages, donne au roman la connotation onirique, à la limite du fantastique, qui le caractérise.

Autre détail qui relève du fantastique - même si Lernet-Holenia lui prévoit en parallèle une explication logique : la blessure de Silverstolpe qui le conduit à une mort lente mais paisible. Silverstolpe décède d'un empoisonnement du sang qu'il aurait contracté en se piquant à la pointe d'une épingle de sûreté ayant servi à rajuster la tunique d'uniforme d'Engelshausen alors que celui-ci se trouvait exposé sur son lit de mort. On saisit tout de suite le rapport entre cet empoisonnement issu d'un corps en train de se corrompre et le cadavre, jamais clairement évoqué mais toujours présent, de la société austro-hongroise d'avant-guerre, en pleine décomposition de ses us et coutumes.

Si tous les personnages parlent de la Mort, c'est Silverstolpe qui l'évoque de la façon la plus subtile et la plus profonde. Sa fin s'inscrit dans un été finissant, au coeur d'une nature qui se prépare elle-même à mourir pour un temps avant de renaître au printemps. La partie qui lui est consacrée est d'une saisissante beauté poétique.

En ce qui concerne le prétexte du livre, l'intrigue policière par elle-même, elle se trouve résolue à la toute fin du volume et, comme d'habitude, cette élucidation déçoit le lecteur plus qu'elle ne satisfait sa curiosité. On s'en accommode sans problème pour peu que l'on ait saisi - ce qui se devine très vite - qu'elle ne constituait pas le thème majeur du roman - loin s'en faut.

Tant par ses buts que par son style, riche et soutenu, "Le Régiment des Deux-Siciles" est à réserver aux lecteurs qui apprécient les méditations philosophiques. Précisons toutefois que l'ouvrage reste abordable. Il révèle en outre un auteur certes difficile mais d'une grande sensibilité et d'une intelligence aiguë. A découvrir donc mais quand on se sent dans la disposition d'esprit adéquate. ;o)
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... Donc, Fonseca n'aurait pas su dire, lui non plus, s'il avait attendu un court moment ou pendant un temps prolongé. Il lui semblait pourtant que son attente avait été plutôt longue. Mais il finit par perdre aussi le sentiment de cette durée ; le temps s'emplissait des choses dont il se composait ; or, il se composait de pensées, et l'essence de ces pensées , comme des pensées en général, était aussi indéfinissable que le temps lui-même. C'est peut-être cela qui fait les véritables pensées. Un prisonnier dans sa cellule ou un saint dans sa grotte ne considère plus son bonheur ou son malheur ; il finit par ne plus observer que les oscillations de la grâce : la grâce, versée d'en haut, lui fait supporter l'existence ou, se retirant de lui, le laisse dépouillé de tout. De même, il ne pouvait plus que penser, ou sentir les pensées lui échapper.

Mais qu'étaient ces pensées ? Il l'ignorait. Il eut un sursaut mais fut incapable de se rappeler ce qu'il venait de penser. Il retomba dans une sorte de demi-inconscience ; d'autres idées, plus palpables, lui venaient à l'esprit. Il revoyait sa journée, cette curieuse journée qu'il venait de vivre et la série de hasards heureux qu'il avait connus dès le matin. Il se demanda un moment si c'était bien par l'effet d'un pareil coup de la fortune qu'il était venu là et s'il n'avait pas eu toute cette chance que pour se laisser entraîner plus facilement jusqu'ici. Il ne comprenait plus du tout pourquoi il était entré dans cette maison ; car, en somme, comment cet homme rencontré dans l'ancien appartement de Mme von Malowetz avait-il pu lui indiquer sa nouvelle adresse ? Comment pouvait-il même savoir que c'était elle qui avait habité les pièces que l'on était en train d'aménager pour quelqu'un d'autre ? Après tout, cela ne regardait nullement l'ouvrier, comment aurait-il donc pu le savoir ? Il tenta de se représenter l'individu : un homme plutôt râblé, un peu plus petit que Fonseca lui-même, il ne se souvenait de rien d'autre ; il éprouva d'ailleurs soudain une incroyable difficulté à concentrer ses pensées sur un objet précis. Etait-ce le son du piano qui se faisait toujours entendre et qui l'emplissait de torpeur ? Ce son gagnait en intensité, s'enflait, et, d'un coup, atteignit une telle puissance qu'il lui semblait que c'était à côté de lui qu'on jouait et qu'il en fut anéanti ...



Cela se passait un mercredi, entre six heures et demie et sept heures du soir. Le vendredi, le frère de Fonseca se rendit chez le colonel Rochonville et l'informa que Fonseca avait disparu. ... [...]
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[...] ... Tout était silencieux à l'exception d'un piano dont on jouait quelque part, dans un appartement éloigné. Les notes semblaient venir d'un autre monde, avec une infinie tristesse. Une impression de rêve, la sensation d'un état entièrement irréel, s'empara de Fonseca. Il dut, en tout, attendre quelques vingt minutes dans cette pièce, mais il lui apparut que, si ce laps de temps, et le temps en général, pouvait se diviser, il était en revanche impossible de le mesurer réellement. On pouvait bien le diviser en fractions rigoureusement égales : en heures, par exemple, ou en minutes. Mais qui dira ce qu'est en réalité une heure ou une minute ?

On mesure le temps au mouvement d'un objet, en définitive par rapport à la rotation de la Terre, puis on divise ce laps de temps en fractions égales : en heures et en minutes. Mais combien de temps la Terre met-elle vraiment pour accomplir une révolution ? Nous sentons le souffle de l'alternance entre le jour et la nuit, tel le lent battement des ailes noir et blanc d'un immense oiseau, mais la durée de ces battements, il nous faut bien la mesurer aux mouvements des astres. Et ces astres, en combien de temps accomplissent-ils leur révolution ?

Bref, le temps en soi n'existe pas - mais il peut exister. Il s'agit seulement de ne pas se rendre compte qu'il existe. Car il est grave d'en prendre conscience. Le mieux, c'est encore de l'oublier. Ou bien il faut le remplir d'évènements, qui en s'écoulant, constituent la durée. Alors, celle-ci devient perceptible : sinon, sa brièveté ou sa longueur sont insaisissables. Il est tout aussi terrifiant de sentir le temps glisser d'entre nos mains que d'éprouver une durée sans fin. ... [...]
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Video de Alexander Lernet-Holenia (1) Voir plusAjouter une vidéo

Alexander Lernet Holenia : le régiment des deux Siciles
Olivier BARROT présente le livre d'Alexander LERNET-Holenia, "Le régiment des deux Siciles". L'auteur, né à Vienne en 1897, choisit de voyager et d'écrire. A travers ce livre, il trace le portrait de La Vienne de 1925.
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