Jeudi est un roman très particulier, que ce soit sur le fond ou la forme. L'auteur nous embarque dans l'histoire parfois absurde, parfois sérieuse, mais jamais banale d'un conflit sanglant entre deux petits collectifs de théâtre révolutionnaires.
Eden Levin a choisi une forme originale, mêlant narration classique, coupures de presse, petites annonces, une pièce de théâtre, extraits du manifeste révolutionnaire écrit par Elena et même un essai commentant le manifeste en question. J'ai trouvé ce choix créatif intéressant dans sa volonté de créer tout un univers, un peu insensé. L'auteur explique que dans ce monde, le collectif
Jeudi n'est qu'un fait divers parmi d'autres.
Certains passages sont très cinématographiques, parfois sanglants. On est immergé dans l'action. Cependant, le rythme est souvent perturbé par le manifeste d'Elena, même si les réflexions qu'elle y développe sont plutôt stimulantes.
Il y a un constant décalage des registres, la fréquente dose d'absurde d'un collectif révolutionnaire qui ne se prend pas tant que ça au sérieux.
On retrouve ce cynisme surtout dans la première partie, narrée par Alex. Il a rejoint ce collectif par hasard et nous le présente avec un regard original, parfois blasé, semblant souvent se moquer du collectif.
J'ai eu plus de mal à m'identifier à Valencia, personnage plus fantasque et dont le fil de pensée, dans la seconde partie du roman, est souvent difficile à suivre. Mon intérêt pour l'intrigue a diminué, et que j'ai parfois décroché. Il y a cependant dans cette partie des éclairs de lucidité que j'ai appréciés :
«C'est que nous n'avons jamais su quel monde il s'agissait de détruire, encore moins maintenant de conquérir»
C'est une chose de vouloir faire la révolution, c'en est une autre de savoir pourquoi et comment. C'est là que le bât blesse pour moi avec ce roman. Si l'auteur exploite des thèmes très actuels comme l'écologie, la précarité étudiante, la jeunesse désabusée… il part peut-être un peu trop loin. La frontière entre absurde, parodique et sérieux est souvent floue. L'autre collectif parait encore plus absurde, rendant le conflit sanglant au coeur de l'histoire difficile à croire.
En conclusion, c'est une lecture en demi-teinte pour moi. Mais, comme c'est un premier roman, je serais curieuse de découvrir les prochaines oeuvres d'
Eden Levin.