Dans "Chassez les papillons noirs", publié en 2011 par les éditions le Manuscrit et la Fondation pour la mémoire de la Shoah, Sarah Montard raconte l'histoire de sa vie depuis sa naissance à Danzig en 1928 jusqu'à aujourd'hui. Ses parents, Marjem et Moyshé Lichtsztejn, issus tous les deux de familles juives orthodoxes, se sont rencontrés dans la petite bourgade de Maloryta, située aujourd'hui en Biélorussie, où son grand-père paternel exerçait la fonction de rabbin. Arrivés à Paris en 1930 avec leur petite fille dans les bras, ils militent tous les deux dans des mouvements anarchistes. le couple survit au quotidien grâce au travail de sa mère, couturière, tandis que son père écrit des poèmes et des articles en yiddish qu'il parvient parfois à faire publier. Arrêté dans la rue en juillet 1941, il est interné au camp de Pithiviers, dans le Loiret, d'où il parvient à s'évader quelques semaines plus tard. Sarah et sa mère sont arrêtées le matin du 16 juillet 1942 et conduites au Vélodrome d'Hiver, d'où elles réussissent à s'enfuir en fin de journée. Arrêtées une seconde fois, sur dénonciation, le 24 mai 1944, elles sont emmenées au camp de Drancy et déportées à Auschwitz six jours plus tard dans le convoi n° 75. Sélectionnées pour le travail à l'arrivée au camp, elles survivent toutes les deux jusqu'à l'évacuation du complexe d'Auschwitz, à l'approche de l'Armée rouge en janvier 1945, et sont transférées au camp de Bergen-Belsen où l'armée britannique les libère le 15 avril. Sarah et sa mère rentrent à Paris le 24 mai 1945, un an exactement après leur arrestation. Elle reprend tant bien que mal ses études et rencontre un beau jeune homme, Philippe Montard, dont les parents, fervents catholiques, ont appartenu à l'Action Française. Sarah écrit que lorsque leurs mères se sont rencontrées, elles ont pleuré toutes les deux : la sienne parce qu'elle épousait un "goy", et celle de son fiancé par qu'il épousait une juive. Comprenne qui pourra.
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16 juillet 1942
Ma mère, réveillée en sursaut, s'écrit:
-Qu'est-ce que c'est ?
-Police, ouvrez !
Elle ouvre la porte. Deux individus entrent :l'un, un inspecteur en civil portant chapeau mou et imperméable - en plein juillet - comme dans les films policiers américains d'avant guerre, l'autre, en uniforme, que l'on appelait à l'époque sergent de ville ou gardien de la paix.
- Vous êtes bien madame Lichtszejn ?Interroge l'inspecteur en écorchant notre nom.
-Oui dit ma mère.
- Et la petite jeune fille ?
-C'est ma fille .
-Tiens elle n'est pas inscrite sur ma liste !
Et il m'ajoute sur la liste.
Ma mère le supplie : Pourquoi l'avez vous ajoutée ? Laissez-la partir ; ce n'est qu'une enfant ! Elle s'est presque mise à genoux devant lui ; j'avais honte. Mais il ne s'est pas laissé fléchir. Madame, a- t- il dit, si vous faites du scandale, j'appelle police secours!
J'étais complètement terrorisée ; j'avais dans ma tête l'image du panier à salade grillagé dans lequel on transportait les voleurs et les criminels.
Nous n'avons plus rien dit , Ma mère à préparé une valise en mettant quelques vêtements chauds et nos objets les plus précieux, comme on le lui enjoignait. Nous n'étions pas riches du tout et ça m'a émue de la voir placer dans la valise deux couverts en argent que sa mère lui avait donnés lorsque nous avions quitté la Pologne.