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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Rentrée littéraire 2021 #12


En 1986, après une décennie exilé aux Etats-Unis après avoir fui sans laisser de trace, Tomás revient à Buenos Aires au chevet d'une amie de ses parents, la mère de son grand amour Isabel, une des 60.000 disparus victimes de la dictature militaire née du coup d'état militaire du général Videla en 1976. S'en suit une méditation complexe, denses et intime sur l'amour, la culpabilité et ces décisions qui nous hantent à tout jamais.

Le titre, porteur d'uneformidable métaphore, traduit de façon poétique l'histoire trouble de l'Argentine et permet à Daniel Loedel d'explorer la sombre histoire de l'Argentine en racontant d'une autre façon, comme un exorcisme, la « guerre sale » et les centres de détention clandestin notamment l'Automotores Orletti où ont été torturés les opposants avant d'être assassinés.

Tomás va visiter deux versions parallèles de Buenos Aires : la version réelle et la version infernale. Dans la première, il est un revenant dans un pays qu 'il ne connait plus, et qui fraichement sorti de la dictature, entend enquêter sur les crimes du régime passé ; dans la seconde, l'enfer est tangible et il erre dans un labyrinthe cauchemardesque peuplé des fantômes de son passé. Tel Virgile guidant Dante dans le Purgatoire, le spectre de son mentor, le Colonel, le conduit dans l'Hadès dont l'entrée se situe dans le cimetière de Recoleta. Tel Orphée, il remonte le Styx à la recherche de son Eurydice, Isabel, qu'il n'a pas pu sauver en 1976. Mais là où Orphée ne doit surtout pas se retourner, Tomás ne fait que cela, se retourner sur son passé en se confrontant à ses pires souvenirs, ceux qu'il a voulu oublier, ceux qu'il aurait aimer réécrire : il se les prend en pleine face.

Ce qui rend cette quête d'expiation et de rédemption singulière et saisissante, c'est justement cette fluidité à osciller entre réel et spectral avec une porosité frémissante, accentuée par l'ambiguïté des personnages principaux. de Tomás, on ne sait que penser, on ne sait s'il est fiable dans l'évocation de certains souvenirs, mais il est poignant, cet anti-héros ordinaire qui n'a pas été prêt à se battre pour un monde juste mais dévotement prêt à tout pour plaire à Isabel. Elle, qui embrasse avec fougue la résistance des Montoneros et leur guérilla, a tout de la courageuse passionaria mais manipule Tomás jusqu'à lui faire perdre sa boussole morale. le Colonel a tout du salaud soutenant un régime de tortionnaires mais il aime profondément Tomás et se présente sous un jour érudit et libre-penseur.

Pour écrire son premier roman, Daniel Loedel s'est inspiré de l'histoire de sa soeur, Isabel, qui comme son double de fiction, a combattu la dictature militaire et a disparu, enlevée et torturée, un tabou dont la famille ne voudra jamais parler. En mêlant la grande Histoire et l'intime, en explorant les notions de trahison / culpabilité, amour / mort, péché / rédemption, il porte un regard sans faille sur la fragilité humaine, il questionne en profondeur le lecteur, avec acuité et sensibilité.
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Un roman pas simple de part son sujet, de part sa structure éclatée, parsemée d'allers et venues entre un présent troublé et un déchirant passé. Rien de plus compréhensible, car c'est dans le tête du protagoniste, Tomás Orilla, que l'auteur nous invite...Un protagoniste titubant, déambulant dans une longue marche hallucinée, confronté à ses angoisses, ses fantômes, sa culpabilité, ses amours et ses trahisons.
Dans son intimité, nous sommes conviés. Dans son besoin de faire le deuil, de trouver la rédemption, « de remettre au fond de leurs tombes des fantômes obstinés ».
Alors oui rien n'est simple.
Dans sa tête, tant de souvenirs qui suintent, une pagaille de pensées, d'images de souffrances, de peines, de violences perverses, de traumatismes, de mots qui questionnent, déstabilisent, de phrases lancinantes, d'anecdotes incroyables, de fragments de douceurs aussi, se percutent, se télescopent, inondent ses pensées, entravent le chemin vers la sérénité.
Comment trouver la paix intérieure après ça ?
Ça. C'est. Un coup d'état. 1976. Argentine.
Des illuminés, des pervers au pouvoir.
Un monde qui bascule dans le chaos.
Des vies sont prises, et les fantômes hantent les esprits des rescapés, des exilés, souvent.
Quel livre, me suis-je dit en tournant la dernière la page.
Quelle histoire ! Qui nous laisse le coeur à vif. Qui égratigne.
Quelle maîtrise ! Une lecture pourtant déstabilisante, qui mériterait peut-être une seconde lecture.
Des pages que l'on feuillette, auxquelles on s'accroche plutôt. Loin de la balade poétique bucolique, on marche dans les pas de ceux qu'un régime "militairement" autoritaire, arbitraire et totalitaire a incommensurablement fait souffrir, « soutenu par les Etats-Unis, qui avait kidnappé et assassiné à sa guise des dizaines de milliers de gens, au prétexte d'endiguer le communisme ». A contraint au pire.
Ce chemin n'est toutefois dénué ni de poésie, ni d'élégance, bien au contraire. Mais de la veine de cette poésie qui bouscule, questionne et crée l'inconfort.
Quand des illuminés, des pervers prennent le pouvoir, c'est un monde qui s'écroule. Ce sont des idéalistes qui payent de leurs vies. Et c'est un lecteur bien en peine avec tout ça.
Elle n'est pas simple cette lecture. Empreinte d'humanité, d'amours, de sacrifices, de bris et de fureurs.
Un livre à lire. Témoignage d'une douloureuse histoire familiale.
Un auteur que je vais suivre indubitablement.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Un roman entre réalité et monde de l'au delà. Mais les cauchemars font plus partie de la la vie réelle du narrateur que de celle où il rencontre ses morts.
On revient en Argentine avec Tomas, le personnage principal, 10 ans après qu'il ait quitté son pays suite à la dictature de 1976, et des actes qu'il a lui même commis et qui le hantent encore.
Et la question est souvent la même dans de tel cas : qu'aurions nous fais, et comment vivre avec la culpabilité après. Encore plus si l'on pense qu'on a agit par amour et pour la bonne cause.
Comme souvent dans la littérature sud Américaine, il y a une part de mystique et il faut accepter ce postulat pour apprécier ce livre intelligent, instructif et parfois dérangeant.
Merci à Masse critique pour m'avoir fait découvrir ce premier roman.
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Tomás Orillo, étudiant en médecine fraichement débarqué de sa province dans l'agitée Buenos Aires, parvient à quitter l'Argentine au beau milieu du coup d'état militaire de 1976. Dix ans plus tard, il est marié à Claire, américaine, vit et travaille aux États-Unis en tant que traducteur, le tout en répondant au nom de Thomas Shore.
Mais la transition avec sa nouvelle vie n'est pas totalement actée : Thomas est comme vide, il n'a pas de vie sociale et se contente de vagues références aux exactions de la répression militaire pour expliquer à Claire son absence et ses cauchemars. Il lui faudra avoir au bout du fil Pichuca, la mère d'Isabel, qui agonise dans un hôpital buenos-airien, pour qu'il retourne finalement au pays. Sur place, la perception est comme brouillée, les souvenirs affluent, et les signes étranges adressés à Tomás se multiplient ; la frontière entre le passé et le présent s'atténue et Tomás étant vide, ce n'est pas dans sa tête mais bien dans la ville qu'il croise ses premiers fantômes.
Le spectre du vieux Colonel, son mentor, lui révèle que Tomás est peut-être en mesure de réviser son passé mais aussi celui de son premier amour, il lui suffit de passer la frontière, et de remonter le fil. Il lui faudra revivre tous les événements qui l'ont conduit à quitter l'Argentine.
Ce premier roman est une remontée du Styx, une réécriture du mythe d'Orphée à la recherche d'Isabel, au milieu des autres Desaparecidos d'Argentine. Dense, la narration n'en est pas moins entêtante, et la traduction rend une plume très agréable.
Coup de coeur de la rentrée littéraire 2021
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Dès le début, j'ai su… j'avais un petit coup de coeur entre mains.

Dès le début, Tomas a happé ma lecture et j'ai cheminé à ses côtés lors de ce retour en Argentine…

En 1976, Tomas est étudiant en médecine, un brin dilettante, débarqué de sa province pour vivre à Buenos Aires… il est amoureux d'Isabel, qui l'aime bien, un peu comme un pote (elle l'assimile à un cousin sympa) quand la dictature se met en place et que les arrestations, tortures, disparitions pullulent…

Quand on découvre Tomas, nous sommes en 1986, il vit aux USA, est marié à Claire, est un traducteur répondant au nom de Thomas Shore… un jour, il reçoit l'appel téléphonique de la mère, agonisante d'Isabel, et retourne au pays… son mariage se délitant, il n'y a plus trop rien qui le retient…

Là, son passé lui saute à la gorge… les fantômes, son mentor « le colonel », Isabel la rebelle, son grand amour, son premier amour…

Tel un héros, Tomas part à la recherche d'Isabel qui fait partie des disparus… pourtant Tomas n'est pas tout à faire blanc comme neige… il a joué le jeu, par amour, pour avoir des informations, dans certains endroits sordides…

L'auteur, qui se base sur une histoire personnelle, construit son roman mélangeant les souvenirs réels, l'auto-discours de Tomas avec ses démons, ses cauchemars, sa descente aux enfers…

Il y croise l'ange rédempteur, les fantômes d'un passé sanglant, la trahison, l'amour, les choix d'une vie, la culpabilité, l'oubli, l'impossibilité d'oubli… la douleur… le tout montrant la plaie béante d'une nation, de ses habitants, et la complexité de la population…

Un roman fort, qui happe, qui plonge dans les méandres de l'Histoire et des enfers sur Terre.
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1986, Tomas Shore revient en Argentine dix ans après avoir fui la dictature instaurée par un coup d'état militaire. A l'époque il s'appelait Tomas Orilla.

Ce livre c'est celui d'une descente aux enfers (Hadès) dans une dictature qui a emprisonné, torturé, et fait disparaître des milliers de personnes. Tomas revient au chevet de la mère d'Isabel, celle qu'il a aimé et qui a disparu, parmi tant d'autres. Des histoires de fantômes, de tourments, de sévices remontent à la surface. le passé et le présent se confondent, les souvenirs se mêlent aux questions restées en suspens dix ans auparavant, les démons refont surface et nous tentons comme Tomas de trouver le chemin de la sortie de ces enfers.

Chemin tortueux, dans lequel j'ai parfois eu du mal à me repérer, mais qui a malgré tout accroché mon attention et surtout mon intérêt. Livre historique qui retrace l'histoire contemporaine d'un pays qui bascule dans une dictature en montrant les choix d'une génération à défendre les libertés ou au contraire à les combattre. Tomas était au milieu de tout cela, au coeur de cette machine à torturer pour mieux renseigner celle (et ceux) qui combattaient cette dictature, au risque d'y perdre sa santé et la raison, un sacrifice en somme.

Ce livre fut certainement pour l'auteur une façon d'exorciser sa propre histoire familiale (sa soeur Isabel disparut dans les geôles de cette dictature) et c'est en cela qu'il a une force incroyable.
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