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EAN : 9782253106784
416 pages
Le Livre de Poche (15/02/2023)
3.5/5   32 notes
Résumé :
Tomas Orilla a fui Buenos Aires aux heures les plus sombres du coup d'état militaire de Videla en 1976. Depuis, il s'appelle Thomas Shore et vit à New York.
Mais après dix ans d'absence, le passé le somme de rentrer, le convoquant au chevet de Pichuca, la mère d'Isabel Aroztegui, son premier et seul amour, disparue elle aussi. Tel Orphée, ce voyage à l'envers emporte Tomas dans une odyssée souterraine, où l'attendent tapis ses démons intimes et les ombres de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Rentrée littéraire 2021 #12


En 1986, après une décennie exilé aux Etats-Unis après avoir fui sans laisser de trace, Tomás revient à Buenos Aires au chevet d'une amie de ses parents, la mère de son grand amour Isabel, une des 60.000 disparus victimes de la dictature militaire née du coup d'état militaire du général Videla en 1976. S'en suit une méditation complexe, denses et intime sur l'amour, la culpabilité et ces décisions qui nous hantent à tout jamais.

Le titre, porteur d'uneformidable métaphore, traduit de façon poétique l'histoire trouble de l'Argentine et permet à Daniel Loedel d'explorer la sombre histoire de l'Argentine en racontant d'une autre façon, comme un exorcisme, la « guerre sale » et les centres de détention clandestin notamment l'Automotores Orletti où ont été torturés les opposants avant d'être assassinés.

Tomás va visiter deux versions parallèles de Buenos Aires : la version réelle et la version infernale. Dans la première, il est un revenant dans un pays qu 'il ne connait plus, et qui fraichement sorti de la dictature, entend enquêter sur les crimes du régime passé ; dans la seconde, l'enfer est tangible et il erre dans un labyrinthe cauchemardesque peuplé des fantômes de son passé. Tel Virgile guidant Dante dans le Purgatoire, le spectre de son mentor, le Colonel, le conduit dans l'Hadès dont l'entrée se situe dans le cimetière de Recoleta. Tel Orphée, il remonte le Styx à la recherche de son Eurydice, Isabel, qu'il n'a pas pu sauver en 1976. Mais là où Orphée ne doit surtout pas se retourner, Tomás ne fait que cela, se retourner sur son passé en se confrontant à ses pires souvenirs, ceux qu'il a voulu oublier, ceux qu'il aurait aimer réécrire : il se les prend en pleine face.

Ce qui rend cette quête d'expiation et de rédemption singulière et saisissante, c'est justement cette fluidité à osciller entre réel et spectral avec une porosité frémissante, accentuée par l'ambiguïté des personnages principaux. de Tomás, on ne sait que penser, on ne sait s'il est fiable dans l'évocation de certains souvenirs, mais il est poignant, cet anti-héros ordinaire qui n'a pas été prêt à se battre pour un monde juste mais dévotement prêt à tout pour plaire à Isabel. Elle, qui embrasse avec fougue la résistance des Montoneros et leur guérilla, a tout de la courageuse passionaria mais manipule Tomás jusqu'à lui faire perdre sa boussole morale. le Colonel a tout du salaud soutenant un régime de tortionnaires mais il aime profondément Tomás et se présente sous un jour érudit et libre-penseur.

Pour écrire son premier roman, Daniel Loedel s'est inspiré de l'histoire de sa soeur, Isabel, qui comme son double de fiction, a combattu la dictature militaire et a disparu, enlevée et torturée, un tabou dont la famille ne voudra jamais parler. En mêlant la grande Histoire et l'intime, en explorant les notions de trahison / culpabilité, amour / mort, péché / rédemption, il porte un regard sans faille sur la fragilité humaine, il questionne en profondeur le lecteur, avec acuité et sensibilité.
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Un roman pas simple de part son sujet, de part sa structure éclatée, parsemée d'allers et venues entre un présent troublé et un déchirant passé. Rien de plus compréhensible, car c'est dans le tête du protagoniste, Tomás Orilla, que l'auteur nous invite...Un protagoniste titubant, déambulant dans une longue marche hallucinée, confronté à ses angoisses, ses fantômes, sa culpabilité, ses amours et ses trahisons.
Dans son intimité, nous sommes conviés. Dans son besoin de faire le deuil, de trouver la rédemption, « de remettre au fond de leurs tombes des fantômes obstinés ».
Alors oui rien n'est simple.
Dans sa tête, tant de souvenirs qui suintent, une pagaille de pensées, d'images de souffrances, de peines, de violences perverses, de traumatismes, de mots qui questionnent, déstabilisent, de phrases lancinantes, d'anecdotes incroyables, de fragments de douceurs aussi, se percutent, se télescopent, inondent ses pensées, entravent le chemin vers la sérénité.
Comment trouver la paix intérieure après ça ?
Ça. C'est. Un coup d'état. 1976. Argentine.
Des illuminés, des pervers au pouvoir.
Un monde qui bascule dans le chaos.
Des vies sont prises, et les fantômes hantent les esprits des rescapés, des exilés, souvent.
Quel livre, me suis-je dit en tournant la dernière la page.
Quelle histoire ! Qui nous laisse le coeur à vif. Qui égratigne.
Quelle maîtrise ! Une lecture pourtant déstabilisante, qui mériterait peut-être une seconde lecture.
Des pages que l'on feuillette, auxquelles on s'accroche plutôt. Loin de la balade poétique bucolique, on marche dans les pas de ceux qu'un régime "militairement" autoritaire, arbitraire et totalitaire a incommensurablement fait souffrir, « soutenu par les Etats-Unis, qui avait kidnappé et assassiné à sa guise des dizaines de milliers de gens, au prétexte d'endiguer le communisme ». A contraint au pire.
Ce chemin n'est toutefois dénué ni de poésie, ni d'élégance, bien au contraire. Mais de la veine de cette poésie qui bouscule, questionne et crée l'inconfort.
Quand des illuminés, des pervers prennent le pouvoir, c'est un monde qui s'écroule. Ce sont des idéalistes qui payent de leurs vies. Et c'est un lecteur bien en peine avec tout ça.
Elle n'est pas simple cette lecture. Empreinte d'humanité, d'amours, de sacrifices, de bris et de fureurs.
Un livre à lire. Témoignage d'une douloureuse histoire familiale.
Un auteur que je vais suivre indubitablement.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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En 1976 les militaires putschistes prennent le pouvoir en Argentine et s'en suivent arrestations arbitraires, tortures, disparitions et exécutions sommaires pour faire taire toute protestation contre leur politique. le roman est centré sur la vie pendant cette période.
En effet, 10 ans après avoir fui ce régime le narrateur, Tomas, revient pour être au côté de la mère de son amour de jeunesse qui vit ses derniers instants. Il arrivera trop tard.
Mais ce retour dans son pays natal va être pour lui l'occasion d'une descente aux enfers (Hadès en Argentine), une confrontation avec ses démons par des allers-retours entre présent et passé.
On découvre que Tomas était un enfant doué aux échecs qu'un autre joueur adulte a pris sous son aile. Ce mentor est colonel dans l'armée. Tomas est aussi amoureux de la fille d'une amie d'enfance de sa mère : Isabel.
Adulte, cette dernière va s'impliquer progressivement dans une lutte contre le pouvoir répressif et parce qu'il est amoureux et qu'il souhaite rester à ses côtés, Tomas accepte de se faire embaucher dans un centre de torture afin d'en tirer des renseignements pour elle. Comme il est étudiant en médecine, il est chargé de ranimer les prisonniers pour que la torture puisse reprendre.
Même si il n'est pas directement impliqué au départ, ses choix vont l'amener à devoir fuir le pays avec l'aide de son mentor.
Dans un contexte de répression ce qui n'est qu'un amour de jeunesse va tourner en tragédie.
Un coup de coeur pour ce livre au thème certes peu engageant mais qui devient prenant grâce à l'usage d'une part de fantastique (les fantômes du passé qui le hantent), d'un style soigneusement travaillé, d'empathie pour ses personnages et une certaine honnêteté pour quelqu'un qui aborde un sujet qui le touche (L'auteur s'est inspirée de l'histoire vrai d'Isabelle, sa demi-soeur qu'il n'a pas connu et qui a disparu en 1978 en Argentine, un fantôme de son enfance). A lire.
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DON'T CRYING FOR ME ARGENTINA

▶️ 1986, New-York ; Tomás Shore, qui vit aux États-Unis depuis 10 ans est amené à rentrer en Argentine, à Buenos-Aires, appelé au chevet de la mère de son grand amour de jeunesse, Isabel. Revenir à Buenos-Aires réveille en lui des souvenirs douloureux...
▶️ 1976 ; Tomás est alors étudiant en médecine à Buenos-Aires quand survient le coup d'Etat militaire ; Isabel, dont il est très amoureux et qui le considère comme un ami d'enfance, un gentil cousin, très politisée et révoltée contre la junte militaire, s'engage dans la rébellion et la guérilla...
▶️ Tomás, à la demande d'Isabel et par amour pour elle, va infiltrer un groupuscule militaire qui capture des opposants au régime, les torture pour les faire parler sur les réseaux auxquels ils appartiennent et les jète morts-vivants d'un avion dans le Rio de la Plata... Tomás, chargé de «soigner» les détenus entre deux séances de torture, renseigne Isabel sur ce qui se passe au centre de détention...
▶️ Un sujet dur et rarement traité, celui de la dictature en Argentine de 76, soutenue par les USA et des atrocités commises alors par la junte militaire...
▶️...mais un dispositif narratif complexe qui nuit au récit en le rendant confus ; aux souvenirs bien réels de Tomás sur cette année 1976 se superpose le discours intérieur cauchemardesque auquel il se livre - une descente aux enfers comme un cheminement personnel rédempteur où sont convoqués les fantômes de cette époque mortifère, ceux qu'il a connu, côtoyé, aimé, pour certains, ceux qu'il a trahi aussi, dans une vaine tentative de réécrire le passé, d'y échapper...
▶️ Un roman grave et une réflexion profonde sur les choix de jeunesse, la trahison, la culpabilité, l'impossible oubli et la rédemption enfin.... un récit fort et douloureux qui questionne sur les choix personnels qui déterminent une vie, quand l'intime rejoint alors les déchirements d'une nation...

▶️ Merci à Babelio et aux Editions de la Croisée qui m'ont offert ce roman dans le cadre du programme «masse critique »
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Seize ans après avoir fui pour New-York la dictature argentine de 1976, Tomas, le narrateur retourne sur place et doit affronter son passé.
L'auteur adopte une narration non linéaire. Nous ferons donc des allers-retours entre les différentes vies du narrateur, jeune étudiant argentin, subissant la dictature militaire, fréquentant les milieux de la résistance, tombant amoureux d'Isabel impliquée dans le combat et acceptant, par amour, d'être infiltré dans un centre de tortures afin de renseigner la résistance. Une fois en place il devra accepter de se salir les mains. Puis viendra le temps de l'exil et une nouvelle vie, tourmentée par ses fantômes.
Un livre tragique.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Alors que février s'acheminait doucement vers mars, les tremblements de peur devinrent plus durs à contrôler. On voyait de plus en plus de drapeaux argentins ostensiblement agités sur les écrans de télévision et on entendait de plus en plus de discours prononcés par des amiraux et des généraux au sujet de la guerre pour la liberté et la démocratie, les mêmes termes, exactement, que ceux brandis par leurs opposants. On voyait de plus en plus de soldats dans les rues, de plus en plus de barrages de police. [...] On lisait des gros titres en une des quotidiens nationaux, évoquant des fusillades au cours desquelles seuls des « terroristes » étaient tués, et aucun soldat ni officier blessé. [...] La seule chose que vous n'entendiez jamais, c'étaient les détonations. Elles avaient beau monopoliser les conversations, la mort, la violence et la guerre se déroulaient hors champ. Mais les forces qui en étaient responsables n'en semblaient pas moins puissantes. Bien au contraire : cette invisibilité les parait d'une aura magique encore plus grande, tel un sorcier frappant à distance, implacable. Si j'ai sursauté quand le Colonel m'a donné son revolver, c'est sans doute moins à cause de l'arme elle-même que du fait que contre une force aussi invisible, cela faisait l'effet d'un bouclier chétif au point d'en être dérisoire.
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Autre pensée tournant en boucle : ces choses que je savais. Elles continuaient de fusionner avec les choses que je ne savais pas et d'en épouser la forme. Les faits éprouvés s'effilochaient, les hypothèses me concernant ne s'ancraient plus dans rien, et voguaient librement. Étais-je une bonne personne ? Me souciais-je seulement de la morale ? Que pouvait donc bien changer une seule personne, son amour ou sa mort ? Rien de tout cela ne compte. Rien de tout cela ne vaut la peine qu'on s'y accroche.
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Je ne voyais les yeux des prisonniers que lorsqu'ils étaient morts ou sur le point de mourir : c'était le seul moment où l'on avait le droit de leur retirer leur bandeau, car alors, il n'y a avait plus de risque à cela. Mais cela voulait dire qu'il n'y avait plus grand-chose d'humain là-dedans ; quelle vie ces yeux auraient-ils pu révéler, en saisissant un aperçu du monde juste avant d'être poussés dans la camionnette de transfert ?
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Il sourit tristement avant de s'éloigner. Je mentirais si je disais que tout cela ne m'inspirait aucune culpabilité. En cet instant, alors même que je pensais combien cela devait être difficile pour les Argentins qui n'avaient pas quitté le pays, et qui devaient vaquer à leurs occupations quotidiennes en sachant qu'ils pouvaient tomber sur leurs tortionnaires dans n'importe quel coin de rue, ou en se demandant, parce qu'on leur avait mis un bandeau sur les yeux à ce moment là, si l'homme qui les regardait bizarrement dans le bus ne les avait pas violés -même en cet instant, donc, je me sentais coupable, comme si j'étais en train de m'enfuir à nouveau.
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Les gens disent que les militaires vont détruire ce pays. Mais la destruction, c'est le progrès, Tomasito. C'est le seul moyen de mesurer le progrès, d'ailleurs. Scientifiquement, je veux dire. Mon père - un chimiste, ne l'oublie pas, et un bien meilleur joueur d'échecs que toi ou moi - m'a dit un jour que la seule indication du fait que le temps est une direction, du passé vers l'avenir, c'est l'entropie. Et qu'est-ce que l'entropie, Tomás ? Un désordre. Une destruction de l'ordre. La direction dans laquelle elle s'étend est la direction dans laquelle le temps progresse. Donc, quand quelque chose se casse, qu'un pays vole en éclats - c'est cela, le temps. »
« Je ne savais trop quoi faire de ça. Quoi en penser, je veux dire : que vous arrivait-il si vous commenciez à voir l'humanité dans les monstres ? Qu'arrivait-il à votre humanité ? A votre propre monstruosité ?
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Vidéo de Daniel Loedel
Editions La Croisée." Hadès, Argentine"
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