Citations sur Michael, chien de cirque (42)
Il est une chose également, que l'on ne saurait nier, c'est que Michaël était capable d'aimer, avec le même dévouement intégral, le même coeur et la même abnégation folle que n'importe quel être humain. Et, s'il savait aimer ainsi, ce n'était pas tant parce qu'il était Michaël que, tout simplement, parce qu'il était un chien.
La seule surprise, pour un noir, eût été qu'un homme blanc eût accompli un acte qui ne le surprît pas.
C'est quand l'impossible se réalise que la vie vaut la peine d'être vécue.
- Vous voyez, tout est une question de parole, et Killeny peut pas parler. Y'a des pensées dans sa tête; on les voit briller dans ses beaux yeux bruns, mais i' peut pas m' les traduire. Tenez, quèqu'fois j'le vois qui essaye si fort de m'parler qu'on dirait qu'i va éclater. Y'a un grand trou entre lui et moi, et l'langage est à peu près l'seul pont, et i' peut pas franchir le trou, bien qu'il ait toutes sortes d'idées et d'sentiments, tout comme moi.
-J'vous donne ma parole, affirma Kwaque, qu' j'avais rien fait pour rendre ce porc malade...
-Et moi, répliqua Dag, j'donnerais la mienne que c'est toi qui lui a gâté le sang. T'es plus laid qu'un diable et, rien qu'à t'regarder, n'importe qui tournerait de l' œil. Tiens, moi qui te parle je m'sens pas bien.
Il n'y avait, à la base de ce brillant divertissement, qu'un ensemble de cruautés et de tortures telles qu'après les avoir connues aucun homme digne de ce nom ne saurait plus regarder avec calme une bête savante.
Partout j'ai pu constater que l'homme dépassait la mesure raisonnable en méchanceté et en barbarie.
J'ai vu des hommes et des femmes frappés à coups de poings et de gourdin, et j'ai vu des enfants noirs lacérés à coups de fouet dont les lanières faites de peau de rhinocéros, s'enlaçaient sur leurs torses nus avec une telle force que chaque coup, sur toute sa longueur, emportait avec lui une bande de chair. Eh bien ! rien ne m'a jamais autant indigné et dégoûté que ces bêtes sans défense qui, devant un public amusé et battant des mains, exécutent les malheureux tours que leur a enseignés la torture.
Et n'importe quel chien aurait jugé que le dieu derrière cette voix ne savait pas aimer, qu'il n'avait rien que l'on pût aimer, rien qui réchauffât le coeur, rien qui méritât d'être adoré.
Il prenait le malheur et la misère comme ils venaient, et ne se les expliquait pas plus qu'il ne s'expliquait la chute de la malle sur sa patte. Ces choses-là arrivaient. C'était la vie, et la vie comportait beaucoup d’événements néfastes. Le pourquoi des choses ne pénétraient pas son esprit. Il connaissait les choses seules, et une petite parcelle du comment des choses. Ce qui était était. L'eau mouillait, le feu brûlait, le fer était dur, la viande bonne à manger. Il acceptait ces choses comme il acceptait l'éternel miracle alterné de l'obscurité et de la lumière, qui à ses yeux n'étaient pas plus miraculeux que son poil qui piquait, son coeur qui battait ou son cerveau qui pensait.
L'homme avait deux visages et deux comportements. Les êtres de pure race n'avaient jamais qu'un seul visage, un seul comportement. Un être de pure race, si emporté fût-il, était toujours sincère. Mais ce type de second ordre ne savait pas ce qu'était la sincérité; il était l'insincérité même. Un être de pure race connaissait la passion, car il avait le sang chaud. Mais ce moins-que-rien ignorait la passion. Son sang était aussi froid que sa détermination, et tout ce qu'il faisait était délibéré. Toutes ces choses, Michaël ne le pensait pas. Il en avait conscience, tout bonnement; c'est ainsi que chaque créature prend conscience d'elle-même en aimant ou en n'aimant pas.
Il se prit à réfléchir - si l'on peut dénommer ainsi ce qui se passe chez un oiseau dont le cerveau, de façon mystérieuse, absorbe une impression nouvelle suscitée par le milieu ambiant, et qui se prépare soit à agir, soit à ne pas agir, selon la manière dont l'impression nouvelle modifie son comportement. Les humains ne font rien de plus, et il s'en trouve parmi eux pour appeler cela "libre arbitre."