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Il est aisé de qualifier Pierre Loti d'orientaliste, de trouver dans les critiques parfois dures que le marin français a pour les coutumes japonaises un mépris, une condescendance. Ce serait pourtant mal le connaître que de le réduire à un amour de l'exotisme qui confinerait au racisme.

Le marin (car le récit est quasi-autobiographique) arrive en terre nippone avec beaucoup de préjugés, certes, mais des préjugés favorables, forgés déjà en occident, puis en Chine ; et surtout, il arrive avec une certaine ouverture d'esprit, ou du moins, une volonté de se laisser captiver, séduire non par son Japon rêvé, mais par le vrai Japon.

Quand le pays lui déplaît réellement, c'est d'abord parce qu'il ne s'appartient plus - du moins du point de vue d'un voyageur, étranger au pays dans toutes les acceptions du terme. La Nagasaki industrieuse, concessionnaire, moderne et ouverte au monde n'est certes pas une expression parfaite de ce qu'est l'esprit de la nation japonaise, et se retrouve bien mieux dans une compréhension fade et nivelante de la modernité.

L'histoire de la rencontre de Pierre Loti avec le Japon et avec Nagasaki est aussi l'histoire de sa rencontre avec Madame Chrysanthème, cette Japonaise d'abord fantasmée, puis crainte, puis rêvée femme. C'est en marin qu'il aborde Nagasaki, et on pourrait arguer que c'est en marin qu'il aborde Madame Chrysanthème. On ne sait trop si la déception qui pointe ça et là est due à ses fantasmes premiers, dont il attend pourtant qu'ils s'effacent bientôt devant la réalité, ou bien au contraire s'il s'interdit de voir en elle sinon son épouse, du moins sa femme. Un marin devrait-il être comblé par un pays, par un mariage arrangé, alors que l'un comme l'autre ne sont jamais pour lui qu'une étape ?

Mais au-delà de la romance que beaucoup attendent - c'est aussi que le titre est trompeur, et des nombreux préjugés ironiquement désavoués qu'a le lecteur en prenant en main ce grand classique, ce n'est ni une oeuvre légère, ni un Lafcadio Hearn qu'il faut s'attendre à lire. Il faut, avec l'ouverture d'esprit que l'on reproche au Français de ne pas avoir assez, se laisser conquérir par Pierre Loti, comme lui voudrait se laisser conquérir par son étape.

"A ce moment, j'ai une impression de Japon assez charmante"

C'est avec cet état d'esprit seulement que l'on peut apprécier sa valeur, ni en orientaliste, ni en Japonais, - ni surtout en romantique ! -, mais en tant que grand écrivain du Japon.
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J'avais hâte de lire "Madame Chrysanthème" car certaines sources le prétendent à l'origine de l'opéra de Puccini "Madame Butterfly".
C'est plus le carnet de bord d'un marin qu'un roman, Carnet de bord relativement bien écrit et détaillé pour un carnet de bord ! ;-)
La lecture est fluide et aisée et permet de découvrir bien des coutumes ignorées par moi petite occidentale du fin fonds de la Meuse :-))
Lecture agréable sans romantisme et sans passion mais bien instructive .
Je crois que je vais tenter un autre Pierre Loti.
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N°1711– Janvier 2023

Madame ChrysanthèmePierre Loti – Éditions Calman-Lévy.

Comme beaucoup d'autres romans de Pierre Loti," Madame Chrysanthème" est lié à une affectation militaire de l'écrivain voyageur. En 1885, il part pour l'extrême-Orient et en juillet il séjourne à Nagasaky. En novembre 1887 son roman est publié aux éditions du Figaro (il le sera en 1893 chez Calman-Lévy). Comme certains précédents il est dédié à une femme, ici à Mme la duchesse de Richelieu comme « Pêcheur d'Islande » l'a été à Mme Adam  et« Le mariage de Loti » à Mme Sarah Bernardt. Comme souvent, même si ici l'amour n'est pas vraiment au rendez-vous, il est lié à un épisode amoureux comme ce fut le cas dans les deux romans mentionnés ci-dessus, même si les aventures féminines n'ont pas toujours été heureuses pour lui.
Dès son arrivée au Japon, en juillet 1885, Loti épouse par contrat d'un mois renouvelable une jeune japonaise de 18 ans(lui en a 35 ans), Okané-San, baptisée "Madame Chrysanthème". Il quittera Nagasaki en août de la même année. Ce "mariage" temporaire qui correspondait à une sorte de coutume assez courante au Japon mais évidemment coûteuse pour l'étranger de passage, était enregistré par la police, se concluait avec un intermédiaire avec l'accord des parents, généralement pauvres, de la jeune fille, ce qui peut paraître assez inattendu et correspond à une forme de prostitution honorable mais n'empêchera pas Okané-San d'épouser plus tard un Japonais. Il forme ensemble un couple bizarre, elle résignée mais pleine d'attentions pour lui et lui qui semble s'ennuyer dans cette relation « pour rire » qu'il vit par convenance ou opportunité pour mieux s'intégrer à ce pays. Il s'ennuie tellement qu'il évoque son enfance avec nostalgie, fait déjà une sorte de bilan de sa vie en songeant à la mort. Marin, Loti illustrait un peu l'expression facile: "une femme dans chaque port", même si la passion qu'il a décrite lors des romans « exotiques » précédents n'existe pas ici. Il considère cette jeune fille comme « décorative » et regarde la femme japonaises comme « un mystérieux petit bibelot d'étagère ». Je n'ai pas ressenti la fièvre romantique qui fut celle de Loti pour aziyadé notamment. le marin qu'il est vit cette période d'escale comme une expérience folklorique, une sorte d'antidote à un potentiel ennui , une relation convenue, présentée comme platonique. Il joue même ce jeu en faisant semblant de s'intégrer à cette nouvelle « famille » que lui confère son pseudo mariage avec cette jeune fille, au départ fantasmée dans l'esprit de Loti comme l'était sans doute ces contrées lointaines, mais cela ne devient rapidement pour lui qu'une étape dans sa vie d'écrivain voyageur. Ses adieux seront moins déchirants que lors de ses précédentes escales. Une vraie attirance existe, cependant pleine de retenue, entre la jeune fille et un matelot, Yves, que Loti appelle son frère et qui le suit partout. Loti quant à lui, se mariera officiellement en France le 20 octobre 1886 avec Blanche Franc de Ferrière, un mariage arrangé avec une protestante bordelaise de 27 ans, fille d'un important viticulteur. Leur union fut conventionnelle et n'entrava ni la carrière ni les frasques de l'écrivain.
Le voyageur attentif qu'il est porte sur le pays qui l'entoure et dont il connaît la langue, le regard d'un ethnologue et d'un érudit, note les différences qui existent entre sa visions des choses et la perception déformée qu'on peut en avoir dans les salons parisiens. Ce pays qui s'ouvrait au monde après des siècles d'autarcie, était pour un occidental une vraie découverte et Loti s'en montre curieux, se transformant en spectateur fidèle des paysages qu'il décrits merveilleusement autant qu'en témoin des us et coutumes, du mode de vie des habitants, du décor domestique qui l'entoure, des croyances religieuses. Comme c'est souvent le cas dans nombre de ses romans, Loti, le protestant, accorde beaucoup d'importance à Dieu ou aux dieux vénérés localement et aux rituels religieux des pays où il séjourne. Il est cependant difficile de ne pas y voir un soupçon de complexe de supériorité de sa part et même d'une certaine condescendance, voire de moquerie, à l'image de cette relation forcément temporaire qu'il abandonnera sans regret.
Loti fera reviendra au Japon et complétera sa démarche littéraire par « Japonaiseries d'automne »(1889) et « La troisième jeunesse de Mme Prune »(1905) complétant ainsi sa vision ethnographique du pays .
Sur la forme, il n'est plus question du récit d'un officier de la marine anglaise comme dans "aziyadé" ou "Le mariage de Loti" qui étaient rédigés sous la forme d'un journal entrecoupé de correspondances. Il s'agit bien ici d'un récit, parfois daté, mais exempt de missives. D'autres oeuvres, comme "Pêcheur d'Islande", seront présentées comme des romans classiques. Loti se met lui-même en scène, jusqu'au solipsisme, en une oeuvre autobiographique. Il le dit lui-même dans sa présentation à la duchesse de Richelieu « Bien que le rôle le plus long soit en apparence à madame Chrysanthème, il est bien certain que les trois principaux personnages sont Moi, le Japon et l'Effet que ce pays m'a produit ».

Comme toujours, le texte est magnifique. Ce roman connut un immense succès et contribua à la renommée de son auteur pourtant controversé mais qui sera, après une première tentative malheureuse, élu en avril 1892, à l'Académie française dont il sera le plus jeune membre. le roman sera même adapté au théâtre sous la forme d'un opéra.
Pour autant cet écrivain est actuellement injustement oublié. Sa maison de Rochefort est à nouveau ouverte au public après des années de restauration et cela peut-être l'occasion le redécouvrir cet homme complexe, contesté mais talentueux qui servit si bien notre belle langue française.
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L'histoire, largement autobiographique, est bien connue: en 1885, lors d'une escale à Nagasaki, un jeune officier de la marine française épouse une jeune Japonaise, Madame Chrysanthème. Cette pratique du mariage temporaire - arrangé par des entremetteurs - était alors courante. Pour P. Loti, l'écriture de ce roman est l'occasion de donner ses impressions sur ce pays qui venait juste de s'ouvrir aux étrangers, après des siècles de fermeture. Avec une apparence de spontanéité, il évoque tout ce qu'il a vu: les paysages, les gens, les habitudes de vie, les coutumes, etc... Mais, quand son navire doit repartir, le marin quitte le Japon avec l'esprit léger, son mariage éphémère devenant aussitôt caduc.

J'ai lu deux fois ce livre. Lors de ma première lecture, la description par un témoin oculaire du pays et de sa culture au XIXème siècle (donc avant que l'influence occidentale ne commence à y jouer un rôle) m'avait captivé. Pour un Français arrivant sans préjugés dans le lointain Japon, tout était alors nouveau, surprenant, exotique au plus haut point. Le roman nous fait assister à ce choc des cultures. L'écrivain nous fait part de la beauté des paysages, de l'étonnant mode de vie des habitants, de la dureté de la vie quotidienne, qu'il a observés à Nagasaki, Même si le héros se présente comme un dandy insouciant et non comme un reporter sérieux, son témoignage m'avait paru inestimable.

Plus tard, quand j'ai lu ce livre une seconde fois, mon opinion a été beaucoup moins favorable. D'abord, P. Loti reste à la surface des choses vues, il ne cherche pas à approfondir et à s'interroger, il n'hésite pas à donner successivement des avis contradictoires sur des sujets importants - comme si tout ça n'avait pas vraiment d'importance. Ensuite, l'ouverture d'esprit du jeune héros et sa curiosité me semblent très limitées; sa critique de la société japonaise, virulente sous des apparences de légèreté, semble être le reflet de son abusif "complexe de supériorité" d'Occidental. Son mépris pour Mme Chrysanthème, poupée qu'on utilise puis qu'on renvoie sans regrets, n'est pas plaisant.
Je suis resté donc sur ma faim, frustré par le manque de sérieux (assumé volontairement) et par l'irresponsabilité de P. Loti face à un "sujet en or".
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En lisant trois oeuvres de Pierre Loti de façon rapprochée, toutes inspirées de près ou de loin de ses propres voyages, je dégage plusieurs constantes dans son écriture. D'abord, "une femme dans chaque port" pour le marin ou le voyageur, dans un contexte de domination masculine sur les femmes, de domination économique de l'Européen sur les peuples colonisés, et, de "race" - le mot apparaît - dans la mesure où ce que cherche le personnage, c'est une femme "exotique", Jean se met en ménage avec Fatou la Sénégalaise dans le Roman d'un spahi, le Narrateur de Madame Chrysanthème "épouse" une jeune Japonaise. Ces "mariages", des union contractualisées de quelques mois ou années étaient d'ailleurs encouragées par l'administration coloniale, pour "satisfaire" les besoins des fonctionnaires ou militaires, mais sans qu'ils se tournent vers la prostitution et ses maladies vénériennes. Les enfants éventuels n'étaient pas reconnus et n'avaient aucun droit. Il n'y a que dans le récit de voyage Vers Ispahan que le Narrateur n'a pas de liaison avec une femme : en partie parce qu'il voyage et donc ne se fixe pas quelque part, et, surtout, parce que les femmes sont inaccessibles. Il utilise une expression récurrente : "les fantômes noirs" pour parler des femmes voilées rendues invisibles dans l'espace public.
Ce processus de domination raciste intériorisé se voit aussi dans la description des femmes : Fatou est décrite constamment comme "une guenon au masque simiesque", tandis que Chrysanthème est une "petite poupée jaune". Il y a donc un fantasme des femmes colonisées assez dérangeant à lire. Et ce, d'autant plus, que ces femmes sont très jeunes... Fatou était à peine nubile lorsque Jean commence sa relation avec elle. Chrysanthème, elle, est présentée comme un petit peu plus âgée que ses compagnes à 18 ans - ce qui n'empêche pas le Narrateur de regarder avec concupiscence la jeune servante de 12 ans... Oui, c'est de la pédophilie, et c'est encore plus dérangeant à lire.
Cependant, ce qui permet de trouver des beautés dans les textes de Loti, c'est son écriture poétique. Dans le Roman d'un spahi, Jean était finalement plus amoureux du désert africain, décrit dans de très beaux passages, que de sa compagne. Dans Vers Ispahan, il y a de véritables paragraphes qui sont de la poésie en prose, lorsque Loti décrit certaines étapes de la route de la soie, des montagnes, des ciels, des jardins de rose.
Or, je n'ai pas retrouvé cette beauté dans Madame Chrysanthème, surtout parce que le Narrateur ne l'éprouve pas lui-même. En effet, dans Vers Ispahan, tout était grand - les montagnes, les mosquées, jusqu'aux ruines des palais persans. Ici, tout est "petit". L'adjectif semble apparaître à chaque page, ce que l'auteur reconnaît d'ailleurs dans son texte, en s'en excusant presque. Les femmes et les hommes sont petits en taille, les maisons minuscules, même les repas sont petits - d'ailleurs, on ne mange pas, on fait "la dînette"... Et tout est gris - couleur de mélancolie - dans ce Japon, qui est loin de correspondre aux fantasmes du Narrateur avant de partir : le temps, les robes des femmes... Même les sentiments : il n'y aura pas d'amour, pas de sentiment, pas d'adultère non plus - et donc, finalement, pas de roman.
Là où le Japon propose au Narrateur quelque chose de "mignard" - il n'emploie pas le mot "mignon" qui serait trop fort, il reste un cran en-dessous - Istanboul reste la ville de ses rêves, celle qu'il a aimée et où il a aimé... Sans l'amour de l'écrivain pour le lieu, il n'y a pas de poésie dans ses textes, et donc moins de plaisir de lecture pour moi, les horreurs datées ne peuvent plus être compensées par la beauté formelle.
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Voilà ce qu'on peut lire sur wikipédia :
"Paru un an après "Pêcheur d'Islande", en 1888, ce roman connaît un immense succès et contribue à la renommée de Pierre Loti. Il participe à l'intérêt porté en France pour l'extrême-orient et le Japon en particulier malgré la description mitigée qu'en fait Loti."
Je trouve très vrai ce descriptif. Pierre Loti semble déçu dès ses premiers pas au Japon qu'il trouve terne et ennuyeux. Il n'aime pas les gens (les trouvent laids), n'aime pas la petitesse de tout ce qu'il voit et emploie souvent les mêmes termes comme pour les entériner chez le lecteur : les masques hideux qui rient devant les devantures, défilé des laideurs, mièvrerie, paysage mousseux et verdâtre, plaisanterie... Malgré tout ces termes négatifs, et les préjugés d'un marin Français du temps de la colonisation, Pierre Loti fait un descriptif du Japon pour le reste assez factuel. On arrive très bien à discerner ses sentiments (négatifs) de ses descriptifs dénuées d'émotions. Et c'est là le surprenant.
J'ai aimé son style d'écriture qui laisse le lecteur à loisir d'aimer ou non ses descriptifs. Ça laisse aux lecteurs une envie de découverte.
J'ai vraiment apprécié cette lecture d'un Japon qui date de 1885. On se rend compte que beaucoup de traditions, beaucoup de descriptifs se trouvent encore dans les romans actuels. C'est certainement ce qui donne l'envie de découverte de ce pays : un mélange de modernité et de tradition qui perdurent et qui donne à ce vieux roman une impression de contemporanéité quant au descriptif des paysages, des maisons, pagodes et fêtes traditionnelles.
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Mme Chrysanthème ou l'histoire d'un rendez-vous raté...Pierre Loti arrive au Japon alors qu'il est tout ébloui par la grandeur chinoise!

De là un déluge de déceptions face à une civilisation qui vient de s'ouvrir à l'Occident et qui cultive la subtilité. Tout tourne au comique et la jeune femme que se paie le marin français ne touchera pas son coeur comme l'ont fait les Turques ou Tahitiennes...

Le Japon n'est pas un pays pour Pierre et il le lui rend bien. Reste des esquisses d'un Japon de l'ère Meiji qui sort de ses traditions et qui se perd dans les coutumes occidentales.

Une nouvelle aventure du marin mélancolique qui ne trouve pas le rêve dans cette Cipango moderne.
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Après une description somptueuse comme seul Loti sait les conter
de l'arrivée par bateau au Japon, on n'entend plus que critiques et moqueries. Comme si l'auteur voyageur avait lui même été piqué dans son honneur par la dureté ancestrale de ce peuple. Puis, au fur et à mesure du récit, on sent le narrateur commencer à s'acclimater jusqu'à ce qu'il nous dise tout son amour pour ce grand pays si différent.


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(* N'ouvrez pas ce roman si vous êtes allergique au racisme caractéristique des français (anglais etc) de la IIde moitié du XIXè siècle: vous seriez presque tout le temps en colère...)

L'officier de marine Pierre Loti est un militaire curieux, organisé, très pragmatique. Quand c'est possible il potasse des guides de conversation avant d'arriver dans un pays, et il arrive avec les bonnes adresses communiquées pas d'autres marins passés avant lui.
Ce "roman" est une sorte de journal de son voyage au Japon, en été 1885.
Il a décidé avant l'escale technique de sa corvette cuirassée pour 5 semaines à Nagasaki qu'il tuerait le temps auprès d'une "épouse" japonaise.
Ces "mariages" avec de très jeunes filles fonctionnaient comme un contrat de location: bail de 1 mois renouvelable éventuellement.
(Il semble que cette pratique était réservée aux gradés: c'était tout de même assez cher.)
Aucune histoire d'amour avec "Madame Chrysanthème", sa poupée décorative ne l'intéresse pas en réalité. Et le Japon: il n'aime pas.
L'adjectif le plus employé dans ce bouquin c'est "petit" (Pour un français complexé semble-t-il par sa petite taille c'est assez comique).
Loti décrit assez scrupuleusement sa découverte de Nagasaki, et son ennui dans cette ville, la corvée de traîner une cohorte de "mousmées" à chaque sortie, la météo, bref, un récit de voyage à usage de souvenirs à partager avec des lecteurs (un "blog" quoi).
Personnellement j'ai toujours assez apprécié l'écriture de Loti, et la distance historique ajoute un intérêt supplémentaire à ses récits de voyages.

PS. Mon grand-père et mon grand oncle avaient passé 2 ans en mer du Japon vers 1930, j'ai toujours connu ces petits objets exotiques ramenés par ces marins. ( les tasses sont toutes cassées mais il me reste quelques pièces des services à thé et autres "japoneries".) Bizarrement, alors que je lis Loti depuis la fin de l'adolescence, je ne m'étais jamais demandé avant ma relecture actuelle si la mode des petites épouses de location existait encore de leur temps, lol.
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Le narrateur annonce à son « frère » Yves, avec qui le lecteur a fait connaissance lors d'un précédent roman, « Mon frère Yves », qu'il va se marier. Mais ce qui suscite des doutes chez le lecteur, voire des moqueries de la part de Yves, c'est qu'il (le narrateur) ne connaît pas encore sa femme. Il va la choisir au japon, à Nagasaki, où il se trouve, ainsi que Yves, en tant que marin.

Il rencontre un entremetteur, Mr Kangourou (les gens portent des noms de fleurs ou d'animaux), qui lui propose un certain nombre de jeunes femmes à marier, moyennant une certaine somme d'argent mensuelle. Aucune ne lui plaît, mais il demande à Mr Kangourou si la chose serait possible avec une jolie personne, qui se trouve à l'écart, et qui n'était pas censée faire partie du choix.

Les choses s'arrangent ainsi, et nous voila partis pour le récit d'une idylle sur commande, dont on devine qu'elle ne durera pas, comme nous le confirmera très vite le narrateur.

Le roman est moins une intrigue, qu'un tableau de moeurs, une fresque. Les us et coutumes dans ce pays exotique, sont décrits tour à tour comme méprisables, ridicules, ou admirables, selon l'humeur, et leur description ne manque pas de pittoresque et d'humour.

Il reste tout de même une certaine condescendance de la part de l'auteur, pour cette société, ou, dit-il, tout est superficiel, pas sérieux, « pour rire », et tout est « petit », autant au sens propre que figuré.

Les descriptions des soirées dans la basse ville, et des retours à la lanternes à la maison en papier, dans les hauteurs de Nagasaki, sont très belles.

A plusieurs reprises, le narrateur nous fait part de son inquiétude au sujet de la tournure que pourrait prendre la trop grande proximité entre Chrysanthème et Yves. Quelque chose de « facheux » pourrait arriver.

Afin d'en avoir le coeur net, le narrateur finit par dire à Yves, au cours d'une de ces sorties à la fraîcheur du soir, mais, cette fois-là, en l'absence de Chrysanthème :

tu sais, si cette femme te plais, … ce n'est pas vraiment ma femme…

Et la réponse de Yves est sublime :

mais justement si ! C'est que… c'est votre femme !

En peu de mots (« nous parlons peu, nous nous comprenons à demi-mots »), il lui donne tout à la fois :

la confirmation de ses soupçons,
mais l'assurance qu'il n'en abusera pas.

On comprendra, en lisant « Mon frère Yves », pourquoi il vouvoie le narrateur, alors que ce dernier le tutoie, et qu'ils s'appellent tous les deux « mon frère ».
Lien : https://perso.cm63.fr/node/325
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