J'ai lu hier soir l'album de Luz et voulant en dire quelques mots ce matin, je découvre un défilé de billets datant de 2015...
Autant dire que "réagir" huit ans après le massacre de Charlie, c'est s'inscrire dans une démarche émotionnellement décalée.
Lorsque le 7 janvier de cette année funeste ma fille m'a téléphoné pour me dire qu'il venait d'y avoir un attentat terroriste dans la rue et dans les locaux de l'hebdomadaire satirique, j'ai été saisi d'une terrible appréhension.
Lorsque j'ai su, j'étais broyé par la tristesse.
Comme beaucoup, j'adorais ces irrévérencieux bons vivants, représentants d'une tradition de libres-penseurs au verbe émancipé, au coup de crayon génial et irréductible.
Face à ce commentaire "tardif" et aux très nombreuses réactions suscitées en temps réel par ces évènements et par l'album de Luz paru en mai de la même année, je vais pour une fois être très bref et m'en tenir à l'essentiel de l'essentiel.
J'ai donc lu hier -
Catharsis -, mot qui dans le domaine de la psychologie signifie : "thérapie utilisant l'extériorisation des traumatismes vécus."
C'est ce qu'a fait Luz dans cette oeuvre qu'il refuse de qualifier de BD :
" Ce livre n'est pas un témoignage, encore moins un ouvrage de bande dessinée, mais l'histoire de retrouvailles entre deux amis qui ont failli un jour ne plus se croiser."
Le 7 janvier est le jour de l'anniversaire de Luz. Il a rendez-vous dans les locaux de Charlie pour la conférence de rédaction. Il traîne et est en retard.
Ce retard va lui sauver la vie.
En arrivant dans la rue
Nicolas-Appert il croise les frères Kouachi qui viennent de tuer ses collègues et amis. Eux ne le reconnaissent pas. Il monte dans les locaux et se trouve face au carnage laissé derrière eux par les assassins.
C'est à partir de là que le mot
catharsis prend tout son sens.
Lorsqu'il va reprendre ses "crayons", ce sera pour tenter "d'exorciser" cette boule au ventre ( qu'il appelle Ginette ), ses démons traumatiques qui le hantent.
Il va alors hurler, pleurer, cogner sur ces maux qui l'obsèdent... mettre des mots et des images sur "ses cauchemars, ses crises d'insomnies sévères, de paranoïa ou de nerfs, ses scènes d'amour exutoires avec sa compagne et, surtout, les doutes sur sa capacité à continuer le dessin..."
Certaines de ses planches m'ont mouillé les yeux comme " un rêve ", " Ginette ", " rouge à lèvres ", "idées noires ", " Nancy et Lee ( j'ai chialé )", " faut que je te raconte ( là, Kleenex )", " pause clope " " où va-t-il chercher tout ça ?", " le petit marmiton ( intense..)", " intempérie ", " to you ( grosse émotion )".... Et puis il y a " Roswell "... peut-être la plus forte sur le plan de la réflexion.
C'est en rouge et noir. le noir exprimant le quotidien endeuillé et la mort incarnée par les terroristes islamistes. le rouge est naturellement l'expression du sang, celui versé et celui dont on se souvient qu'il a été versé.
C'est à vif. C'est poignant. Ça prend aux tripes.
Il ne faut pas passer à côté de cette oeuvre !