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Critiques filtrées sur 5 étoiles  


Après Lianke Yan, Yu Hua - deux magnifiques rencontres effectuées récemment, je poursuis ma découverte des grands noms de la littérature chinoise contemporaine. 

Écrivain dissident, censuré et interdit de séjour dans son pays, Ma  Jian signe avec Beijing coma (paru en 2008) un roman singulier, puissant, engagé, aussi ambitieux qu'abouti, ayant pour point d'ancrage - sans pour autant s'y réduire, les événements dramatiques qui ont mis fin au Printemps de Pékin. 

Ses quelques neuf cent pages ainsi que la teneur des propos relatés frôlant parfois l'insoutenable, en font une lecture à la fois exigeante et éprouvante mais ô combien enrichissante. C'est un ouvrage "coup de poing" propre à éveiller les consciences nous exhortant, à ne jamais oublier. 

*

"Tu brûles de sortir de ton cocon. Ta bouche est une porte dont la serrure n'a pas de clé."

Grièvement blessé par balle, Dai Wei est plongé dans le coma depuis le 4 juin 1989. Il gît sur son lit, prisonnier d'un corps qui ne répond plus. Il ne peut bouger, toucher ni même voir mais entend, comprend, sans toutefois pouvoir interagir, dépourvu de tout moyen de communication. Alors que l'on s'affaire à son chevet placé sous haute surveillance, lui tente de se remémorer le déroulement des faits avant cette fin tragique, possiblement irrémédiable.

"Que m'est-il arrivé? Je nous vois, Tian Yi et moi, courir  main dans la main pour sauver nos vies. (...) Des tanks roulent vers nous. Il y a des incendies partout, et des hurlements…Et maintenant?"

La narration oscille perpétuellement entre deux temporalités - le présent et le passé. Elle s'écoule en un flot ininterrompu (aucun chapitre), incontrôlable, méandreux, charriant images, souvenirs et sensations dont il est vain d'espérer se détacher.

"Tandis que tu dérives inconsciemment vers la mort, tu tentes d'attraper les bribes de sentiments qui flottent, espérant en trouver un qui soit de quelque façon lié à toi."

*

La trajectoire de vie de notre protagoniste se dévoile par fragments, épars et disparates. Son enfance, tout d'abord, aux côtés d'une mère communiste fervente et d'un père étiqueté droitiste qui a passé plus de vingt ans au sein de camps de rééducation. L'opprobre jeté sur sa famille. Les premiers émois sexuels et amoureux mais également la découverte (à ses dépens) des égarements du système judiciaire.

"La scène que tu viens de te rappeler sombre dans l'obscurité et est remplacée par une autre."

Ensuite, son adolescence - marquée par l'entrée à l'université et l'expérience fondatrice de la camaraderie. L'éveil de sa conscience politique, les idéaux poursuivis ainsi que son engagement auprès des voix contestataires.

"Nous étions une génération à l'esprit vide. Nous avions soif de savoir. Maintenant que la Chine s'était ouverte à l'Ouest, nous dévorions la moindre information qui nous parvenait. le pays venait d'émerger de la catastrophe de la Révolution culturelle, nous brûlions de le rebâtir. Nous étions exaltés à l'idée de cette mission qui nous attendait."

La majeure partie du récit est consacrée au mouvement de révolte estudiantine, depuis ses balbutiements jusqu'aux manifestations réprimées dans le sang de Tiananmen. Revendications, avancées - entre espoir et désillusion, organisation logistique, dissensions en interne, quotidien dans les dortoirs, grèves de la faim, sit-in, bras de fer avec le gouvernement, issue horrifiante … Nous sommes  face à une restitution  extrêmement minutieuse, précise,  ne nous épargnant aucun détail. À ce titre,  certaines longueurs sont à déplorer mais celles-ci n'auront pas affaibli mon intérêt global - reconnaissante d'avoir tant appris et sensible à ce qui m'est apparu comme un vibrant hommage rendu à cette jeunesse-courage.

"Tu te rappelles quand tu étais au centre de la Place et que le vent brûlant te soufflait au visage. La Place était comme la chambre où tu te trouves à présent : un espace chaud avec un coeur qui bat, piégé au milieu d'une ville froide."

*

Foisonnant, éclairant, terriblement marquant, Beijing Coma balaye plusieurs décennies d'Histoire de la Chine Maoïste et post-Maoïste (du Grand bond en avant au second millénaire). Il met en lumière toute la violence, les aberrations,  les contradictions d'un régime autoritaire, répressif, meurtrier, étouffant toute forme d'opposition (réelle ou supposée) et régissant voire commercialisant jusqu'à la plus stricte intimité des individus.

Qu'il s'agisse d'évoquer la réforme agraire des  années 50, la Révolution Culturelle, la politique de l'enfant unique, le Printemps de Pékin (point central) ou encore le trafic d'organes et les dessous du système médical (non exhaustif), Ma Jian le fait avec un pouvoir d'évocation imparable. 

C'est un témoignage accablant que je referme sonnée, atterrée, profondément bouleversée : j'ai pris ce pavé en plein coeur. Il y aurait tant à dire, mes mots ne sont que modeste aperçu. le mieux est que vous le lisiez. Je peux vous l'assurer, il y aura un avant et un après quoique vous en pensiez…
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Dai Wei, étudiant en biologie moléculaire à l'université de Beijing (Pékin), est immobile sur son lit. Atteint d'une balle dans la tête un beau jour de printemps 1989, non loin de la place Tian'anmen, il est dans le coma. Les années passent, sans espoir de guérison, mais la partie de son cerveau laissée intacte lui permet d'entendre et sentir tout ce qui se passe autour de lui. Il revit ainsi, presque heure par heure, les événements, tendres et dramatiques, qui ont abouti à la terrible répression mettant un point final au mouvement vers la démocratie de la Chine d'après Mao Zedong (Mao-Tsé-Toung pour les anciens). Passé et présent convergent vers une fin tragique qui voit s'écrouler tous les rêves d'une jeunesse encore imprégnée d'idéal, avant que l'argent, bien ou mal gagné, ne remplace l'honneur et la liberté. Un constat implacable, ne négligeant aucune des contradictions qui ont agité tant le camp contestataire que celui des dirigeants d'un parti qui n'a de communiste que le nom. Comment le goût du pouvoir parvient à dévoyer les idées les plus généreuses ? Cette question, essentielle à la survie de l'humanité, est au coeur de l'ouvrage. Un roman puissant, aux dernières pages quasi insoutenables, aux qualités littéraires évidentes, jamais ennuyeux et qui touche à l'universel tout en décrivant par le menu ces quelques jours qui faillirent ébranler le monde…
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Une de mes lectures préférées de ces huit dernières années, un immense coup de coeur et, à l'issue de la lecture, l'envie irrépressible de partager mon enthousiasme avec mes amis lecteurs.
Pourquoi ai-je autant apprécié cette histoire chinoise rebelle ? Peut-être parce que j'avais vingt ans en 89 comme le héros Dai WeiWei.
1989, année de la chute du communisme : chute du mur à Berlin et ouverture à l'est, pérestroïka en URSS, exécution du couple Ceausescu en Roumanie, et Tien an Men, centre de ce roman.
Le narrateur a été frappé par une balle en pleine tête dans la nuit du 4 au 5 juin 1989 et de son lit de convalescence chez sa mère, plongé dans le coma, il raconte sa jeune vie marquée par le grand bond en avant, la disgrâce de son père membre du parti déviant, ses premières amours estudiantines et son engagement auprès des camarades contestataires de la place Tien an Men. le récit de l'occupation de la place tient une place essentielle dans le roman, mais jamais l'histoire de la lutte ne nous épuise.
L'issue de la vie du jeune héros surprend, elle ne sera pas révélée par mes mots. Mais quelle histoire, quelle Histoire !
L'engouement a frappé plusieurs de mes amis ; j'ai cependant dû passer par un challenge (une fiche de lecture produite sur mon mail par le premier ami et j'offre un bon restaurant) pour compter parmi les miens des amateurs de ce grand roman contemporain, et donc des débatteurs éclairés (dont certains inattendus)
Si vous souhaitez balayer l'histoire récente de la Rébublique populaire de Chine, du grand bond en avant à la célébration des jeux olympiques de 2008, avec ce focus incontournable et magnifiquement restitué sur les événements de 1989 vous tenez en main un excellent guide.
Livre à relire ? Certainement à ma retraite avec l'espoir de retrouver le frisson de la première lecture
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Le chef d'oeuvre de Ma Jian.
L'auteur décrit jour par jour la révolution culturelle de 1989 sur la place Tianamnen lors de la répression du mouvement étudiant .
Le personnage principal ,Dai Wei, étudiant , est plongé dans un coma profond qui durera 10 ans après avoir été victime d'une balle dans la tête lors de l'affrontement avec le pouvoir communiste. Surgissent alors dans ce corps inerte les souvenirs , les réminiscences sur la politique dictatoriale , les massacres d'une société muselée et opprimée. Beijing Coma c'est le choc d'un gouvernement contre l'opposition des droitistes dissidents , le déchainement des autorités sur un peuple qui n'évoque que les notions de liberté.
Après "Chemins de Poussière rouge " Nouilles chinoises " " La route sombre " Ma Jian continue de décrypter et dénoncer l'hypocrisie et la répression d'un système. Il est la voix de la population et des minorités
A la lecture de Beijing Coma , nous sommes plongés dans l'horreur face à l'une des plus grandes dictatures qui garde à son actif des milliers de morts .
Bouleversant.
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Les émotions de lecture de Cécile
Tout d'abord, un petite mise au point, je ne suis pas une cruche des Alpes qui ne sait rien des évènements de Tiananmen, du régime chinois ou de l'actualité internationale dont je me targue d'être suffisamment avide pour ne pas passer justement pour une cruche des Alpes. Et c'est certainement à cause de l'actualité et les manifestations pro-démocratie à Hong Kong qui m'ont poussée à lire Beijing Coma. Et en 1989, je n'étais pas dans ma prime jeunesse et surtout lycéenne moi-même, j'éprouvais de l'admiration pour ces étudiants qui descendaient dans la rue pour leur liberté.
Le plus, la puissance, de Beijing Coma réside dans la force de la fiction et l'empathie pour les personnages auxquelles je crois avec force pour faire comprendre, connaître ou défendre des idées et des valeurs auxquelles on croit. Et c'est la leçon de ses 900 pages ou le destin de Dai Wei blessé et plongé dans le coma suite à la répression du 4 juin 1989. Dai Wei et son père envoyé dans des camps pour avoir serrer la main d'un représentant occidental, un père violoniste considéré comme un dangereux droitiste (capitaliste) ! Dai Wei et ses amours qui rythment ses engagements de son premier amour Lulu, à A-mei dont il espère jusqu'au bout savoir si elle a été blessée sur la Place Tiananmen ! C'est toute la violence du régime chinois qui s'insinue dans tous les coins et les recoins de la vie de Dai Wei, le contrôle, les politiques iniques du régime du contrôle des naissances, des relations intimes, de la moindre déviance des lignes qui vaut torture et mise au band ! du voisin aux agents infiltrés dans les dortoirs de l'université, dans les manifestations d'où peut venir le danger !
Le coma de Dai Wei c'est aussi l'occasion à chaque frémissement de son corps de faire des allers retours entre le passé, le présent où chacun en fuyant à l'étranger ou en se lançant avec frénésie dans l'économie de marché pratiquent une forme d'amnésie collective sur les morts, les blessés, les emprisonnés. Amnésie auquel je participe, nous participons tous au vu des produits qui pullulent dans nos foyers.
C'est magistral, rien ne nous est épargné et aucune colère, aucune frustration d'un mouvement au départ né de la volonté de plus de démocratie, de justice ou tout simplement comme Dai Wei qui voulait juste pouvoir aimer en toute liberté. J'ai tremblé pour ces personnages mais aujourd'hui je tremble pour cette jeune fille en short en jean et en tee-shirt avec ses cheveux relevés et ses lunettes entraperçue dans un reportage de Quotidien sur TMC avant que la Police Hongkongaise aveugle les caméras avec des torches ….
Ma Jian est selon Gao Xingjian, prix Nobel de la littérature « une des voix les plus courageuses et les plus importantes de la littérature chinoise actuelle ». Une voix qu'il faut écouter et se faire porte-voix !! le régime chinois a fêté ses 70 ans en grandes pompes militaires. A part sa puissance économique, rien n'a changé à part les moyens modernes mis à la disposition de militaire et de la police pour surveiller ce qu'il considère comme des dissidents …
Lien : https://collectifpolar.com/
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Dai Wei est un jeune et brillant étudiant en biologie moléculaire à la Faculté des Sciences de Beijing. Il porte la honte d'être le fils d'un droitiste. En effet, dans les années 50, son père, grand violoniste émigré aux Etats-Unis croyant naïvement aux lendemains qui chantent avec l'arrivée de Mao au pouvoir, rentra au pays pour être immédiatement enfermé au Lao-Gaï (Goulag chinois) pendant plus de vingt ans. En juin 1989, des milliers d'étudiants occupent pacifiquement la place Tienanmen, réclamant la fin de la corruption, un peu de liberté et plus de démocratie. Avec autant de sauvagerie que les fois précédentes, le pouvoir communiste réprimera cette action avec la plus extrême violence : tirs à balles explosives sur la foule, intervention des chars pour écraser les manifestants. Au milieu de ce carnage, Dai Wei reçoit une balle dans la tête qui le plonge dans un coma profond qui durera dix ans. Transformé en légume qui sent et entend tout, le malheureux étudiant se souvient.
« Beijing Coma » est un livre bouleversant qui nous raconte minutieusement non seulement la sinistre affaire de la place Tienanmen mais encore la révolution culturelle avec ses millions de morts, ses gens ébouillantés, enterrés vivants, ses prisonniers battus à mort à coup de pierres ou de bâtons, ses hommes que l'on oblige à se battre entre eux pour prouver qu'ils sont de bons maoïstes, ou qui sont si affamés qu'ils en arrivent à manger leurs excréments et même à se comporter en cannibales. Sans oublier la vente systématique des organes des condamnés à mort ou la facturation à la famille des frais d'exécution. Ce livre est le plus terrible réquisitoire jamais écrit contre le communisme chinois. Tous les faits rapportés sont accablants. Personne ne peut donner un chiffre fiable du nombre de morts et de blessés de la place de Tienanmen, pas plus que le nombre de millions de morts victimes du communisme chinois. Ma Jian a travaillé dix ans pour nous proposer ce livre majeur du niveau de ceux de Soljénistsine. Bien entendu, cela choque, dérange et est souvent pénible à supporter. C'est l'horreur à l'état maximal, le totalitarisme froid, organisé, sans aucun scrupule, sans coeur, sans âme, sans tripes. Si l'on veut être un tant soit peu averti et aller au-delà de la sino-béatitude actuelle, il faut absolument lire ce livre majeur (car les médias ne nous ont pas raconté le dixième de ce qui s'est réellement passé à l'époque... Qu'en est-il d'ailleurs aujourd'hui ? On peut douter qu'un régime aussi monstrueux se soit réformé de l'intérieur, même touché par la grâce du divin capitalisme. La sanglante répression des Tibétains vient encore de le montrer. Les tapis rouges que l'ont vient de déployer sous les pas du dernier empereur rouge sont toujours aussi rouge du sang des innocents).
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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