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Ce qui frappe dès les premières pages, ce sont la spontanéité, la drôlerie et l'énergie avec laquelle Maryam Madjidi raconte son adolescence à Drancy et ses déboires corporels liés à sa tignasse ingérable, son monosourcil « barre de shit », sa pilosité envahissante, caractéristiques héritées de ses origines iraniennes. C'est rare de voir décrit le temps flottant de l'adolescence avec autant de justesse, d'autant plus qu'il y a peu de récit qui s'empare du féminin en banlieue.

On rit beaucoup, mais derrière la cocasserie des anecdotes, émergent la profondeur et la subtilité à dire l'horreur ordinaire du déterminisme social vécu à hauteur d'enfant, notamment avec l'épisode, terrible, de la classe de neige où la jeune Maryam débarque sans avoir la tenue adéquate.

« Ils avaient un look d'enfer, prêts à défier les sommets et les pentes. Moi, j'avais l'air de quoi ? J'étais habillée comme pour aller chaque vendredi matin au collège Henri-Rouanet en cours d'EPS. Tous les élèves étaient regroupés devant le car qui devait nous mener sur les pistes. Tous me regardaient. Ils étaient sincèrement surpris et ce qui mettait un frein à la raillerie habituelle, c'était la pitié qu'ils ressentaient à me voir plantée comme ça : mes baskets Atemi à moitié enfoncées dans la neige qui me mouillait déjà les chaussettes, ma doudoune pas assez chaude pour les montagnes en altitude, mon bas de survêt' qui à la première chute serait totalement trempé. Cette simple tenue trahissait toutes les vérités que je cherchais à dissimuler. Elle me mettait à nu devant le regard de cette assemblée d'élèves et de profs. A cet instant, je n'étais plus habillée, j'étais à poil devant eux. J'ai presque eu envie de mettre les mains sur mon pubis et mes seins. C'était obscène. Plus que ma pauvreté, elle dévoilait mon ignorance. Elle montrait que non seulement j'étais pauvre mais qu'en plus je n'étais jamais allée à la neige de ma vie, que je ne savais même pas qu'il fallait une tenue spécifique. »

Maryam veut être comme les autres, elle ne veut plus de cette différence qui « dégage sa sale odeur », en permanence. Elle refuse ses origines, la culture de ses parents, sa pauvreté, sa banlieue. Elle ne rêve que de passer le périph'. Elle veut s'approprier son destin, s'ancrer dans la culture occidentale. Et pour prendre l'ascenseur social, elle fait le choix de l'école républicaine. Et c'est là que ça fait mal. L'auteure dénonce avec beaucoup d'énergie et de colère les failles du système scolaire français : dans les ZEP ( « zone à éducation pourrie » ) où se déploie une galerie effarante de professeurs dépassés ( « les guerriers vaincus » et les « guerriers fous » ) au point que je me suis posée la question de l'exagération romanesque tellement j'ai trouvé la charge violente, tout en sachant pertinemment que cela existe, malheureusement.

Et puis, il y a les pages glaçantes des trois semaines d'hypokhâgne à Fénelon, avant de capituler face à l'impossibilité de rattraper dix ans de scolarité en banlieue, sidérée de se voir éjectée du « gâteau de l'élite » alors qu'elle pensait y avoir droit au nom de l'égalité des chances et de ses excellents résultats précédents. Une rupture qui a engendré une conscientisation politique forte et un vrai déchirement identitaire pour celle qui a réussi au final à surmonter les adversités extérieures et intérieures, ses différentes identités réconciliées, apaisées, sans honte ni complexe. Oui, rien ne doit empêcher qui que ce soit de rêver à un envol en dehors de la place qui lui a été assignée à sa naissance.

Un récit authentique, clairvoyant sans superficialité, parfaitement équilibré entre colère et mélancolie, humour et gravité, qui touche et fait réfléchir.

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Après un premier récit que j'avais franchement apprécié, tant en termes de fond que de forme, je suis moins séduite, formellement parlant, par ce deuxième récit, toujours entre autobiographie et fiction, qui raconte cette fois Maryam adolescente à Drancy, alors qu'elle a bien du mal à trouver sa place dans la France de la banlieue parisienne des années 1990.

Forcément, lorsque l'on est née en Iran, et qu'il faut absolument coller aux codes physiques et culturels occidentaux, sous peine d'être mal acceptée, l'adolescence est parfois difficile. Qui plus est encore plus difficile lorsque, financièrement, l'on ne peut pas porter les vêtements dernier cri qui permettent d'obtenir un jugement positif de ses pairs, ou accéder aux établissements plus privilégiés pour connaître une première scolarité mieux considérée. Les déterminismes raciaux et sociaux fonctionnent à plein régime, plus encore lorsque Maryam tâtera de l'"élite" en accédant après le lycée à l'hypokhâgne de Fénelon - elle fera partie du quota de banlieue pouvant y accéder, et la découverte de cet entresoi sera finalement, bien plus rude encore.

Récit d'apprentissage, qui raconte la scolarité, les initiations culturelles, amoureuses, sexuelles... Pour que je m'aime encore nous conte ainsi une adolescence sans fard, mais n'oublie pas dans le même temps d'analyser ainsi à rebours la société dans laquelle cette adolescence a eu lieu, à une époque où l'on pensait toujours, candidement, qu'il existait vraiment un ascenseur social, et que l'école jouait vraiment un rôle dans l'égalité des chances. Et c'est cette approche, qui me parle forcément, puisque je côtoie tous les jours les réalités de l'Education Nationale, que j'ai trouvée vraiment intéressante et passionnante à lire - à défaut de lire quelque chose de formellement très original.
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Dans ce roman très autobiographique, Maryam nous raconte son enfance et son adolescence dans la cité de Drancy jusqu'à khâgne et hypokhâgne qu'elle a intégrés grâce aux quotas (quel vilain mot froid et cynique). Ce qui caractérise cette période de sa vie, c'est son besoin obsessionnel de s'intégrer, elle qui est d'origine iranienne, si différente physiquement et socialement.
Pour cela, elle décide de s'attaquer à sa chevelure crépue, à ses sourcils qui forment une barre et à sa pilosité conséquente. Ce combat donne lieu à des pages désopilantes et hilarantes malgré le sujet douloureux et à un échec retentissant. Elle passe ensuite à l'habillement, elle qui est vêtue comme un sac avec des pulls et des pantalons informes et de deuxième main. Là aussi, échec total.
Elle est excellente élève et sur les conseils d'un oncle, elle postule pour intégrer le prestigieux lycée Fénelon, le graal qui lui permettra de quitter la cité, d'avoir une vie de rêve ; elle est acceptée mais très vite son niveau ne lui permet plus de suivre ; elle se sent marginalisée, exclue, mal à l'aise dans un milieu qui ne l'acceptera jamais et elle abandonne.
Elle retourne vivre en cité et le livre se termine sur une phrase magnifique : « Ici, c'est chez moi. J'ai jeté mon ancre ».
Le besoin d'intégration, synonyme de liberté, à hauteur d'enfant puis d'adolescente est le fil rouge du roman. le périph' est le mur symbolique qu'il faut franchir pour y arriver. Ce n'est qu'après un long processus qui fait passer l'enfant puis l'adolescente de rêves en déceptions que le roman s'avère être finalement une ode à la cité, même si la vie n'y est pas rose tous les jours, même si la violence entre jeunes y est très présente, même si on y vit chichement mais la narratrice en connaît les codes, elle se sent faire partie d'une communauté.
La description des enseignants vus par l'adolescente donne une image assez désolante de l'éducation nationale dans les cités entre démission face à une tâche insurmontable et camp disciplinaire même si quelques-uns arrivent à capter l'attention des enfants par des pédagogies peu conventionnelles.
Je me suis sentie très proche de l'enfant dont les autres se moquent du physique et de l'habillement car même sans être d'origine étrangère, j'ai connu la cruauté des enfants face à ceux qui sont différents, qui ne sont pas à la mode. L'auteur dédramatise par un humour décapant et l'autodérision ces moments douloureux où on voudrait disparaître dans un trou de souris.
Ce livre est très positif et dégage un sentiment de plénitude à la fin car la narratrice a trouvé sa place, loin de ses rêves, sans amertume, sans ressentiment. le titre, on le comprend lorsqu'on referme le livre, est très bien choisi, inspiré d'une chanson de Céline Dion « Pour que tu m'aimes encore ». Ici l'important, c'est de s'accepter soi-même, de s'aimer soi-même, d'être en harmonie avec soi-même. Un message optimiste qui fait du bien
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Maryam a les cheveux noirs, drus et bouclés, le teint mat, des parents iraniens et vit dans une cité aux confins de Paris où la misère se traine. Elle voudrait se fondre dans la masse, adapter sa silhouette à celles des autres à la peau claire, gouter les marques et avoir les mêmes chances. Mais a-t-on vraiment les mêmes chances quand on étudie dans un collège de ZEP ? Peut-on envisager de prendre un ascenseur social par son travail et sa niaque ?
Constat amer et lucide, « Pour que je m'aime encore » dépeint la fracture des milieux et l'inégalité des chances, les moqueries, le rejet, la violence. Il montre la gageure de ces places réservées aux plus défavorisés dans les hautes écoles et les prestigieux lycées quand le socle des apprentissages reste inégal et l'argent un handicap. Il évoque l'imperméabilité des milieux et l'entre-soi infranchissable, l'affront et l'humiliation.
J'ai beaucoup aimé votre livre Marym Madjidi, vos mots échappés du silence et ces faits dont il faut s'imprégner pour entendre le malaise, le vrai, le sincère. Merci pour ce texte.

Lien : https://aufildeslivresbloget..
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J'avais beaucoup aimé Marx et la poupée; la petite fille iranienne fuyant son pays à six ans parce que ses parents sont communistes.
Ici, elle est adolescente, veut s'intégrer et réussir, elle croit en l'ascenseur social, à l'égalité des chances; elle a hâte de quitter Drancy. Au début, elle parle du combat contre son corps qui la désigne comme étrangère: cheveux crépus incoiffables (essais malheureux) moustache dès 9 ans , monosourcil comme Frida Khalo, poils partout...De plus toujours mal habillée, elle fait "pauvre". A l'école ce n'est pas mieux, on se moque de sa différence; elle fait un tableau impitoyable de ses profs "guerriers" découragés. Très bonne élève, on lui indique la Voie Royale: une prépa, une grande école, l'agrégation et chargée de cours à l'université...hélas au prestigieux Lycée Fénelon, elle est admise grâce au quota de jeunes issus de classe populaire, mais en hypokhâgne, on lui fait sentir qu'elle n'est pas à la hauteur. Humiliée, elle abandonne au bout de quelques semaines.
Elle est submergée par l'ennui(que seules la lecture puis l'écriture l'en sorte. puis elle va beaucoup voyager: Pékin, Istanbul, Inde, Cambodge...Paris pour revenir s'installer à Drancy. Elle a appris tardivement l'image de Drancy et de son camp: elle n'y fait que quelques allusions.
Le fond est émouvant, le thème d'actualité mais le style est impayable d'humour. Elle est obligée de mentir tout le temps surtout sur la profession de ses parents, sur ses capacités etc.
Elle avait écrit ou dit un jour qu'on ne lui posait jamais la question qu'elle aurait aimé; je lui ai demandé à Manosque la question qu'elle aurait aimé qu'on lui pose...elle m'a dit qu'elle aurait aimé parler de son grand-père iranien lors de ses visites en France; ce personnage est central pour elle.
Je l'ai donc interrogée sur Agha Joon (monsieur chéri en persan); ce grand-père qui avait échoué à son examen d'intégration! Je ne peux que conseiller vivement ce livre drôle et profond.
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Cette adolescente de Drancy, qui se pose en narratrice, c'est cette petite fille qui dans « Marx et la poupée », avait enfoui ses jouets dans le jardin de Téhéran avec les livres « communistes » qui obligeaient ses parents à s'exiler. Son récit, ce sont une vingtaine de séquences dont chacune pourrait être une véritable saynète ou une courte nouvelle. On découvre avec elle qu'elle est juste « différente » parce qu'elle vient d'un ailleurs, d'une autre langue, d'une autre culture, d'un autre regard sur la vie, avec un corps différents, des cheveux différents. On suit « l'ascenseur social » des politiques de la ville et de l'intégration….sur lesquelles le regard reste sans appel.
Le sel de ce livre : la lucidité sans faille, l'appétit de vivre quelles que soient les embûches, un sens de l'humour salvateur, et l'écriture de Maryam Madjidi qui sait si bien dire avec le sourire de mot drôles les choses les souffrances les plus profondes et les jugements les plus cruels.
Ici, jamais de bons ni de méchants, jamais de condamnation. On ne donne pas de leçon. On dit seulement ce qui se passe, avec un regard qui voit tout et ne tait rien. Beaucoup d'essais politiques pourraient prendre de la graine.
Encore une fois, le talent de l'artiste qui écrit, c'est de savoir voir et dire ce que nous, humbles lecteurs, nous avons juste besoin qu'on nous montre et qu'on nous dise.

Maryam Madjidi sera l'un des auteurs invités aux CORRESPONDANCES DE MANOSQUE entre le 22 et le 26 septembre 2021. Rencontre le dimanche 26 septembre à 15 heures Place des observantins.

Pour en savoir plus :
Bureau des Correspondances
Hôtel Raffin
3 bd Élémir-Bourges, 04100 Manosque.
Tél. 04 92 75 67 83.
contact@correspondances-manosque.org
www.correspondances-manosque.org
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J'aime beaucoup l'écriture de l'auteur, son style, son humour.

Est-ce une auto fiction ou une autobiographie ? Peu importe, j'ai pu me reconnaître dans cette adolescente complexée, sur la question des origines, sur l'impossibilité de l'école républicaine à assurer l'égalité et la réussite pour tous.
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L'auteur revient sur son adolescence et sa jeunesse en banlieue parisienne, à Drancy. Iranienne , elle est arrivée en France à l'âge de 6 ans mais c'est surtout au collège qu'elle prend conscience de sa différence.
En effet à l'âge de la puberté et des transformations physiques, la narratrice part en guerre contre son physique trop "méditerranéen". Elle narre avec beaucoup d'humour et d'autodérision, toutes les tentatives pour "s'européiniser".Elle s'attaque tout d'abord à sa crinière opulente et frisée qu'elle tente , sans succès de dompter. Puis vient la guerre des poils : monosourcil, duvet sur le menton ou encore "poils aux pattes", sa pilosité devient une obsession et avec beaucoup de drôlerie, elle évoque ses tentatives d'éradiquer ses poils avec l'épilation. D'autres événements la montre en décalage avec ses camarades...
Même si le ton est drôle, les métaphores efficaces, nous percevons derrière ces anecdotes cocasses, la souffrance de ceux qui se sentent différents, pas "intégrés". Son expérience après le bac d'entrer en hypokhâgne au lycée Fénelon à Paris est douloureuse, elle ressent de plein fouet sa différence avec les autres. Elle ne possède ni les codes, ni la culture nécessaire. Malgré son bagout et ses pieux mensonges, lorsque la souffrance est trop grande et ses efforts vains, elle décide de continuer ses études à l'université. Bien évidement cela ne l'a pas empêcher de réussir! J'ai beaucoup aimer cette confession sincère et drôle. Cependant derrière l'humour se cache une réalité sociale cruelle. Les transfuges de classes ne sont pas si courants et surtout, en analysant tous les témoignages que j'ai lu ou entendu, ne vont pas sans douleur et sacrifices. Il est difficile de s'intégrer quand votre origine est sans cesse rappelée!
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J'ai plutôt été déçue par ce livre, par cette écriture...
L'auteur nous raconte son adolescence comme une succession de faits, de rencontres, elle nous partage ses difficultés, ses rêves... J'ai eu cette sensation de platitude, comme un story telling où tout est dit, raconté. Il m'a manqué de l'émotion, de la profondeur... A la fin elle se livre plus dans une sincérité émotionnelle...
Personnellement je n'ai pas accrochée.
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1ère lecture de cette romancière pour moi. Un ton qui sonne vrai et franc. Un parcours souvent douloureux pour cette jeune fille puis des rêves...démolis par la réalité. Belle description des banlieues et aussi de la terrible ambiance des classes prépas. La fin est un peu soudaine et m'a laissée sur ma faim !
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