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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Deux hommes, un huis-clos, ou presque : le narrateur rencontre le lieutenant Schreiber dans son appartement dans lequel le vieil homme le reçoit régulièrement. Il lui annonce une défaite, son livre n'a pas trouvé son public et partira bientôt pilon. Pourquoi, ou presque ? Parce que, depuis cet appartement, le lieutenant Schreiber emmène le lecteur sur les champs de bataille de France, de Russie, sans oublier l'Espagne où il fut prisonnier. Pourquoi ce livre à l'intérieur du livre n'a-t-il pas rencontré le succès ?

Je serai tenter de dire de prime abord que le narrateur a raison : l'époque n'est plus au récit guerrier, au devoir de mémoire, quoi qu'on dise. le combat qu'il a mené pour faire publier le texte du lieutenant Schreiber est à cet égard exemplaire de la logique économique qui régit l'édition. L'auto-fiction, oui: tant que l'on a quelque chose de croustillant à raconter. Pas le récit lancinant d'un jeune lieutenant qui guide de sa voix deux camarades blessés vers son tank, devenu lieu de survie.

Et pourtant, le livre est absolument magnifique, grâce à cette prose justement qui tient parfois de l'incantation, avec ces noms, ces phrases répétées, pour se fixer dans la mémoire du lecteur. Livre de souvenirs, oui, mais ce ne sont pas seulement les siens que Jean-Claude Servan-Schreiber nous livre à travers la plume d'Andreï Makine, c'est le souvenir de tous ceux dont la vie s'est interrompue en combattant pour la France. Nous voyons presque le livre en train de s'écrire, non dans une posture d'écrivain complaisant, mais dans un travail sur la manière la plus juste de raconter. Dans quelle mesure doit-on « séduire » le lecteur, par des anecdotes plaisantes – qui ne sont justement que des anecdotes, non la description d'une époque, d'un personnage ? Comment être le plus juste possible quand cela n'intéresse plus personne – ou quand tout dire semble devenu impossible ? le tour de force est aussi de ne pas asséner des vérités toutes faites, ou de donner un simple constat pessimiste. Il est d'amener le lecteur à s'interroger sur ce qu'on nomme aujourd'hui le « politiquement correct » et sur une forme de censure bien-pensante.

Le pays du lieutenant Schreiber – un livre que l'on peut difficilement refermer après l'avoir commencé.
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Ce que j'ai particulièrement apprécié dans ce livre c'est que Makine ne parle pas la langue de bois. Il ne rend pas seulement hommage à une personnalité hors du commun (Jean-Claude Servan-Scheiber — mais au fait, quand est donc apparu ce deuxième nom? le livre est muet sur ce point...), il écorche au passage certaines idoles (Sartre et consorts) dont l'intellectualisme brillant a éclipsé des valeurs plus concrètes et occulté la réalité de la guerre et même nié les horreurs du stalinisme. Il fustige aussi les éditeurs qui sont soumis aux lois de la rentabilité. Il s'insurge au passage contre le "politiquement correct" et autres pensées ramollies et bien-pensances qui frisent l'hypocrisie et embourbent les débats dans un magma édulcoré d'où rien de bon ne ressort. En somme, Makine n'hésite pas à écrire, au détour d'un témoignage touchant, ce que beaucoup pensent mais n'osent pas énoncer de vive voix. Makine a écrit là un livre très personnel, bien que hors des sentiers battus de la mode de l'auto-fiction. Il s'implique personnellement nous faisant entrer dans l'intimité de sa relation avec J-C Schreiber et nous le rend si sympathique qu'on aimerait avoir le privilège de partager cette amitié respectueuse entre les deux hommes.
Tout ça me donne le goût de m'attaquer à "Cette France qu'on oublie d'aimer", point de départ de cette rencontre entre Makine et Schreiber...
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« Ce livre n'a d'autre but que d'aider la parole du lieutenant Schreiber à vaincre l'oubli. » A.Makine

À travers ce roman, c'est un double portrait que trace en réalité Andreï Makine, d'une part le portrait du lieutenant Schreiber, sa vie, son engagement et son amour pour la France mais aussi son caractère, sa façon d'être et de raconter cet engagement et cet amour. De l'autre, le portrait de cette France pour qui il a tout donné, mais qui ne le lui a pas toujours rendu : au retour de la guerre, c'est un soldat perdu qui ne reconnaît pas son pays, qui se sent exclu, de trop. Un pays qui n'entend pas, qui ne veut pas entendre le témoignage d'un soldat de cette drôle de guerre. Un pays qui ira jusqu'à ignorer cette voix qu'est celle du lieutenant Schreiber, laissant ses mémoires tomber aux oubliettes. Ce livre, c'est donc un moyen pour Makine de se racheter auprès du lieutenant Schreiber, Jean-Claude, à qui il avait si vivement suggéré de faire de son expérience un livre, le menant ainsi vers une déception, une désillusion de plus. Enfin, c'est aussi un moyen pour lui de porter le témoignage de Schreiber sur le devant de la scène, de « l'aider à vaincre l'oubli », de permettre à un personnage, un Homme qu'il admire d'accéder à la postérité, afin que les générations futures sachent ce qu'a été la vie d'un soldat français juif dans les années 40.

Et ce témoignage, Andreï Makine le porte avec son style, son écriture. Plusieurs fois primé, notamment par le Prix Goncourt pour le Testament français, Makine est dans ce roman encore, fidèle à lui même : une écriture classique qui sait toujours trouver le bon mot, la bonne tournure pour énoncer à la fois la beauté et la complexité du personnage, de la situation. On appréciera également ce jeu sur les répétitions qui permettent à la fois d'ancrer la mémoire du lieutenant Schreiber dans notre esprit, mais aussi de voir de nos yeux ce nonagénaire nous conter et reconter ses histoires, comme un grand-père le ferait avec ses petits-enfants. Enfin, l'écriture à la première personne nous permet d'embrasser à la fois le regard extérieur, critique et objectif de Makine ainsi que le jugement rétrospectif du principal intéressé. Une analyse double qui permet d'entrevoir le problème en long et en large et de pousser soi-même plus loin sa propre réflexion... et qui donne envie de lire ces mémoires dont personne n'a voulu !



Le livre est à conseiller, car court et savamment écrit, il n'en est pas moins dense et la réflexion qu'il fait naître se prolonge bien au-delà de la lecture...
Lien : http://liliavernalia.canalbl..
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Le Pays du Lieutenant Schreiber/Andréi Makine
C'est à la suite de la publication en 2006 de son livre « Cette France qu'on oublie d'aimer » qu'Andréi Makine reçoit un courrier de J.C. Servan-Schreiber qui désire le rencontrer pour lui parler de sa guerre à lui, de son engagement comme officier, de son renvoi avec la Légion d'honneur en 1941 parce qu'il est Juif.
JCSS entrera à la suite dans la Résistance.
Et Makine va l'encourager à écrire son histoire…
Mais, de nos jours, les éditeurs ne sont pas franchement intéressés par la publication de mémoires de guerre.
C'est au cours de 2010 qu'Andréi Makine annonce à Jean Claude Serva-Schreiber âgé de 92 ans que ses souvenirs de la Seconde Guerre Mondiale n'ont pas connu le succès escompté.
À la suite de cet échec Makine pose des questions en évoquant un certain nombre de faits d'armes qu'a connu le lieutenant Schreiber. Mais pas seulement…
C'est un livre fort et touchant, très bien écrit, dans lequel le système en prend pour son grade.
La « littérature » française contemporaine est aussi la cible de Makine, « une littérature légère, jetable, de divertissement par des auteurs qui prostituent leur plume et encombrent les librairies…avec en prime la crétinisation des masses par les séries télévisées et les livres qui imitent ces séries…Un ignoble égout qui impose aux milliards d'humains décérébrés ce qu'ils doivent penser, , aimer, convoiter, ce qu'ils doivent apprécier ou condamner. le seul but de cette entreprise de crétinisation est le profit. »
Et d'ajouter :
« Un pays rendu invisible derrière les frétillantes idoles d'un jour, clowns de la politicaillerie scénarisée. »
Makine , dans un autre domaine, se livre à une mise en pièces de l'existentialisme, vouant aux gémonies Sartre, Camus, Simone de Beauvoir et compagnie qui festoyaient pendant que Scheiber et ses compagnons allaient au casse-pipe :
« En 1955, presque aveugle, à la santé ravagée, Chalamov quittait le goulag pendant que Sartre succombant aux charmes du régime soviétique, déclarait que la liberté de penser, en URSS, ne connaissait aucune entrave ! »
Chacun penserace qu'il veut de ces règlements de compte. Dans l'ensemble je suis assez d'accord, notamment avec le jugement porté sur la « littérature » de masse, les meilleures ventes d'aujourd'hui.
Makine revient aussi sur les devoirs de celui qui choisit de vivre dans un autre pays que celui de sa naissance :
« Il faut tout simplement aimer le pays qui vous a donné l'hospitalité et pour cela il n'est pas inutile de se débarrasser de quelques oripeaux confessionnels et coutumiers. »
Un livre en bref que j'ai bien aimé, même si je n'ai pas retrouvé le registre habituel de Andréi Makine. Mais son style est toujours aussi plaisant et parfait.
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Lu dans le cadre d'un partenariat avec Livraddict et les éditions Points ce qui m'a attiré en premier dans ce livre est le nom de l'auteur, en effet j'avais pu découvrir sa plume avec le roman Une femme aimée que j'avais beaucoup apprécié, ensuite le titre m'a interpellé: le pays du lieutenant Schreiber annonçait pour moi une histoire, un témoignage sur la guerre; et contrairement à ce qui est rapporté dans ce "roman" (ce n'en est pas vraiment un) les femme aussi s'intéresse au roman et témoignage sur la guerre en particulier la seconde guerre mondiale.
Suite à la publication du livre Cette France qu'on oublie d'aimer, Andreï Makine reçoit un courrier de Jean-Claude Servan-Schreiber l'invitant à lui rendre visite. Cette visite est des plus intéressante et l'auteur invite cet homme de 92 ans à écrire ses mémoires, son histoire et sa guerre, ses souvenirs douloureux autant pendant qu'après le conflit. Survivre aux balles et se reconstruire dans un pays qui a continuer à développer ses idées pendant que des jeunes comme lui risquer de rencontrer la mort chaque jour. Dans cet essai on retrouve tous les sentiments qui animent un officier voulant se battre pour sa patrie, cette patrie qui n'hésite pas à le renvoyer de l'armée parce qu'il est juif, qu'à cela ne tienne il combattra alors dans la résistance.
Ce qui est magnifique dans ce roman/essai est la volonté d'un vieil homme de livrer ses souvenirs alors même qu'il pense que cela n'intéresse plus personne mais il confie tout de même son coeur à l'auteur alors vient le problème de l'éditeur, nombre d'entre eux refusent de publier les mémoires d'un énième soldat français, la guerre on a assez vu. Finalement le livre sort mais peu de lecteurs se disputent les confessions de Jean-Claude.

L'auteur nous parle des rendez-vous chez Jean-Claude, relate les différentes étapes amenant à la publication du manuscrit, son sentiment de devoir à tout prix rendre compte de la vie de cet homme exceptionnel et "accuser" les grands penseurs français bien à l'abri et festoyant pendant que d'autres tentent de survivre et attendant la fin de la guerre pour s'ériger en grand moraliste; cette partie m'a fait sauter au plafond parce que c'est juste terrible et injuste. Mais ce livre rend aussi hommage à d'autres soldats et officiers morts pour la France. Une petite journée de lecture pour le roman d'une vie qui fut bien remplie.

Le point négatif de ce livre sont les nombreuses répétitions qui plombent le récit, l'auteur semble essayer de boucher des trous par les mêmes anecdotes.
Lien : http://stemilou.over-blog.co..
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