Le Pays du Lieutenant Schreiber/
Andréi Makine
C'est à la suite de la publication en 2006 de son livre «
Cette France qu'on oublie d'aimer » qu'
Andréi Makine reçoit un courrier de J.C. Servan-Schreiber qui désire le rencontrer pour lui parler de sa guerre à lui, de son engagement comme officier, de son renvoi avec la Légion d'honneur en 1941 parce qu'il est Juif.
JCSS entrera à la suite dans la Résistance.
Et
Makine va l'encourager à écrire son histoire…
Mais, de nos jours, les éditeurs ne sont pas franchement intéressés par la publication de
mémoires de guerre.
C'est au cours de 2010 qu'
Andréi Makine annonce à Jean Claude Serva-Schreiber âgé de 92 ans que ses souvenirs de la Seconde Guerre Mondiale n'ont pas connu le succès escompté.
À la suite de cet échec
Makine pose des questions en évoquant un certain nombre de faits d'armes qu'a connu le lieutenant Schreiber. Mais pas seulement…
C'est un livre fort et touchant, très bien écrit, dans lequel le système en prend pour son grade.
La « littérature » française contemporaine est aussi la cible de
Makine, « une littérature légère, jetable, de divertissement par des auteurs qui prostituent leur plume et encombrent les librairies…avec en prime la crétinisation des masses par les séries télévisées et les livres qui imitent ces séries…Un ignoble égout qui impose aux milliards d'humains décérébrés ce qu'ils doivent penser, , aimer, convoiter, ce qu'ils doivent apprécier ou condamner. le seul but de cette entreprise de crétinisation est le profit. »
Et d'ajouter :
« Un pays rendu invisible derrière les frétillantes idoles d'un jour, clowns de la politicaillerie scénarisée. »
Makine , dans un autre domaine, se livre à une mise en pièces de l'existentialisme, vouant aux gémonies
Sartre, Camus,
Simone de Beauvoir et compagnie qui festoyaient pendant que Scheiber et ses compagnons allaient au casse-pipe :
« En 1955, presque aveugle, à la santé ravagée,
Chalamov quittait le goulag pendant que
Sartre succombant aux charmes du régime soviétique, déclarait que la liberté de penser, en URSS, ne connaissait aucune entrave ! »
Chacun penserace qu'il veut de ces règlements de compte. Dans l'ensemble je suis assez d'accord, notamment avec le jugement porté sur la « littérature » de masse, les meilleures ventes d'aujourd'hui.
Makine revient aussi sur les devoirs de celui qui choisit de vivre dans un autre pays que celui de sa naissance :
« Il faut tout simplement aimer le pays qui vous a donné l'hospitalité et pour cela il n'est pas inutile de se débarrasser de quelques oripeaux confessionnels et coutumiers. »
Un livre en bref que j'ai bien aimé, même si je n'ai pas retrouvé le registre habituel de
Andréi Makine. Mais son style est toujours aussi plaisant et parfait.