Le matin, reprenant la route (un tronc de pin entaillé, que je n’avais pas aperçu la veille, pleurait sa résine – sa « gemme » comme on disait dans cette contrée), je me rappelai, sans raison, ce rayonnage au fond de la librairie : « La littérature de l’Europe de l’Est ». Mes premiers livres y étaient, serrés, à m’en donner un vertige mégalomane, entre ceux de Lermontov et de Nabokov. Il s’agissait, de ma part, d’une mystification littéraire pure et simple. Car ces livres avaient été écrits directement en français et refusés par les éditeurs : j’étais « un drôle de Russe qui se mettait à écrire en français ». Dans un geste de désespoir, j’avais inventé alors un traducteur et envoyé le manuscrit en le présentant comme traduit du russe. Il avait été accepté, publié et salué pour la qualité de la traduction. Je me disais, d’abord avec amertume, plus tard avec le sourire, que ma malédiction franco russe était toujours là.
Seulement si, enfant, j’étais obligé de dissimuler la greffe française, à présent c’était ma russité qui devenait répréhensible.
Avec une sérénité amère qui l’étonna elle-même, Charlotte entendit naître et résonner dans son esprit cette pensée transparente : « Il y a eu cet enfer des villes brûlées et quelques heures plus tard – ce cheval qui broute l’herbe pleine de rosée, dans la fraîcheur de la nuit. Ce pays est trop grand pour qu’ils puissent le vaincre. Le silence de cette plaine infinie résistera à leurs bombes... »
Et la vraie littérature était cette magie dont un mot,une strophe, un verset nous transportait dans un éternel instant de beauté.
La qualité de l'écriture est indéniable. Heureusement pour un livre qui a reçu autant d'honneur.
Mais l'histoire se révèle répétitive entrecoupée de quelques moments qu'on aimerait voir se prolonger un peu avant de retomber dans une rengaine lassante.
Au final un livre qui m'a beaucoup ennuyé.
La France n'était plus pour moi un simple cabinet de curiosités, mais un être sensible et dense dont une parcelle avait été un jour greffée en moi.