Un jour, je demandai à un gurba du 10 bataillon s'il savait ce qu'est un chat.
- Oui, monsieur, me répondit-il; le chat est un animal carré, qui a une patte dans chaque coin.
À un autre qui me montrait un écureuil qui avait grimpé à la cime d'un arbre, je demandai s'il savait quelle race d'animal c'était.
- Oui, monsieur, me répondit-il ; c'est cet animal qui ressemble à une cafetière italienne.
Depuis le premier jour où j'ai mis les pieds en Érythrée, j'ai l'impression de me trouver dans un pays qui appartient au monde de ma culture, au monde de mon grec et de mon latin. L'arrière-pays éthiopien n'est pas l'Afrique, mais l'Europe. Une Europe passée et future, celle comprise dans l'arc qui va de Mycènes à Manhattan.
La magie de cette lumière des hauts plateaux est telle qu'un bonheur singulier vous pénètre par les yeux. C'est la lumière d'un pays qui a renoncé depuis des siècles et des siècles à vivre le drame de son histoire et s'est recueilli dans un repos, dans une vie immobile qui témoigne tout autant d'une décadence historique que d'une paix morale enfin atteinte.
Le clergé éthiopien, quoique affreusement ignorant, quoique sale, fainéant, quoique plein de défauts sordides, mérite le respect de tout homme civilisé, de tout chrétien intelligent, j'entends. Il mérite d'autant plus le respect de nous autres Italiens parce qu'il est désormais devenu un élément vital de notre Empire.
- C'est magnifique, dit Frusci; je suis sûr qu'un jour ces chants viendront se joindre aux vieilles chansons de nos soldats, celles de 1848, celles de la Grande Guerre. C'est une nouvelle tradition qui est en train de se former en Éthiopie, en Libye, en Espagne: une tradition militaire, nouvelle et glorieuse, avec ses chants, ses emblèmes, son jargon, ses poètes.