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3,72

sur 381 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Le colonel ne dort pas, parce qu'il a été responsable de trop de morts durant cette guerre, et que ceux-ci reviennent le hanter la nuit, le torturant comme il l'a fait avec eux, le tuant à petit feu comme il leur appliquait l'art de ne pas les faire mourir trop vite. Car la mort est une délivrance, comme le sommeil.


Si le sujet semble fort en nos temps de guerres perpétuelles, la forme n'est pas en reste : Emilienne Malfatto (auteure de « Que sur toi se lamente le tigre ») alterne les chapitres en vers libres dans la tête du colonel insomniaque, avec les chapitres où elle prend elle-même la prose pour raconter son histoire.


Deux récits qui se complètent parfaitement, autant sur la forme que sur le fond. Deux points de vue, aussi. Les vers libres, c'est à la mode c'est vrai. Mais ça permet de donner au colonel l'humanité qu'il semble avoir perdu de l'extérieur. C'est très beau, et ça compense l'écriture certes vive mais plus désincarnée du récit qui nous raconte l'histoire de l'extérieur.


On effleure dans ce texte quelques sujets qu'il aurait toutefois été intéressant de creuser, comme la culpabilité ou pas de tuer en temps de guerre, l'interchangeabilité des méthodes et des êtres entre démocratie et dictature, ce que ressentent profondément les différents acteurs du drame etc… On espère que le personnage sur lequel le projecteur est braqué pourra donner corps à ces réflexions, les nourrir, et non simplement les nommer… Hélas, pour ma part, en vain.


Au total, passé la bonne impression de départ, je n'aurais pas ressenti grand chose à la lecture de ce court roman de 120 pages. Peut-être m'a-t-il manqué un peu de profondeur, d'attachement au personnages, de contextualisation aussi. Et d'une fin moins… plus… Pfff bref, d'une vraie fin quoi. Après le déluge d'éloges pour Que sur toi se lamente le tigre, je m'attendais à quelque chose de plus complet et de plus fort. Je n'ai pas été prise dans la tempête de culpabilité et de remous du colonel, ni été submergée par une vague d'émotions au contact de son âme qui pulse ; je n'ai eu que l'écume, le superficiel et léger, ce qui reste quand l'immense présence de l'océan se retire. Je ne risquais pas de me noyer : je suis restée en surface. Et je le regrette.
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« Quand il a tout à fait cessé de dormir il s'est inquiété. Il a pensé qu'il allait mourir. Un homme qui ne dort pas ça ne s'est jamais vu, ça n'existe pas. Et puis il n'est pas mort. »

Le colonel n'est donc pas mort, mais il ne dort plus, laissant son esprit errer au gré de ses obsédantes et récurrentes « araignées de pensées ». En plein coeur de la guerre, alors que la Reconquête attendue ne fait que s'enliser, il est à sa tâche : faire parler ceux d'en face, coûte que coûte, dans les caves sombres et humides où le monde n'a pas prise.

C'est son métier, dans cette guerre comme dans les précédentes. Une illustration de la rigueur militaire : chacun à sa tâche ; mécaniquement ; de manière ordonnée, sans états d'âme… Mais l'âme est espiègle et s'affranchit aisément des consignes, venant, à l'aide de toutes ses victimes passées, tourmenter notre colonel dans son purgatoire infernal.

« Il a bien compris son châtiment, cette peine à perpétuité prononcée par ses martyrs qui lui refusent l'amnésie même provisoire même de quelques heures seulement. »

Continuant comme dans ses deux livres précédents à traiter de la guerre, Émilienne Malfatto aborde dans le colonel ne dort plus, les conséquences de la guerre sur l'équilibre de ceux qui la font et interroge leur perception de responsabilité.

Mettant en scène un général à la dérive, une ordonnance passive et un tortionnaire entre deux mondes, elle dit l'absurdité et l'atrocité de ce qu'il advient quand le combat s'échappe du conflit humain pour ne devenir qu'un métier et une mécanique organisationnelle de destruction.

Un livre certes fort, mais qui m'est cependant apparu moins puissant que l'inoubliable Tigre, et souvent un peu longuet malgré son faible nombre de pages. Un rendez-vous un peu manqué sur un sujet qui me passionne pourtant, mais une langue dont les envolées continuent heureusement de m'enchanter.
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Soyons honnêtes : le nouveau Malfatto est de la trempe des livres qui ne peuvent pas inspirer de la tiédeur à leurs lecteurs. Ainsi, je vais faire partie de ceux qui ressortent peu chamboulés de cette lecture, puisque celle-ci n'a jamais réussi hélas à me surprendre tant au niveau de la forme qu'au niveau du fond. Ce qui n'est pas grave en soi.

En temps de guerre, la mort, la folie et la lâcheté rôdent partout. La nuit, le jour. A l'extérieur, à l'intérieur. En haut, en bas. Symboliquement parlant, je sais bien que la fin est proche quand « la barque » commence à prendre l'eau de toutes parts, et que le plus fort est sans aucun doute l'ennemi intérieur qui se cache au fond de chaque individu.

Mais l'omniprésence du religieux (sous forme de déluge, purgatoire et expiation) et le niveau d'abstraction atteint ici ont agi sur moi à la manière d'un repoussoir, tout en me donnant la furieuse envie de relire « La mort est mon métier » et « Le désert des tartares ».
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Le gris est la couleur dominante de ce roman.

Le gris, couleur de la guerre, dans tout ce qu'elle a de plus sale.
Le gris couleur de la ville, qui n'est plus que ruines et décombres, enlisée dans la boue.
Le gris, couleur du ciel d'où tombe une pluie incessante qui fait pourrir les palais d'autrefois.

Le gris, couleur des personnages, qui n'ont plus rien d'humain.
Les victimes sont devenues des choses, un amas de chair informe. le colonel est devenu un robot qui tue et torture froidement. Chaque jour il accomplit méthodiquement sa sinistre besogne, sans état d'âme et obéissant aveuglément aux ordres, mais la nuit il ne dort plus, hanté par les fantômes de ses victimes.
Le gris s'est emparé de l'esprit et du coeur des hommes, devenus indifférents à tout, plongés dans une léthargie mortifère.

J'ai avancé en apnée, tentant de traverser cette grisaille oppressante où la mort est omniprésente.
Au milieu de cette grisaille, l'écriture d'Émilienne Malfatto, saisissante, remarquable, où la poésie côtoie l'horreur.

Pourtant, malgré l'écriture, je ne peux pas dire que j'ai aimé ce roman. J'étais pressée d'en finir avec ce colonel et j'ai refermé le livre soulagée. Soulagée de m'extirper enfin de cette atmosphère glauque qui m'a collée à la peau durant toute ma lecture.
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Un texte court fort et bien écrit. Un colonel spécialiste de la torture chez l'ennemi, ne trouve plus le sommeil. Pendant ses nuits sans sommeil, il s'adresse à ses victimes qui le hantent. Ces pensées nous sont retranscrites en vers.
Le jour, la guerre nous est raconté, son métier également. Rien n'est dit mais on comprend parfaitement la torture.
Un texte assez dur mais la poésie adoucit la lecture.
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Ce petit livre, d'à peine 110 pages, m'a fait de l'oeil sur un présentoir alors que je sortais, un peu pressé, de la bibliothèque. le titre, la couverture, l'épaisseur en faisait le candidat idéal pour nourrir mes déplacements en train. Et puis je l'ai oublié dans mon sac. Il est réapparu il y a quelques jours. Intrigant. Je n'ai pas su lui résister.

Dès les premières lignes, j'ai su que ce serait une lecture différente, dérangeante et en même temps addictive. Ce fut une claque ! Non pas que l'écriture soit violente ou revendicatrice. Non, non, ce fut une claque douce. de celle qui marque durablement l'esprit et le coeur.

Ce livre est paradoxal et j'ai bien de la peine à le décrire. Une effroyable aquarelle poétique. Ce sont ces trois mots qui me viennent à l'esprit. Effroyable parce que le sujet est la déshumanisation qu'entraîne la torture. Celle du supplicié, celle du bourreau, celle des témoins. Cet effacement de toute humanité, de toute compassion est formidablement rendu par Emilienne Malfatto. Et en même temps vacille au fond de chacun cette petite flamme fragile, cette nostalgie d'humanité.
Aquarelle car nous sommes en présence d'une écriture très graphique. Tout au long du roman, on a l'impression oppressante de vivre dans ce décor monochrome où jamais ne cesse la pluie, où tout perd de sa consistance y compris le temps, où tout n'est ni noir, ni blanc mais camaïeu de gris.
Poétique car si la torture est omniprésente, l'écriture est un délice qui valse entre la folie, la pudeur, le détachement, la froideur… La souffrance est mise à distance. L'inavouable, l'inexprimable se cache dans les mots. Un vrai tour de force.

Et pourtant, j'en suis resté à trois étoiles. Ce livre est un ovni et je ne suis pas certain de pouvoir en conseiller la lecture. Il fait partie de ces ouvrages qu'il faut « rencontrer » personnellement. Je ne suis pas sûr non plus, de revenir à cette lecture. J'aurai trop peur d'en briser cette première impression si admirablement dérangeante.

En conclusion : voici un très beau roman sur le poids de la culpabilité qui ronge et détruit l'Homme dans ce qu'il a de plus précieux : la compassion. A ce titre, ce livre doit interroger notre monde si férocement individualiste.
Une chose m'a manqué. le personnage principal espère la délivrance et le sommeil de la mort mais il n'espère même plus la rédemption… c'est là encore malheureusement une peinture assez fidèle de notre monde.
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Le colonel ne dort pas. Et insomniaque, on le serait à moins. Car toute la journée, dans une cave, au milieu d'un cercle de lumière, le colonel mène des interrogatoires sur les ennemis de la Reconquête.
Mais ce militaire aguerri, pourtant consciencieux et discipliné, n'arrive plus à chasser de son esprit les corps déshumanisés de ses victimes. Alors il ne dort plus.
Car dans cette Longue Guerre, les soldats les plus convaincus commencent à perdre leurs motivations. Bien sur, il y avait un dictateur à chasser, un nouveau régime à installer, mais que reste-t-il encore à faire maintenant? Sous une pluie battante, au son lointain des canons, la Ville se dissout dans une grisaille qui engloutit ses plus fervents défenseurs.
Dans ce monde gris où tout est devenu flou et fou, seul un jeune soldat, ordonnance du colonel, semble faire preuve d'un semblant d'insoumission qui lui permet de garder une petite touche de couleur.
Mêlant la narration à un long poème en prose, avec des mots si bien choisis qu'ils nous vont droit au coeur, Emilienne Malfatto remet en cause la discipline guerrière qui ne laisse plus de place aux états d'âmes.
Alors si l'objectif de l'autrice était de nous révolter contre l'absurdité des conflits qui s'enlisent et l'insoutenable horreur de la torture, c'est tout à fait réussi et même plus.
A tel point que personnellement, je préfèrerais ne pas avoir lu ce court roman qui m'a paru souvent insoutenable et qui me hante encore aujourd'hui.
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Le colonel ne dort pas, il est hanté par ses morts, ceux qui sont passés de vie à trépas à cause des tortures infligés par ses soins, le colonel est un tortionnaire, un expert pour obtenir des renseignements.
Peu importe où nous sommes, dans quel conflit, avec quelle armée, à quelle époque, seule la culpabilité est universelle et celle de notre colonel est contagieuse, visqueuse, insidieuse.
Un livre étonnant où les pensées du tortionnaire sont écrites en italique sous forme de poésie.
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Je me sens moins seule après avoir lu les critiques correspondant à ma note (et en dessous)
J'avais trop aimé le Tigre, l'attente était forte et je suis déçue; je ne suis pas vraiment rentrée dans le livre, écouté en audio, il me semble que l'éventuelle qualité littéraire passe mal; seule l'histoire émerge: une ville après une dictature, un colonel qui a tellement torturé qu'il en a perdu le sommeil, une ordonnance sans épaisseur et un général qui devient fou avec la montée des eaux; enfermé dans son bureau inondé par la pluie incessante, il se met à attraper les petits poissons qu'il mange crus.
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Le colonel est un spécialiste. 

Un spécialiste de l'interrogatoire, et ce depuis des années.

Il exerçait déjà ce métier du temps de l'ancien régime, pendant la guerre, et aujourd'hui au temps de la Reconquête.

Mais le Colonel a un problème : il ne dort pas, chaque nuit ses victimes viennent lui rendre visite, se présentent à lui dans l'état où il les a laissées, après avoir obtenu d'eux ce qu'il en attendait ou pas. 

Parce qu'il y en a qui n'ont pas parlé ... 

Dans un style factuel, Emilienne Malfatto nous décrit cet homme et ses insomnies, sans jamais trop s'attarder sur les sévices qu'il exerçait, juste dans l'évocation de ses souvenirs, ceux d'un homme qui n'a fait que son métier.

De la meilleure façon possible.

J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans cette histoire, dans le déroulé de la vie de cet homme décrit sans empathie, sans aucun affect.

J'avais beaucoup aimé 'Que sur toi se lamente le Tigre', j'attendais beaucoup de celui-ci, certainement trop ! 

Dommage. 

Je remercie la FNAC, qui m'a fait parvenir ce roman bien en avance de sa publication, dans le cadre de sa première sélection pour le Prix du roman FNAC 2022.
Lien : http://les-lectures-de-bill-..
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