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EAN : 9791037504098
135 pages
Les Arènes (03/06/2021)
3.99/5   83 notes
Résumé :
C'est une guerre qui ne dit pas son nom. En Colombie, chaque année, des centaines de " leaders sociaux " sont tués dans l'indifférence générale. Syndicalistes, responsables associatifs,
simples citoyens voulant faire valoir leurs droits...
L'une de ces figures s'appelait Maritza. Cette mère de six enfants fut assassinée dans sa ferme isolée, au coeur d'une région où se mêlent groupes armés, narcotrafic et enjeux touristiques. Pourquoi cette mort ? Emil... >Voir plus
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Maritza était un leader social. le terme beaucoup utilisé en Colombie, en mode fourre-tout, désigne toute personne qui se consacre à la défense ou à la promotion de droits –les siens, ceux d'une communauté, de l'environnement, de travailleurs, etc...
Elle a était tuée la nuit du 5 janvier 2019, par 4 balles tirées à bout portant.

La plume de Malfatto est d'une grande beauté. D'une enquête journalistique sur le meurtre d'une femme de soixante et un an , mère de six enfants, elle en fait une histoire profonde et émouvante dont la trame tragique est développée avec une délicatesse époustouflante. La Colombie et ses cinq décennies d'histoire politique et sociale douloureuse qui draine sept millions de cadavres est au coeur du récit. Maritza en est une de ses victimes, où quiconque tente de se mettre en travers de puissants, ou de leurs intérêts économiques –narcotrafic, grands projets énergétiques, miniers, agricoles ou autres –, est éliminé. "Trop d'argent à gagner pour que la vie humaine fasse le poids."

Dans la Sierra, on croit aux présages et au mauvais oeil, vu que l'absurde domine la logique. Pourquoi cette mort gratuite ? Cette femme était un danger pour qui ?
Maritza est le symbole de ces personnes exterminées pour rien ou si peu dans ces pays où les droits des hommes, la justice, la vie humaine n'ont aucune valeur, où "toute action doit être, sinon approuvée, du moins tolérée par ceux qui font la loi ". Et ces "ceux" ici sont nombreux et difficile à cerner, qui est qui ? Malgré l'évidence Malfatto cherche, enquête, pour parvenir au plus près de la vérité, afin de rétablir un semblant de justice et de respect pour ces personnes qui ont eu le courage de lutter et braver tous les dangers dans un pays de non-droit absolu où on peut être condamné pour trafic de drogue, mais les crimes contre la vie humaine sont rarement retenus.

C'est son second livre que je viens de lire après l'émouvant "Que sur toi se lamente le Tigre " , et celui-ci est Un Coup de Coeur ! C'est une écrivaine et une photographe extrêmement talentueuse, bravo !

"Je pensais relater une histoire simple, chroniquer une mort annoncée. Je me retrouve face à un casse-tête colombien, je me heurte à des paradoxes et des versions contradictoires, des mensonges et des omissions, où rien n'est clair ni revendiqué, et la vérité disparaît dans cette jungle tropicale."
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Troisième livre d'Emilienne Malfatto, troisième uppercut.
Si « Que sur toi se lamente le Tigre » traitait de la condition des femmes en Irak, « le colonel ne dort pas » des fantômes hantant chaque nuit un tortionnaire, « Les serpents viendront pour toi » a pour objet d'analyse les crimes commis dans une région gangrénée par le trafic de drogue, la mafia, ainsi que par la présence et le contrôle paramilitaire, à savoir la Colombie. Terre du café, du cacao, du coca…de la marijuana aussi.
La marque de fabrique d'Emilienne Malfatto est celui de récits très courts dans laquelle la plume est étonnamment poétique pour mieux dénoncer l'horreur. Sa crédibilité s'appuie sur son métier de journaliste de guerre : elle sait de quoi elle parle, elle enquête, elle creuse le sillon. Elle n'invente pas, elle rend compte et nous invite, avec douceur mais fermeté, à ouvrir les yeux et à regarder.
Contrairement à ses deux autres livres où elle a choisi la voie du roman, ce livre-là se distingue par son style clairement journalistique. Dans ce récit, résultat d'une enquête délicate menée à l'automne 2019 et dont l'écriture a eu lieu au printemps 2020, l'auteure s'adresse directement à une femme assassinée. Un rapport, une enquête, certes, mais la plume reste simplement et poétiquement belle.

« Les corps sont secs, les visages marqués. On croise parfois des familles indigènes, Koguis ou Arhuacos, tout de blanc vêtus, les pères tiennent des poporos – des calebasses remplies de coca et de coquillage écrasés. La végétation est exubérante, folle. Quelque chose de magique. C'est le pays des trésors indiens, des villes perdues et des jaguars ».

Emilienne Malfatto veut comprendre pourquoi, et par qui, a été assassinée une femme de soixante et un an, Maritza Quiroz Leiva, le 5 janvier 2019. Quatre balles à bout portant sur le seuil de sa maison en pleine jungle colombienne, dans la Sierra Nevada, alors que son fils se terre, terrifié, sous un lit. Maritza était une leader sociale, mot un peu vague pour désigner une personne militante, « une personne qui se consacre à la défense ou à la promotion de droits – les siens, ceux d'une communauté, de l'environnement, de travailleurs, etc… ». de prime abord Emilienne Malfatto pense que c'est ce statut d'agitateur, caillou dans la chaussure de certaines personnes d'influence, qui explique ce meurtre. « Une chose, en tout cas, est certaine : dans ce territoire d'influence – de contrôle – paramilitaire, toute action doit être, sinon approuvée, du moins tolérée par ceux qui font la loi ».


Mais son enquête, qui l'amène à côtoyer les enfants de Maritza, ses connaissances, ses voisins, des paramilitaires et même d'anciens trafiquants de drogue, montrera que d'autres hypothèses peuvent être avancées au fur et à mesure que l'auteure tire sur le fil de sa vie et met en lumière la situation politico-économique locale. Au fur et à mesure qu'elle sent les gens lui mentir et que sa paranoïa grandit. La complexité de ce territoire montre à quel point le mobile du crime est flou et pas aussi évident qu'il n'en avait l'air au départ, et peut même avoir plusieurs causes.

« Je pensais relater une histoire simple, chroniquer une mort annoncée. Je me retrouve face à un casse-tête colombien, je me heurte à des paradoxes et des versions contradictoires, des mensonges et des omissions, où rien n'est clair ni revendiqué, et la vérité disparait dans cette jungle tropicale ».

Ce récit, au-delà d'honorer courageusement la mémoire de Maritza en faisant toute la lumière sur son crime, est aussi l'occasion de prendre conscience de l'horreur vécue dans cette région sur laquelle planent des ombres terrifiantes et qu'on ne distingue pas toujours les unes des autres, changeant constamment de noms et de costumes au point de ne plus savoir qui est qui. Des monstres, devrait-on dire. Comme cet « El Taladro », ce patron de toutes les organisations criminelles mafieuses et narcotrafiquantes locales, dont la citation posée à part, tellement glaçante que je n'ai pas envie de la remettre dans ce retour, en dit long sur sa puissance, l'ampleur de sa mainmise sur la Sierra Nevada et les exactions commises.
La géographie particulière explique cette tension extrême. Un territoire ouvert sur la mer, au pied de la montagne, et longée par une route qui traverse le pays d'est en ouest, du Panama au Venzuéla, le long de la côte. C'est ainsi un territoire source de corruption et de trafics. La délation fait souvent le reste.


Dans ce pays le surnaturel fait partie du quotidien, comme une poudre de réalisme magique adoucissant, un peu, la misère et la violence, réalisme magique dont les auteurs sud-américain ont seuls le secret. Les serpents, présage de mort apparaissant dans nos rêves avant le moment fatidique en Colombie, viendront tous nous hanter le moment venu. Ce titre semble être une incantation lancée tel un sort par Emilienne Malfatto au tueur de Maritza, tueur qu'il lui semble avoir entrevu…Qu'il en soit ainsi également aux auteurs de centaines de crimes commis, encore aujourd'hui chaque année en Colombie, à l'encontre de toutes ces personnes qui tentent courageusement de défendre leurs droits dans une région explosive et dangereuse.

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La journaliste italienne Emilienne Malfatto avait écrit en 2020 un roman bouleversant « Que sur toi se lamente le Tigre », un vrai coup de coeur.
Je n'ai donc pas hésité une seconde à lire Les serpents viendront pour toi , qui s'est vu décerner en 2021 le prestigieux Prix Albert-Londres.
Si on retrouve le format court de moins de 150 pages, tout diffère. Tout d'abord, Les serpents viendront pour toi n'est pas un roman, mais le récit du reportage réalisé par la journaliste, qui s'exprime à la première personne, sur la trace de Maritza, mère de famille de six enfants, tuée sur le seuil de sa maison perdue dans la jungle tropicale en Colombie, le 5 janvier 2019, à l'âge de soixante-et-un ans.
Emilienne Malfatto va s'attacher à comprendre les raisons de cet assassinat, interroger les proches, les voisins. Est-ce parce que Maritza était une leader sociale, citoyenne qui faisait valoir ses droits à la terre ?
Le livre est riche d'enseignements sur les FARC, l'État colombien, les narco-trafiquants, il n'est pas aisé de démêler les fils des intérêts de chacun sans risque pour sa vie.
Cependant, j'ai regretté l'approche journalistique choisie par l'auteure, qui m'a laissée à distance de la vie de Maritza et de ses enfants. J'aurais préféré qu'elle redonne vie à Maritza en lui donnant la parole ou à l'un de ses enfants. Emilienne Malfatto m'a semblé osciller entre les styles, distillant ça et là de belles réflexions sur les liens familiaux et les mythes personnels que chacun se crée au sein d'une famille, mais j'en aurais voulu plus. Un récit pas complétement abouti de mon point de vue.
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"Que sur toi se lamente le Tigre" et "le colonel ne dort pas" sont des romans, presque des contes, sans lieu ni date précis.
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Ici rien à voir, on est dans le récit d'une enquête, celle que va mener l'auteure autour de la mort de Maritza, colombienne, engagée sociale et victime du conflit armé.
Je peux imaginer que lorsqu'on a apprécié l'un ou l'autre de ses romans, on puisse être déstabilisé par ce texte. Moi je l'ai trouvé passionnant. J'ai découvert la Sierra Nevada de Santa Marta, paysage magnifique du nord de la Colombie, montagneux (+ 5000 m d'altitude à moins de 40 km de la mer !), rugueux et riche pour ceux qui veulent cultiver. Mais surtout violent. Partagé entre Farc, narco trafiquants, paramilitaires.... au point de ne plus savoir qui est qui. Ce qui est sûr c'est que les paysans sont les premières victimes.
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Je sais que la Colombie est l'un des pays les plus violents au monde. Je le sais. Mais ça reste théorique. Là on va suivre Maritza et sa famille et cette violence va prendre une épaisseur, une réalité, une douleur....
Une enquête, une quête qui va nous raconter Maritza et sa vie avec son mari, ses enfants, les cultures vivrières et les groupes armés. La violence quotidienne. Sans cause, sans raison. Puis Maritza sans son mari, qui doit nourrir ses enfants.... Maritza dont l'objectif est de vivre dignement de son travail de la terre. Maritza qui va en mourir.
Un texte que j'ai apprécié, qui m'a fait toucher une réalité si loin de mon quotidien. Un récit qui m'a fait découvrir une femme marquante.
J'ai vivement apprécié ce texte dont je vous conseille la lecture.
Lu et apprécié également par mes deux filles....
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En choisissant d'enquêter sur l'assassinat de Maritza Quiroz Leiva, survenu le 5 janvier 2019, Emilienne Malfatto, journaliste française indépendante, va se confronter à l'histoire trouble de la Colombie. Un pays connu pour avoir été durant longtemps le premier producteur mondial de cocaïne et où le narcotrafic fait, aujourd'hui encore, la loi. Un pays ravagé par la violence et la corruption, dans lequel guérilleros et paramilitaires se livrent une guerre sans merci, sans se soucier des victimes collatérales à leurs conflits d'intérêts. Un pays où une vie humaine se monnaie à hauteur de cinq cent mille pesos, soit 114€, et où une simple délation peut suffire à éliminer un rival ou un voisin mieux loti…

Dans un pays gouverné par le chaos, où rien ne semble avoir de sens, difficile de comprendre toutes les motivations qui peuvent conduire au meurtre… Ainsi, lors de l'assassinat de son mari Alvaro, en juin 2004, Maritza n'a d'autre choix que de fuir “El Encanto”, sa maisonnette perdue au coeur de la Sierra Nevada, avec ses 6 enfants, devenant alors “une déplacée par la violence”, une victime du conflit armé. Elle trouve refuge à Santa Marta, dans sa belle famille, un refuge tout relatif dans lequel s'exerce une autre forme de violence, celle administrée par celui qui se sait en position de force et qui vous laisse encore plus démuni…

Mais, en femme battante et courageuse, Maritza parviendra à s'extraire de sa condition miséreuse pour se lancer, plus tard, dans un combat visant à protéger les victimes, comme elle, du conflit armé et plus particulièrement les femmes. Elle deviendra “leader social” et fera entendre sa voix en dépit du danger. Est-ce ce nouveau statut qui a motivé son assassinat ou une parcelle qui faisait des envieux, ou encore une présence gênante pour le narcotrafic? C'est ce qu'Emilienne Malfatto tente de démêler dans ce récit enquête glaçant mais ô combien passionnant!

Le texte est très court (123 pages) et se lit d'une traite. Dans un pays où règne la loi du silence et où un mot malheureux peut coûter la vie, la journaliste d'investigation va se heurter à la peur, aux faux témoignages voire au mutisme des témoins potentiels. L'enquête sera laborieuse et périlleuse mais pas sans résultats, même si un certain nombre d'interrogations demeurent. Un récit courageux et nécessaire, qui aura au moins le mérite de permettre à Maritza Quiroz Leiva et à son combat de ne pas tomber dans l'oubli. Emilienne Malfatto a reçu le Prix Albert-Londres en 2021 pour son texte.
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Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
On le surnommait aussi « el Taladro », la Perceuse, non seulement parce qu’il aimait à utiliser cet outil comme instrument de torture, mais surtout en raison des viols qu’il commettait par dizaines – par centaines – sur des adolescentes et des préadolescentes, de préférence vierges et âgées de moins de quatorze ans. Il arrivait aussi que les parents eux-mêmes vendent la virginité de leur enfant, motivés par la peur et l’argent, car le Patrón, généreux avec l’argent de la drogue, payait largement les hymens. De ces viols systématiques naquirent des dizaines d’enfants. C’était peut-être précisément le but recherché.
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Plus la vie est dure, plus on croit en Dieu. Il doit y avoir quelque chose de terriblement rassurant dans l’idée d’une puissance supérieure, bienveillante et cohérente, dans l’idée que tout cela a un sens et fait partie d’un plan divin, même les catastrophes, même le coup de tonnerre dans le ciel serein.
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Il en va des histoires de famille comme des souvenirs d'enfance. Chacun possède sa propre vérité, sa propre légende, dont il refuse de douter. Des rôles précis y sont assignés aux autres. L’amour, la jalousie, l'envie, la mauvaise foi, la rancœur s'y mêlent. Aussi l'histoire de tes jeunes années, Maritza, est-elle radicalement différente selon le récitant.
(p.28-29)
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Plus la vie est dure, plus on croit en Dieu. Il doit y avoir quelque chose de terriblement rassurant dans l’idée d’une puissance supérieure, bienveillante et cohérente, dans l’idée que tout cela a un sens et fait partie d’un plan divin, même les catastrophes, même le coup de tonnerre dans le ciel serein.
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Dans le ciel très contrasté, magnifiques, des oiseaux tournent contre les nuages. Je pense d'abord à des aigles, mais ce sont des charognards.
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Vidéo de Émilienne Malfatto
VLEEL 217 Rencontre littéraire avec Emilienne Malfatto, Le colonel ne dort pas, Éditions du Sous-Sol
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