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EAN : 9789973581228
80 pages
Elyzad (03/09/2020)
4.32/5   798 notes
Résumé :
Dans l'Irak rural d'aujourd'hui, sur les rives du Tigre, une jeune fille franchit l'interdit absolu: hors mariage, une relation amoureuse, comme un élan de vie. Le garçon meurt sous les bombes, la jeune fille est enceinte: son destin est scellé. Alors que la mécanique implacable s'ébranle, les membres de la famille se déploient en une ronde d'ombres muettes sous le regard tutélaire de Gilgamesh, héros mésopotamien, porteur de la mémoire du pays et des hommes.
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Critiques, Analyses et Avis (254) Voir plus Ajouter une critique
4,32

sur 798 notes
Court, éloquent, terrible, Que sur toi se lamente le Tigre, ce premier roman, signé Émilienne Malfatto, m'a bouleversé par sa simplicité et son réalisme atroce.
L'Irak est déchiré par la guerre. le fleuve Tigre charrie la boue et le sang. La légende de Gilgamesh, héros mésopotamien, rythme les dernières heures que vit une jeune femme.
Juste avant que Mohammed parte combattre, elle a cédé devant son insistance. Or, celui-ci a été tué un peu plus tard par une bombe larguée par erreur. Il était l'ami et le frère d'armes d'Amir, le frère aîné.
Alors qu'elle est enceinte de cinq mois, elle sait que son frère, Amir, va la tuer ce soir, pour préserver l'honneur de la famille. L'honneur, pour ce jeune homme qui a pris la place du père mort alors qu'ils vivaient encore dans la banlieue de Bagdad, c'est priver soeurs et femme de toute liberté après les avoir voilées sous l'abaya, dès le début de l'adolescence.
Pourtant, celle qui va mourir de la main de son frère aîné, n'obtient aucun soutien de sa mère, absente ce jour-là, de Layla, sa petite soeur trop jeune et de Baneen, la femme d'Amir, modèle de femme soumise qui ne discute pas la toute puissance masculine.
Hassan, le petit frère, gentil et tendre, n'a pas la force de s'opposer à l'horreur qui se prépare. Quant à Ali, autre frère plus âgé, moderne, évolué, il n'est qu'un lâche, navré d'être un salaud.
En quelques pages, quelques portraits, tracés avec précision et tout en nuances, Émilienne Malfatto, journaliste et photographe indépendante qui connaît bien l'Irak, m'a emporté dans une spirale mortifère, abominable, d'un réalisme qui me laisse complètement désemparé.
Que faire pour que de tels drames ne se produisent plus ?
Écrire, raconter est un moyen et Que sur toi se lamente le Tigre, Goncourt du Premier roman 2021, est un livre dont il faut parler car les vies de ces filles, de ces femmes, voilées sous les interdictions et les frustrations, voient leurs vies saccagées, abrégées, mutilées.
Ne plus détourner le regard, ne plus faire silence, militer pour le droit des femmes et une stricte égalité des sexes, voilà le combat à mener, combat encore loin d'être gagné chez nous comme un peu partout dans le monde…

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Dans ce récit fulgurant salué tout récemment par le Prix Goncourt du Premier roman, Emilienne Malfatto réussit un tour de force très impressionnant. Elle, l'étrangère à la société qu'elle restitue, l'Irak du Sud rural où sévissent encore des combats, parvient à raconter sans distanciation mais avec une empathie totale la complexité d'un pays à travers l'intimité d'une famille, comme si elle était irakienne. Suite à ses aller-retours dans le pays en tant que photojournaliste, elle a acquis une connaissance fine des lieux et des hommes. Tout respire l'authentique.

Elle plonge le lecteur en pleine tragédie grecque avec cette chronique d'une mort annoncée. Une jeune fille sera tuée par son frère, elle le sait depuis qu'elle est tombée enceinte hors-mariage et que son amoureux clandestin est mort aux combats avant de pouvoir l'épouser. Elle se raconte, rejointe par le choeur des membres de sa famille, tous impuissants face au fatum en marche, inexorablement.

Cette polyphonie permet à l'auteure d'éviter l'écueil du manichéisme. Il n'y pas de salauds ou de fous islamistes. Juste des êtres prisonniers d'un système qu'ils ne savent pas mettre à terre. Les débats intérieurs, les dilemmes insolubles de chacun, sont mis à jour. Terrible de voir la mère approuver en pleurs, en silence, le meurtre de sa fille. Bouleversant de lire le petit frère dire «  je suis le garçon dont l'avenir n'est pas encore écrit. Je suis celui qui, peut-être, ne sera pas l'assassin », trop jeune pour s'opposer mais avec une lumière possible d'être celui qui brisera la fatalité. Dramatique d'être face au frère ainé, dépositaire de l'autorité depuis la mort du père, se sentir obligé de laver l'honneur de la famille par un crime qui le désole.

A ce choeur, s'ajoute un formidable choryphée, le Tigre lui-même, le fleuve qui traverse l'Irak et la mémoire du pays. Il offre des respirations poétiques, de superbes envolées lyriques évoquant aussi bien la réalité crue que faisant référence à l'épopée de Gilgamesh ( le magnifique titre est tiré de ses vers ). L'écriture d'Emilienne Malfatto, épurée, ciselée, à la fois simple et forte, y ets parfaitement mise en lumière.

Ce roman est d'une sobriété bouleversante, offrant au lecteur toute sa place pour ressentir, vibrer selon son propre rythme, sans se voir imposer des émotions. C'est très rare de trouver autant de matières dans un texte si court ( 79 pages ). Je salue le remarquable travail de la maison d'édition Elyzad qui propose régulièrement des textes contemporains vivants, ouverts sur l'Orient, dans un écrin visuellement toujours très beaux, comme en témoigne cette couverture juste à l'unisson de la puissance du roman : une photographie prise par l'auteure elle-même, qui marque avant même que le livre soit ouvert.
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Un texte court, 80 pages, pour un premier roman extraordinaire, digne d'une tragédie antique et pourtant tragédie contemporaine, tel se présente Que sur toi se lamente le Tigre de Émilienne Malfatto.
Dans l'Irak rural d'aujourd'hui, une jeune femme sait qu'elle va mourir quand elle comprend qu'elle va avoir un enfant. Elle est enceinte de Mohammed, son ami d'enfance devenu son amant un court instant, juste avant qu'il parte combattre avec la milice et qu'il meure sous les bombes.
L'honneur de la famille ne peut être sauvé qu'au prix du sang, la sentence est inéluctable : la mort.
Tous les membres de la famille vont tour à tour se déployer pour s'identifier et donner leur sentiment sur le drame attendu.
C'est Baneen, la femme d'Amir, qui se présente en premier, douce, soumise, respectable. Amir quant à lui est le frère aîné : « Je suis le frère, celui par qui la mort arrive. Je suis l'homme de la famille, l'aîné, le dépositaire de l'autorité masculine – la seule qui vaille, qui ait jamais valu. Je suis le frère qui a pris le rôle du père. Je règne sur les femmes. » C'est donc lui qui, pour sauver l'honneur de la famille, va la tuer. La présentation des membres de la famille se poursuit et aucun ne s'oppose à Amir, ni Ali, par lâcheté, qui pourtant voudrait tout arrêter, ni la mère, par soumission, qui dit avoir accepté les règles depuis trop longtemps. La succession des portraits est entrecoupée parfois par de courts extraits de l'épopée de Gilgamesh, ce héros mésopotamien porteur de la mémoire du pays et des hommes. le roman s'ouvre d'ailleurs sur quelques lignes de cette épopée : « Sidouri dit à Gilgamesh : Où vas-tu, Gilgamesh ? La vie que tu cherches, tu ne la trouveras pas. Lorsque les grands dieux créèrent les hommes, c'est la mort qu'ils leur destinèrent. »
Un autre personnage à part entière, intervient pour nous faire part de son humeur à propose des hommes. Il s'agit du Tigre, ce fleuve qui traverse le pays du Nord au Sud.
Émilienne Malfatto nous fait pénétrer dans une société patriarcale où l'honneur est plus important que la vie, où « Chez nous, mieux vaut une fille morte qu'une fille mère », une société fermée où règne l'autorité masculine et le code de l'honneur.
Ce roman a été pour moi un véritable coup de coeur !
Il est rare qu'un récit aussi court soit aussi dense, aussi précis, aussi pertinent et aussi intense, tout en étant aussi poignant, aussi bouleversant et autant perturbant.
Il est inconcevable que de nos jours, en cette époque éclairée, dite civilisée, de telles idées puissent encore être conçues et de tels faits encore possibles et autorisés.
L'auteure plonge au coeur de la tragédie d'un crime d'honneur dans une famille irakienne, avec en toile de fond, la guerre, et laisse son lecteur pantois devant une telle réalité.
Si, tout au long de cette journée pendant laquelle se scelle son destin, la jeune femme est résignée au sort qui l'attend elle et l'enfant qu'elle porte, « soudain une angoisse terrible lui vient, parce qu'elle n'est plus si sûre de ne pas avoir eu envie de vivre, et de connaître cet enfant... » On aimerait avoir lu cette sublime tragédie en tant que fiction, hélas, il faut se pincer et revenir à la terrible réalité.
L'écriture m'a émerveillée par sa simplicité, sa précision, les paragraphes sont courts et percutants. Ce bouquin a été une révélation dont je suis ressortie bouleversée et suffoquée par la bêtise humaine.
Même si votre PAL atteint des sommets, n'hésitez pas à réserver un peu de temps pour découvrir ce petit joyau Que sur toi se lamente le Tigre, vous ne le regretterez certainement pas.
Magistral et inoubliable

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Couronné du prix Goncourt du Premier roman 2021, ce court récit d'Emilienne Malfatto plonge le lecteur au coeur du crime d'honneur qui doit avoir lieu au sein d'une famille irakienne.

Ayant souvent séjourné en Irak en tant que photojournaliste indépendante, Emilienne Malfatto situe son récit dans un pays qu'elle connaît bien et propose un roman choral qui s'ouvre sur la voix d'une jeune femme enceinte de cinq mois, qui sait que son frère Amir va la tuer le soir même. Enceinte sans être mariée, d'un fiancé qui vient d'être tué à la guerre, elle se retrouve condamnée à mourir afin de préserver l'honneur de la famille.

__«L'honneur est plus important que la vie. Chez nous, mieux vaut une fille morte qu'une fille mère.»

L'autrice donne ensuite la parole à chacun des membres de la famille, du frère aîné à la mère, en passant par la belle-soeur et les autres membres de la fratrie. Malgré une sentence inéluctable et connue d'avance, tous viennent témoigner de leur impuissance face à un système dont ils sont prisonniers. Respect de la tradition, acceptation des règles, résignation, lâcheté, impuissance… tous ont en commun d'accepter le verdict comme une fatalité.

__« Je suis le lâche, celui qui désapprouve en silence. Je suis la majorité inerte, je suis l'homme banal et désolé de l'être. Je suis le frère de ma soeur qui aime et qui comprend. Je suis le frère de mon frère qui respecte l'autorité de l'aîné. Je suis celui qui condamne les règles mais ne les défie pas. Je suis le complice par faiblesse ».

Chaque portrait est entrecoupé de courts extraits de l'épopée de Gilgamesh et de textes poétiques narrées par le Tigre, fleuve traversant le pays du Nord au Sud et témoin de la folie des hommes depuis des millénaires.

__« On m'appelle Tigre mais chaque jour je nais du taureau et de l'orage, là-haut dans les montagnes du nord. Les hommes de cette région ont déchiré mon flanc, éraflé mon flot avec leur métal et leurs pioches. Ils ont élevé des parois de béton et d'acier pour contraindre mes eaux. Ils sont comme le vent dans les roseaux, ils passent mais ne dureront pas. Quand on compte comme moi en millénaires, plus rien n'a vraiment d'importance. »

Derrière cette couverture reproduisant une photographie de l'autrice, se dissimule un texte qui allie simplicité et authenticité. En seulement 80 pages, Emilienne Malfatto dresse quelques portraits qui parviennent à restituer toute la complexité d'un pays déchiré par les guerres et d'une culture qui justifie l'inacceptable…

Lisez également: « La laveuse de mort » de Sara Omar, « Les impatientes » de Djaïli Amadou Amal, « Les putes voilées n'iront jamais au Paradis ! » de Chahdortt Djavann, « Confidences à Allah » de Saphia Azzedine
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«Nous naissons dans le sang, devenons femmes dans le sang, nous enfantons dans le sang......La première fois que le monde est devenu rouge, j'avais neuf ans. »
Dans un pays de sable et de scorpions, où les femmes payent pour les hommes, Elle va payer son amour pour Mohammed.

Un court récit épique dans l'Irak rural d'aujourd'hui. Alternant la voix du Tigre, le fleuve argenté et des extraits de l'épopée de Gilgamesh avec les voix des protagonistes, qui à tour de rôle éclairent de leurs ressentis, leurs attitudes face à cette chronique d'une mort annoncée, un premier roman éprouvant. le sujet n'a rien de singulier, mais la belle prose et la structure simple et concise du livre de la jeune Émilienne Malfatto journaliste et photographe française primée, en vaut le détour.

“On m'appelle Tigre mais chaque jour je nais du taureau et de l'orage, là-haut dans les montagnes du nord. Les hommes de cette région ont déchiré mon flanc, éraflé mon flot avec leur métal et leurs pioches. Ils ont élevé des parois de béton et d'acier pour contraindre mes eaux. Ils sont comme le vent dans les roseaux,ils passent mais ne dureront pas. Quand on compte comme moi en millénaires , plus rien n'a vraiment d'importance.”
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critiques presse (3)
LeFigaro
10 juin 2021
En Irak, le sort d’une fille mère. Un récit fulgurant, Goncourt du premier roman.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Culturebox
05 mai 2021
Le court récit d'Emilienne Malfatto sur une jeune Irakienne condamnée à mourir parce qu'elle est enceinte sans être mariée a reçu le prix Goncourt du premier roman.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Culturebox
22 avril 2021
Une jeune Irakienne, enceinte alors qu'elle n'est pas mariée, attend la mort : pour sauver l'honneur de la famille, son frère va la tuer. Un premier roman choc d'Emilienne Malfatto.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (129) Voir plus Ajouter une citation
Mes eaux sont depuis longtemps empoisonnées. Mon flot est large et lourd, mes berges limoneuses, mais je meurs peu à peu. Je meurs car depuis longtemps les hommes ont cessé de m’aimer et de me respecter. Ils ont pris goût au désastre.
Je ne suis plus source mais ressource, et les hommes de cette terre aride ont oublié qu’ils ne pourront pas vivre sans moi. Ils périront avec moi car nos destins sont liés.
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La ville empestait la mort. C’était douceâtre, un peu sucré, un peu écœurant, un peu métallique. L’odeur des charognes. Dans les narines, sous les vêtements, sous la peau, sous les ongles. La mémoire olfactive de la mort. Cette odeur-là ne se lave pas. Elle revient frapper sans prévenir, quand on mange ou quand on dort ou dans l’amour elle s’insinue et remplit le nez, la tête, la chambre, et revoilà la rue Farouq et Mossoul et les cadavres à pourrir.
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Je suis le Tigre. Depuis des milliers de lunes, je traverse le désert, long comme une veine sacrée. Je cours de là-haut, des montagnes, je tombe dans la plaine, puis le désert, puis la mer tout là-bas, comme une respiration.
(page 13)
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Toute ma vie, j’ai eu la sensation de rester au bord de la vie. Puis le sang est arrivé, ce premier sang poisseux, noirâtre entre mes jambes, et maman a dit que désormais je devais apprendre à me tenir, et ne plus traîner dehors et couvrir mes tresses. Et un soir, Amir m’a lancé un grand manteau noir et a dit que désormais je porterais l’abaya.
(page 18)
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Le groupe de Mohammed s’est réfugié dans un immeuble. La façade était béante, les étages supérieurs dégueulaient du béton tordu, courbé, des tiges de métal emmêlées. Un pilier semblait suspendu dans le vide. Les plafonds ne tenaient qu’à un fil. La guerre modifie les lois de la matière.
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Videos de Émilienne Malfatto (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Émilienne Malfatto
VLEEL 217 Rencontre littéraire avec Emilienne Malfatto, Le colonel ne dort pas, Éditions du Sous-Sol
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