Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi

À soixante ans passés, ma mère a eu une crise de poésie. Elle s’est mise à écrire des petits textes, des histoires cachées en elle depuis trop longtemps.

Oh, qu'est ce que je donnerais pour te serrer dans mes bras et embrasser ton front, arracher la nuit, te brancher sur mon dos. Je t'emmènerai loin, je te soufflerai partout sur la peau, tu le sentiras, tu te sentiras exactement comme avant.

Comment on va faire maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi? Qu'est-ce que ça veut dire la vie sans toi? Qu'est-ce qui se passe pour toi là? Du rien? Du vide? de la nuit, des choses de ciel, du réconfort?

Contrôle d'identité, s'il vous plaît. Veuillez sortir les étoiles de vos poches, de vos cheveux, de vos yeux. Tout ce qui brille, vous le déposez dans le sac en plastique : vos sourires, vos souvenirs, vous n'en aurez plus besoin là où vous allez maintenant.

Les livres sont des accessoires non-accessoires pour se battre contre la nuit éternelle. Ils dorment dans mes poches, je ne les réveille que pour les prêter quand quelqu’un semble en avoir besoin.

J'aime les livres qu'on peut mettre dans les poches, trimballer, aimer, prêter, corner, donner, racheter pour relire ses passages préférés.

Est-ce qu'il ne fait pas trop froid là-bas, est-ce que tu sais les fleurs sur le toit de toi, est-ce que tu sais pour l'arbre que l'on va devoir couper, est-ce que tu sais pour le vent qui agite les volets de la cuisine et secoue ton ombre sur le carrelage?

Tu dois réapprendre à te souvenir sans te laisser bloquer par la peur.

Si on laisse ouvert trop longtemps, on va se retrouver avec des fantômes partout dans ta maison !

Je tisse comme une araignée du ciel le fil qui relie les rêves et la réalité et dans ma toile j'embarque l'espoir absolu.