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sur 79 notes
Shahriar Mandanipour est amoureux de son pays, l'Iran, mais l'amour ne rend pas forcement aveugle n'est-ce pas ?

S'aimer librement en Iran est quasiment impossible. Publier un livre évoquant ce brûlant sujet est interdit.

Alors dans ce livre plein d'humour et de références culturelles ou religieuses, il imagine une histoire d'amour entre Sara, jeune étudiante et Dara devenu peintre en bâtiment après avoir dû abandonner ses études.

Avec malice, il imagine même que ce roman sera publié dans son pays après avoir passé la censure !

On découvre avec effroi à quel point la marge de liberté des iraniens est fine dans un contexte économique peu florissant.

Les hommes et les femmes sont en permanence séparés et dans les lieux publics ils peuvent à tout moment être arrêtés arbitrairement par la milice et mis en prison sans pouvoir se défendre. La milice religieuse veille, épie en permanence. C'est insupportable et oppressant.

Découvrez comment, Sara et Dara se rencontrent dans une bibliothèque, communiquent et se revoient tout en vivant ce moment de grâce unique, la naissance tumultueuse du premier grand amour. Ils s'aiment, doutent, se disputent, désirent se revoir….

Les transgressions d'interdits religieux et les montées d'adrénaline face au danger d'être découvert pimentent la vie des amoureux mais on souffre avec eux de leur manque total de liberté. le poids des interdits est tel qu'il s'invite jusque dans l'intimité des familles. Il faut bien comprendre que tout cela n'est qu'une question de survie et en suivant le destin des deux tourtereaux, on rentre dans l'intimité du peuple iranien tout entier.

Un regard de l'intérieur qui vaut le détour.
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Sous ce titre intrigant et/ou guère attirant, se cache un roman parfaitement jubilatoire, original et instructif...



Un écrivain se prépare à conter l'histoire d'amour de Sara et Dara. Facile direz-vous. Rencontres, sorties, discussions, premiers baisers et plus si affinités. Oui mais, cela se passe à Téhéran, et en Iran pas question pour un homme et une femme sans liens familiaux de se voir à leur guise. Pas question non plus pour un auteur d'écrire ce qui peut choquer, que ce soit rayon moeurs, religion ou politique. Pas de propos grossiers non plus. Monsieur Petrovitch veille (ce nom est celui d'un personnage de Dostoievsky). Alors que fait-il l'auteur? Il biffe lui-même les passages litigieux, il discute avec lui-même, avec le lecteur et a toujours à l'esprit la réaction de Monsieur Petrovitch, qui n'hésite pas à intervenir dans le roman.



Le roman s'écrit cahin-caha, Sara et Dara, évidemment, rusent pour se connaître quand même (grâce aux livres!) et commencent à agir sans le consentement de l'auteur qui n'en peut mais, même s'il intervient lui aussi comme personnage."Je vois clairement que mon roman d'amour prend un tour que je n'avais pas prévu. l'intrigue se désintègre. Les personnages suivent leur propre partition sans parvenir à créer une harmonieuse symphonie. Je dois trouver une solution et la mettre en pratique.(...) En ce moment même un certain Petrovitch se réjouit que ce roman patauge dans la merde."



Vous l'aurez compris, ce roman est à découvrir. Des pages fort intéressantes sur la vie à Téhéran, l'histoire iranienne récente et surtout des passages éblouissants plongeant le lecteur dans une littérature séculaire et moins coincée que l'actuelle et officielle. le tout présenté avec humour.



"Il n'est ni sage ni prudent de créer des désordres et de donner ainsi l'occasion aux médias occidentaux et aux contre-révolutionnaires vivant à l'étranger de faire un coup de pub. [Sara, dans le roman]

Je suis persuadé que M. Petrovitch appréciera cette phrase."



"Mais retournons à l'université de Téhéran...

Les étudiants reçoivent toujours des coups de matraque...

Non. Cette phrase ne plaira pas du tout à M. Petrovitch."



Il faut absolument découvrir comment le film "Danse avec les loups" passe à la censure... Dialogues savoureux entre le spécialiste des questions concernant l'atteinte à l'ordre moral, le spécialiste des questions cinématographiques, le spécialiste des questions anti américaines, et M. X, le chef censeur, qui est aveugle (oui, oui, mais on lui décrit les images...)

"- Monsieur, une femme apparaît, les cheveux complètement visibles.

- Ce n'est pas un problème. Voir les cheveux d'une non-musulmane ne pose aucun problème.

- Mais ce n'est pas tout, monsieur. Tous les indiens sont torse nu.

- C'était l'habitude vestimentaire des indiens. On ne peut pas montrer des Indiens en vêtements arabes."
Lien : http://en-lisant-en-voyagean..
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L'auteur Shahriar Mandanipour s'est donné pour mission fictive d'écrire et de publier un roman d'amour dans son Iran natale. Sauf que l'exercice est périlleux dans l'Iran des ayatollahs depuis la révolution de 1979, sachant qu'un homme et une femme qui ne sont pas de la même famille ont à peine le droit de se regarder et que de nombreux comités existent pour empêcher toute corruption de l'esprit grâce à une censure étouffante...

Voilà encore une belle surprise ! Ayant quitté son pays depuis deux ans quand il publie ce livre, Mandanipour réussit un pari osé, une tâche ambitieuse, un récit surprenant et très atypique, qui mêle plusieurs niveaux de narration, intertextualité et critiques du régime et de la censure en général, laquelle empêche la création libre et l'art spontané, ainsi que crée une population frustrée, sexuellement réprimée du coup souvent violente sexuellement envers la femme ; une population désenchantée dans une société ultra codifiée et répressive.
Malgré toutes ses bonnes intentions et stratagèmes, l'auteur est constamment confronté à la censure extérieure (M. Petrovitch, qui valide ou non les oeuvres littéraires). Même ses personnages principaux sont à l'origine choisis non pas par inspiration mais pour leur neutralité, afin de passer à travers d'autres barrières. Ils sont en effet basés sur deux personnages de livres d'école pour enfants, Sara et Dara, un frère et une soeur, qui sont par la suite devenus des jouets pour remplacer les poupées Barbie et Ken de l'Occident qualifiées d'"étrangères à la culture iranienne" par un vendeur de jouets dans un article de CBS News de mars 2002 (pour donner une idée de l'amiance, cet homme continue dans l'article en disant "I think every Barbie doll is more harmful than an American missile"...). Malgré son choix initial et vu le développement de son histoire, l'auteur finira logiquement par s'auto-censurer, hanté par le M. Petrovitch en question qu'il voit partout, anticipant avec cynisme tout ce qui pourrait finir par se retrouver raturé par le Ministère de la Culture et de l'Orientation islamique.
Les personnages finissent par prendre eux-mêmes le pouvoir, ne pouvant plus être contrôlés ni par la société, ni par l'auteur dépassé par sa mission. L'ensemble est assez inhabituel, se fait non-conformiste dans le paysage littéraire, ce qui se remarque aussi bien visuellement dans la présentation du texte que dans les procédés de rédaction et de cheminement artistique de l'auteur et du récit. Tous les intervenants finissent d'ailleurs par se catapulter d'une façon ou d'une autre, de manière assez irréelle mais assez logique, comme un papier brouillon qu'on finirait par froisser et dans lequel toutes les notes (idées et personnages) finiraient par se toucher.
Même si l'histoire se termine un peu en queue de poisson sans réelle fin, l'auteur prouvant ainsi qu'écrire un roman d'amour iranien est une tâche impossible, on apprécie grandement cette lutte constante que mènent de front l'auteur et les personnages pour la liberté d'être, de circuler, de créer de l'art et d'aimer, ainsi que les dénonciations d'un régime aux incalculables incohérences et bêtises radicales sous couvert d'un protectionnalisme nationaliste et culturel. C'est dense, riche, habile, astucieux ; mais aussi lucide, profond, pénétrant, tragique et malheureux. Un plaidoyer pour la libre expression (qu'elle soit artistique ou non) et contre la fausse bienséance qui tue des gens (intérieurement, si ce n'est pas extérieurement).
L'ensemble est fascinant, bourré de références à des textes littéraires majeurs et nécessite sûrement une nouvelle lecture plus tard pour en apprécier tous les petits détails. le fait que ce soit la traduction d'une traduction (du farsi vers l'anglais et de l'anglais vers le français) fait au départ un peu peur vu qu'en général il vaut mieux éviter ce genre de procédé afin d'empêcher la perte d'informations et de style entre deux traductions, mais le texte français final est quand même très réussi et on sent très peu la présence d'erreurs, facilement notables pour un oeil aguerri.
En conclusion, ne manquez pas cette petite perle unique, pour son intérêt littéraire mais également pour sa description de la vie en Iran.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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Shahriar Mandanipoor aime son pays, l'Iran, c'est indéniable. La censure, il connaît. Après avoir fait des études de sciences politiques il se met à écrire en 1989. Rapidement il est interdit de publication, échappe à une tentative d'assassinat commanditée par la police secrète et est contraint d'émigrer aux USA en 2006. Alors quand il écrit sur la censure dans son pays, il sait de quoi il parle.

C'est par le biais d'une histoire d'amour qu'il va régler ses comptes. le postulat est simple : un jeune ex-étudiant pauvre, Dara, tombe amoureux d'une jeune étudiante riche, Sara. Et c'est réciproque. Las pour eux nous sommes en Iran, sous le gouvernement de la République islamique. Tout s'oppose à leur amour : non seulement ils ne sont pas de la même classe, non seulement elle est déjà promise à un autre, non seulement la religion les oppose, mais ils ne sont pas du même sexe !

Parce que dans la République des mollahs s'aimer librement est impossible. Alors publier, lorsqu'on est écrivain iranien, publier un livre qui parle d'amour c'est chercher les problèmes.

Publié en 2011, alors que l'auteur était réfugié aux USA, « En censurant un roman d'amour iranien » est une peinture de la société iranienne. Avec humour et autodérision l'auteur dresse le constat d'une société figée, en manque de liberté. Avec force références culturelles, religieuses, historiques, il nous livre son amour pour son pays, sa douleur d'en être loin.

L'écriture est déroutante. L'auteur s'adresse beaucoup au lecteur, le prenant à témoin, l'interpellant, lui communicant ses réflexions. de plus le texte est livré comme une écriture automatique, avec ses hésitations, ses ratures, ses interrogations. Ce faisant il nous livre la difficulté pour l'écrivain, mais aussi pour le peuple iranien, de s'exprimer, de vivre tant les contraintes sont omniprésentes, tant tout peut être mal interprété. Quand l'écrivain imagine les critiques que lui fera le censeur il met l'accent sur les ruses que les amoureux iraniens doivent imaginer pour vivre leur amour.

Si le procédé amuse ou fait rire au départ, il finit par lasser. Dommage, car cette entrée dans l'intimité du peuple iranien n'est pas sans intérêt.
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Comment rester indifférent à un tel titre et à une telle couverture, surtout quand, avec un couple d'amis, nous échangeons des livres pour occuper intelligemment le confinement...
" "Tu devrais aimer !...." " m'ont-ils dit ! Un grand merci à vous deux!
....Sara cherche le livre "La chouette aveugle" à la bibliothèque. Il n'y est pas. Coup de chance, un homme le vend d'occasion sur le trottoir.
Le livre contient une lettre lui proposant de reconstituer un message en ne lisant que les caractères du roman soulignés d'un point violet....début d'un jeu de piste qui lui propose par la suite d'emprunter "Le petit prince".
Le correspondant anonyme lui explique comment lui répondre, comment il pourra lui, à son tour poursuivre cette conversation à partir d'un livre qu'il choisira dans la bibliothèque, et qu'il lui demandera d'emprunter...Elle ira jusqu'à lui écrire un message de 50 caractères en lui imposant la lecture de Guerre et Paix, sur lequel elle a placé un 1 point violet sous chacune des lettres composant le message...
Un romanesque exigeant...mais ce n'est que le début d'un roman d'amour platonique entre Sara et l'inconnu Dara...ce n'est que le fil conducteur qui permet à Shahriar Mandani de nous proposer trois lectures sous ce seul titre...
Devant la feuille blanche, l'auteur commence cette bluette, commence à écrire cette histoire d'amour pas banale, histoire d'amour que nous verrons écrite en caractère gras, bluette entre deux ados qui portent des noms passe-partout en Iran. Histoire d'amour originale quant à son scénario...puis des mots barrés apparaissent, ceux que la censure interdirait..cette auto-censure que s'impose l'auteur de ce roman d'amour..."Si j'écris ces mots, ils seront censurés"...."Non je dois écrire"..."ça, ça ne passera pas" !
Une censure qu'il connaît bien, incarnée par Monsieur Petrovitch que tout écrivain iranien connaît bien...rien n'est nouveau sous le ciel iranien.
Ce dernier analyse avec lui les phrases ou les mots interdits, censurés, lui explique qu'il ne doit parler que de la beauté du monde créé par Dieu, mais nullement écrire le mot sein, ni jamais décrire le corps de la femme.....Bien triste réalité de cette censure iranienne associée à l'hypocrisie religieuse d'un homme et d'un pouvoir. Cette deuxième lecture du livre et de la censure iranienne laisse bien peu de place la la liberté, à l'amour, à la créativité des auteurs...Bien triste formatage des ouvrages et des esprits
Comme dans toute histoire d'amour banale entre une belle jeune fille et un jeune homme pauvre, apparaît le riche monsieur, plus tout jeune...prétexte pour l'auteur de nous proposer la troisième lecture, une lecture de la vie en Iran, de la société iranienne, où se mêlent dans le récit prisonniers politiques, police des moeurs, soirées alcoolisées, vieux riches à la recherche de chair tendre, voisins délateurs, BMW et vieilles guimbardes, et j'en passe.
Ah! qu'il est difficile pour un garçon et une fille d'y vivre une histoire d'amour au grand jour !
Bref, un roman qui ne laisse pas indifférent, loin de là !
Nous nous plaignions de notre manque de liberté, des contrôles de la police, etc...ceux-ci n'ont duré que quelques semaines pendant ce confinement...ce titre nous montre le courage d'un peuple cultivé qui en endure bien plus depuis bien des années.
Shahriar Mandanipour évoque notamment Abbas Kiarostami, réalisateur iranien qui eut des ennuis à son retour de Cannes, où il reçut la palme d'or en 1997 pour "Le goût de la cerise" parce que Catherine Deneuve lui avait fait la bise mais aussi le marché noir, les bons d'achat, les médicaments difficiles à trouver sauf sur les marchés non officiels...
Nous pouvons grâce à l'humour et à la dérision de Shahriar Mandanipour nous rendre compte de notre bonheur, des difficultés, le mot est bien faible, affrontées par le peuple iranien.
"Après tout, l'un des avantages de la lecture d'un récit romantique est que l'on ressent les expériences éprouvées par l'auteur et par ses personnages."....(P. 243)
Un excellent roman donc ! Un roman qui de plus vous suggère bien d'autres lectures.
"Plus les années passent, plus il est certain que nous autres Iraniens appartenons à une nation qui n'a pour lot que tristesse et chagrin." (P. 381)


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C'est un livre que j'ai reçu dans le cadre de la Kube, donc recommandé par un libraire. Si j'ai trouvé le thème intéressant - les lendemains après la chute du Shah en Iran et l'avènement des ayatollahs - j'ai été en revanche moins convaincue par le traitement. L'auteur écrit ou essaye d'écrire un roman d'amour mais sa plume est sans cesse entravée par la censure, reflet d'une société entièrement contrôlée et qui, donc, vit dans la paranoïa. le traitement est original mais je n'ai malheureusement pas réussi entièrement à accrocher. J'ai trouvé l'écriture trop fragmentée, sans doute avais-je envie de lire une véritable histoire d'amour (sans censure). Une voix néanmoins à découvrir car les romans traduits du perse sur cette période historique sont peu nombreux.
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J'avais déjà repéré ce titre lors de sa sortie et puis il est sorti de ma tête jusqu'à ce que je le vois en format poche sur un des étals de ma librairie. Prise de doutes, je le repose. Une fois rentrée, je fais le tour des critiques, plutôt disparates mais l'avis de Keisha achève de me convaincre et je retourne à la librairie.
Une fois le précieux bien convoité entre mes mains, je m'y plonge aussitôt.
A présent je l'ai terminé et je n'ai qu'une envie : le relire.
J'ai vraiment adoré ce roman qui concentre en quelques 400 pages tout ce que j'aime dans la littérature.

L'objectif de l'auteur à travers ce roman est de nous montrer à quels problèmes lors de l'écriture est confronté un auteur iranien qui souhaite être publié dans son pays. Pour cela, Shahriar Mandanipour va se mettre lui-même en scène ainsi que le censeur M. Petrovitch ( oui oui, le juge chargé du cas Raskolnikov dans Crime et châtiment).
Les transformations opérées dans le texte sont rendues visibles : en gras le corps de l'histoire d'amour que l'auteur veut raconter, les passages susceptibles de ne pas passer la censure sont rayés, en forme normale les interventions de l'auteur, ses dialogues avec M. Petrovitch, le roman tel qu'il aimerait le raconter, les anecdotes et des tas d'autres petites choses intéressantes.
Vous l'aurez compris, le plus intéressant dans ce livre n'est pas l'histoire d'amour en elle-même mais la façon dont elle est racontée et pourquoi elle est racontée de cette façon et pas d'une autre. Shahriar Mandanipour ponctue donc son récit de nombreuses références littéraires notamment iraniennes ce qui nous permet de la découvrir dans toute sa subtilité où la symbolique est très importante. En Iran, la religion ne permet pas la proximité homme-femme telle que nous la connaissons chez nous. Les relations amoureuses se font en cachette et dans la littérature elles se cachent sous de nombreuses formes poétiques puisant dans les registres de la nature. Ce que Shahriar Mandanipour nous démontre à merveille en analysant pour nous quelques vers célèbres, le passage est d'une ironie mordante et on ne peut s'empêcher de sourire.

Outre la littérature iranienne, c'est aussi quelques pans de l'histoire du pays mais surtout des contes de grand-mère et des légendes que l'auteur nous fait découvrir pour notre plus grand plaisir. Ainsi vous connaîtrez la légende liée aux roses de Damas et vous ferez connaissance avec Shinin et Khosrow personnages très célèbres de la littérature iranienne grâce auxquels vous comprendrez pourquoi l'Iran, au cours de sa longue histoire, s'est toujours fait envahir.
En plus d'avoir un aperçu de la richesse de la culture iranienne, En censurant un roman d'amour iranien vous emmène au coeur du pays et vous fait partager le quotidien des iraniens jamais à court d'idées pour contourner les lois qui leur interdisent tout contact avec l'Occident ( que ce soit à travers la télévision, la musique, le cinéma, la littérature…) et toujours prêts à échapper aux patrouilles de la Campagne contre la corruption sociale.

la suite sur le blog : http://booksandfruits.over-blog.com/article-en-censurant-un-roman-d-amour-iranien-shahriar-mandanipour-106026684.html
Lien : http://booksandfruits.over-b..
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L'auteur prend son lecteur par la main pour lui raconter son pays de façon très étonnante: il nous chuchote une histoire d'amour à l'oreille, avec ce qu'elle peut avoir de plus romantique dans l'Iran d'aujourd'hui, prétexte pour dénoncer les dysfonctionnements de son pays.
Plein d'humour, d'ironie et de références culturelles, ce roman écrit par un esprit malin saura vous surprendre pour vous emmener jusqu'à la fin.
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Comment peut-on être persan et amoureux ? Être amoureux à Téhéran, est-ce pareil qu'être amoureux à Paris, New York, Moscou, Tel Aviv ? Et même, de plus en plus fort, Mesdames, Messieurs, comment peut-on écrire un roman d'amour en Iran?
De vous à moi, c'est un euphémisme de dire que je connais mal la littérature iranienne. Si l'on excepte un détour par le très plombant et rapidement avalé La Muette de Chahdortt Djavann, disons que j'ai comme un blanc entre les quatrains d'Omar Kayyham et Marjane Satrapi. 1000 d'inculture, au bas mot. Et que je ne sois pas la seule dans ce cas n'est pas vraiment une excuse, n'est-ce pas ?
Inculte en la matière comme en tant d'autres, je sais de l'Iran ce que me souffle l'air du monde comme il va : dictature religieuse, uranium, droit de rien du tout. Alors, d'approximations en méconnaissance, sommes-nous condamnés à regarder ces persans sans rien chercher d'autre qu'un exotisme rendu menaçant par un contexte géopolitique plus que délicat ?
Or c'est tout le propos de Mandanipour que de rappeler que non, l'Iran ne se réduit pas à 30 ans de piétinement systématique des droits fondamentaux (par ailleurs bien plus ancien que la chute du shah), qu'il s'agit toujours et par devers tout de l'une des plus vieilles civilisations du monde et que, partant, surtout !, c'est une terre d'histoires. de contes, de poèmes, d'images. de romans. D'où le paradoxe fondateur : pourquoi et comment dans un pays dont la langue est si riche qu'elle peut sans fin inventer des métaphores sexuelles qui ne se répètent jamais est-il impossible d'écrire un malheureux récit d'amourette entre étudiants ?
En censurant un roman d'amour iranien n'est pas un roman d'amour. C'est l'histoire d'un roman qui tente de prendre forme, une manière de brouillon magnifique, revendiqué, bordélique à souhait. On suit vaguement l'histoire des amoureux de Peynet nouvelle formule, Sara et Dara ainsi nommés en hommage aux petits personnages des livres de lecture des écoliers iraniens. Sauf qu'ils ne sont jamais seuls, parce que leur auteur souffre visiblement du complexe de Dieu (oui, pléonasme, tout ça, je sais) et parce que c'est le pays qui veut cela, semble-t-il. Et parce que les plans se mélangent, les réalités s'interpénètrent. le fictif, le sur-fictif, le biographique, tout en même temps. Au premier plan, l'histoire de deux amoureux, très, très, très romanesque et donc très, très, très peu crédible. Il l'aime, il la cherche, il la séduit – chastement, ô combien chastement – elle hésite entre l'amoureux pauvre mais intègre, et le prétendant riche et parvenu, il se fâche, elle hésite un peu moins, etc., etc., etc. C'est mignon et d'un intérêt artistique digne d'un nanar Bollywood, avec en sus le risque permanent de finir lapidé dans un stade. Au détour d'un tendre tête-à-tête au dialogue stéréotypé resurgit l'actualité brutale, comme le fait – sordide – que le seul endroit où un homme et une femme peuvent se côtoyer sans crainte et donc se donner rendez-vous, c'est la salle d'attente des urgences. Quelques mètres plus loin, mirage d'Haschischin et de colporteur d'onguents magiques, fantômes de poètes morts et d'assassinés, souvenir de deux mille ans de littérature, silhouettes réchappées d'autres histoires, de la grande Histoire, trois petits tours et puis s'en vont…
Face à cela, l'Iran d'aujourd'hui, une dictature, une machine à broyer la pensée, l'art, l'humain. Sara est étudiante en littérature, oui, mais toute oeuvre de moins de 200 ans interdite et il n'existe pas de livre qui ne soit pas caviardé par la censure. Dara était étudiant en cinéma, oui, mais communiste également : plusieurs mois de prison et d'isolement plus tard, il est rayé des listes de l'université, ne soutiendra jamais sa thèse parce que tout simplement, il n'existe pas. Méthodiquement déconstruit par l'administration, Dara est peintre en bâtiment. L'administration, justement, thème universel s'il en est - rappelez-moi de vous faire une Page Arrachée à ce sujet. Comme si rien ne rapprochait plus les peuples que de devoir passer six heures devant un guichetier revêche ceint d'une armada de procédures contradictoires : la référence à Kafka est manifeste, assumée (la thèse avortée de Dara portait d'ailleurs sur l'adaptation par Orson Wells du Procès. Ironie du sort). Terrifiante. Affolante de bêtise (voir la scène tragi-comique où l'auteur essaie de faire enregistrer les prénoms de ses enfants). Elle ne broie pas l'humain, elle le découpe en petites cases disjointes. L'autre versant de l'administration, c'est la censure, incarnée, entre autres, par ce fonctionnaire chargé de visionner tout programme avant sa diffusion. Un aveugle, au sens propre.
Pendant ce temps-là, entre les plans, se promène notre auteur… Je fais la maline depuis le début de cet article en faisant des références à la mords-moi-le-doigt à la littérature des Lumières, mais le fait est qu'on y pense souvent. Non pas tant à Montesquieu qu'à Diderot et Jacques le fataliste, car l'auteur-narrateur ne cesse haranguer son lecteur, de se moquer gentiment de ses attentes de lecteur de roman. « Demandez-moi comment… et je vous répondrai… » ne cesse-t-il de répéter, ce que l'on peut aussi lire comme un souvenir des poèmes épique, dont les refrains et retours soutiennent la narration et aident à la mémorisation. L'auteur occupe le devant de la scène, partout, sans arrêt, dans un style brillant-voyant tout en (auto)dérision et effets de manche parfaitement assumés. Grosses ficelles ? Un peu, mais il s'amuse manifestement, et nous avec (moi avec, en tout cas – j'avoue être bon public et avoir éclaté de rire et de bon coeur à une ou deux reprises). Face à lui, sa Némésis, le censeur Pétrovitch. On se souviendra que c'est par ailleurs le nom du juge qui condamne Raskolnikov au goulag. le Pétrovitch iranien, lui, poursuit le malheureux romancier à chaque page, de sorte que celui-ci finit par intérioriser son censeur, prévoir les mots à biffer, pensées à dissimuler. Tel est le véritable danger : ne plus pouvoir penser une littérature libre. S'interdire de concevoir, à l'instar de cet homme aux pensées traquées. C'est le sens du titre, ce me semble : écrire EN censurant, dans le même temps. En psychologie, cela s'appelle une injonction contradictoire et cela rend non seulement incapable d'agir mais également cinglé. Comment ne pas devenir cinglé ? En écrivant. Oui mais alors… ?

La véritable intrigue du roman, on l'a compris, est bien d'écrire un roman, et pour ce faire l'auteur lutte pied à pied avec les institutions, sa propre «iranité», la littérature en général qui hante les pages par paquets de 10 références. Épuisant. Presque épuisant à lire, d'ailleurs, trop brillant, quasi clinquant, trop dense et il est difficile d'oublier que les deux protagonistes n'ont aucun intérêt, même si c'est fait exprès. L'auteur lui-même finit par totalement s'en désintéresser pour mieux souligner l'amer constat qui émerge du chaos final : écrire un roman d'amour iranien, ce n'est pas possible. Est-ce seulement souhaitable ? Sous couvert de galéjades, d'anecdotes, de set de ping-pong avec le lecteur, le propos est plus que pessimiste. La lecture, elle, reste en demi-teinte
Lien : http://luluoffthebridge.blog..
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Ecrit en 2008. L'auteur vit aux USA depuis 2006. J'ai lu ce livre parce que l'auteur est Iranien et qu'il était mentionné dans le livre « Voyage en Iran » de Nedim Gürsel

Je n'ai pas beaucoup accroché avec l'histoire, mais je reconnais que l'auteur réussit une prouesse d'écriture. Il essaie de raconter l'histoire d'amour de Dara et Sara tout en se censurant lui-même, sachant que son livre va être relu par un censeur officiel. Cela donne des situations cocasses et beaucoup de phrases raturées. L'auteur exprime ainsi beaucoup de ses opinions sur son pays, le pouvoir (celui du Shah et celui actuellement en place), les moeurs, et l'impossibilité pour un jeune homme et une jeune fille de se voir et de se fréquenter.

Il y a quelques incongruité dans le roman que je n'ai pas comprises : l'histoire de Dara et Sara est vraiment toute simple mais se finit bizarrement. Il y a le cadavre d'un nain bossu qui est trimbalé tout au long du livre et je n'ai toujours pas compris pourquoi.

L'auteur a du talent et beaucoup d'humour (caustique). Cependant, je n'ai pas aimé l'atmosphère volontairement sensuelle et l'obsession de l'auteur sur les seins des femmes (évidemment raturés mais quand même bien présents !)

Quelques pépites : l'auteur explique aux jeunes iraniennes que non, tous les magazines de mode dans le monde ne sont pas coloriés de « noir ». Avant l'usage du « Magic Marker » recouvrant bras et jambes et tout en noir, les magazines étaient découpés par une petite cellule de fonctionnaires dont c'était le métier.

Extrait de la polémique concernant le film « Danse avec les loups » :
Le spécialiste des questions concernant l'atteinte à l'ordre moral rétorque : Danser est danser. Croyez-vous que les Iraniens songeront à danser avec les loups quand ils verront ou entendront le mot « danse » ? Ils vont immédiatement imaginer la danse du ventre arabe. Les occidentalisés penseront au tango, et à peine penseront-ils à la danse qu'ils se mettront à danser… Leur péché pèsera sur vos épaules, mon frère.

Sur le voile : Comme de nombreux Iraniens éclairés, Dara a honte plus ou moins consciemment, de son incompétence et de sa passivité, lorsque après la révolution on contraignit, par la force ou en leur enfonçant des punaises dans le front, leurs mères, soeurs et épouses à porter des foulards et des tchadors, puis qu'année après année on les privait de leurs droits humains.

Sur les Musées et antiquités : Ces scélérats d'Occidentaux ont emporté la plus grande partie de nos trésors anciens, qui se trouvent aujourd'hui dans les musées de Londres, Paris, New-York. Partie raturée : « Peut-être est-ce mieux ainsi. Au moins ils sont en sécurité et personne ne les volera. »
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