Ces retrouvailles avaient la légèreté d’un ballon gonflé à l’hélium qui se dandine au bout d’un fil et la saveur d’un bonbon oublié de l’enfance.
Et le sourire qu’elle affiche est d’une telle sincérité qu’il en reste interdit. Il n’imaginait pas que le bonheur puisse se loger dans quelque chose d’aussi simple, d’aussi « intérieur » et gratuit. Peut-être qu’avant il mettait la barre trop haut... Or depuis que le malheur est son quotidien, il sait que s’il voulait bien le lâcher un peu, ce serait peut-être déjà le début du bonheur...
A mesure qu'ils s'approchent de Paris, Antoine sent néanmoins une sorte de malaise l'envahir. Il n'a pas envie de reprendre le travail demain, il n'a pas envie de quitter Rose. Il ne sait même pas quand ils vont se revoir. Ni dans quelles conditions. Que seront-ils alors l'un pour l'autre ? Il se prépare à l'amitié. Ce ne sera pas si facile... L'amour ne pourra se décréter dans le cœur de Rose. Si elle ne ressent rien pour lui, il ne pourra que s'incliner face aux mystères que revêt ce sentiment tout-puissant contre lequel on ne peut rien.
Parvenus là haut, sur la crête, le panorama est superbe. Elle reste sans voix. Il la regarde, assez content de son petit effet ; Il connaissait bien cette vue sur le massif du Mont-Blanc. Ils retirent leur sac à dos et s'assoient pour pique-niquer………………
- Devant ce panorama aussi vous êtes blasé ?
- Pourquoi dis tu cela ? demande t'il étonné
- Vous ne regardez pas……
- Je le connais par cœur.
- Ah oui ? mais ces nuages en troupeau, là bas, par lesquels le soleil fuse difficilement, ils n'étaient pas là la dernière fois que vous êtes venu, si ?
Il trouve sa remarque étonnante plus qu'insolente, et regarde ce qu'elle lui désigne avec son doigt.
- Et ces oiseaux qui tournoient ? Et ce tapis de fleurs violettes ? Est ce que vous sentait la même odeur ? Est ce que vous entendiez aussi siffler les marmottes ?
Antoine n'a même pas prêté attention à tout cela.
- Vous qui n'avez jamais le temps...pourquoi ne le prendriez vous pas maintenant pour apprécier ce qui vous entoure comme il se doit ? …….Profitez de ce moment……...moi en tout cas, j'ai très envie de profiter de cette chance que vous m'avez donnée de vivre ça.
La solitude, quand elle est pleine et vivante, est aussi un cadeau... bien plus qu'une vie de couple bancale et insatisfaisante.
Et jusqu’à présent il a tout fait pour avoir plus : travailler (trop), réussir (plus que les autres), gagner (toujours) plus…Il a…mais QUI a ? Qui est-il ? Vit-il une vie en accord avec son être profond ? Cet être qui en ce moment même se sent ici plus en vie que n’importe où ailleurs… Et si au lieu d’avoir, il essayait d’être ?
Un jour, on SAIT, c'est tout. Tu n'as qu'à faire la somme de tout ce que tu aimes chez elle... Et puis, il y a une question imparable: est-ce qu'elle te manque?
Il n'imaginait pas que le bonheur puisse se loger dans quelque chose d'aussi simple, d'aussi "intérieur" et gratuit. Peut-être qu'avant il mettait la barre trop haut... Or depuis que le malheur est son quotidien, il sait que s'il voulait bien le lâcher un peu, ce serait peut-être déjà le début du bonheur...
Nombreux sont ceux qui doivent s'identifier à lui, se projeter dans son malheur, imaginant sa vie future. Mais personne, au grand jamais, ne souhaiterait être là à sa place. Sûrement pleurent-ils pour lui, mais aussi sur eux-mêmes.
Il était seul même dans la foule. Au fond, il aurait préféré être seul chez lui, sans spectateur ayant vue sur sa vie anéantie.