Au réveil, images fragmentaires et incohérentes, où il était à la fois enfant et adulte. Pas de scènes compréhensibles cependant ; le rêve était comme un navire disparaissant dans un banc de brouillard.
L'espace d'un instant, cette certitude le laissa complètement démuni. Il ne pouvait penser qu'à une chose : l'épisode, quelques années plus tôt, au cours duquel il avait failli heurter un élan près de Tingsryd.
Mais à l'époque, c'était la nuit et il y avait du brouillard. Cette fois-ci, il s'était endormi au volant.
La fatigue.
Il n'y comprenait rien. Elle lui était tombée dessus sans prévenir, peu avant son départ en vacances au début du mois de juin. Cette année, exceptionnellement, il avait voulu prendre ses vacances très tôt, avant l'été. Elles avaient été gâchées par la pluie. Le beau temps était arrivée en Scanie juste au moment où il reprenait le travail, peu après la Saint-Jean.
Le mercredi 7 août 1996, Kurt Wallander faillit être tué dans un accident de la route, à l'est d'Ystad.
Il était tôt, à peine six heures du matin. Il venait de traverser Nybrostrand en direction de l'Österlen. Soudain, un poids lourd surgit devant sa Peugeot. Il perçut l'avertisseur du camion à l'instant même où il donnait un brusque coup de volant.
Il s'immobilisa au bord de la route. La peur ne le rattrapa qu'à ce moment-là. Cœur cognant à se rompre, nausée, vertige. Il crut qu'il allait s'évanouir. Il serra le volant de toutes ses forces.
Quand il fut un peu calmé, il commença très lentement à comprendre ce qui s'était passé.
Il s'était endormi au volant. Une fraction de seconde avait suffi pour que sa vieille voiture franchisse la ligne blanche.
Une seconde de plus et il aurait été écrasé par le poids lourd.