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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Si j'ai beaucoup aimé les deux romans précédents de Pascal Manoukian sur l'immigration (« Les échoués », « Ce que tient ta main droite t'appartient »), le sujet de son dernier roman n'était pas forcément là pour me séduire. Il aura cependant suffit de deux personnages attachants et de mots justes pour que l'auteur parvienne à me rallier entièrement à la cause ouvrière…

« A mon père, ouvrier gaulliste, à ses années chez Renault.
A ma mère, ouvrière à 13 ans.
Aux communistes, qui m'ont fait découvrir les vacances. »

Cette dédicace de l'auteur plante immédiatement le décor avant de plonger le lecteur dans le Nord de l'Oise, de nos jours, dans une région où l'industrie, qui avait jadis remplacée les paysans, est dorénavant synonyme de crise économique. C'est donc dans une ambiance de mondialisation, de délocalisations, de licenciements, de chômage et de dettes que le lecteur fait la connaissance d'Aline et Christophe, un couple qui parvenait encore à payer ses crédits, voire même à entrevoir un avenir meilleur pour leurs deux enfants,… jusqu'à ce que l'épée de Damoclès qui planait au-dessus de leurs têtes, vienne également faucher leurs espoirs, leurs rêves et leur avenir.

Pascal Manoukian livre certes une chronique sociale qui invite à partager toute la détresse d'un monde ouvrier qui a du mal à garder la tête hors de l'eau face aux délocalisations, mais il livre surtout un récit profondément humain, qui décrit avec grande justesse l'impuissance d'individus pourtant courageux et déterminés, face au rouleau compresseur nommé mondialisation. Une fois l'empathie au rendez-vous, peu importe le sujet, le lecteur vibre avec les personnages, vit l'humiliation, le désespoir et la colère qui accompagne leur descente aux enfers… ne peut rester indifférent. Et c'est là toute la force de Pascal Manoukian : se placer à hauteur d'homme afin de faire entendre la voix de ceux qu'on ne cherche pas forcément à entendre et trouver les mots justes afin d'ouvrir nos yeux sur le monde qui nous entoure.

« le paradoxe d'Anderson est un paradoxe empirique selon lequel l'acquisition par un étudiant d'un diplôme supérieur à celui de son père ne lui assure pas, nécessairement, une position sociale plus élevée. »
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Fils d'un couple d'ouvriers, c'est avec beaucoup d'émotion que j'ai lu ce roman. Même si mes parents ont cessé le travail avant que la mondialisation et la désindustrialisation atteignent des proportions complètement folles et qu'ils n'ont jamais connu le chômage, j'ai retrouvé de nombreux éléments de mon enfance dans ce livre. La peur du lendemain, les fins de mois parfois difficiles, l'espoir suscité par les enfants et la peur qui s'en mêle, les diatribes à l'encontre du patronat.
Je n'avais qu'une crainte avant d'entamer ma lecture, à savoir une accumulation de clichés sur le monde ouvrier. Eh bien que nenni! Pascal Manoukian maîtrise très bien son sujet et ne bascule pas dans le misérabilisme. Christophe et Aline ne sont pas des gens tristes et insignifiants. Ils ont une vie sociale et amoureuse et, si ce ne sont pas des intellectuels, ce sont loin d'être des imbéciles.
J'ai beaucoup apprécié ce roman qui montre de façon éloquente comment la classe ouvrière est sacrifiée sur l'autel des profits. Rédigé dans une langue simple et accessible, le paradoxe d'Anderson est une lecture qui ne laisse pas indifférent.
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Le paradoxe d'Anderson est un paradoxe empirique selon lequel l'acquisition par un étudiant d'un diplôme supérieur à celui de son père ne lui assure pas, nécessairement, une position sociale plus élevée.
Manoukian crée ici un monde dont la noirceur est effrayante, mais cet univers imaginé par l'auteur est le notre et c'est bien là que l'affaire devient inquiétante.
Il nous est décrit une vue bien dégagée sur les usines vides, comme ça quand celui qui va pointer au chômage passe devant ce paysage décharné, il se jure que que la prochaine fois qu'il trouvera de l'embauche il fermera sa gueule !
Connaissez vous l'histoire de l'écureuil roux ? Il pèse à peine trois cents grammes et n'a pratiquement aucune réserve de graisse. Il doit constamment calculer combien il perd d'énergie à chercher de la nourriture et combien il en gagnera à la trouver. Il n'a aucune marge d'erreur. Tour ce qu'il mange il le dépense. C'est comme l'ouvrier, on le prive un jour et on le met en danger.
Et puis un jour sont venus les écureuils gris d'Asie. Plus dociles, résistants, durs au mal et mangeant un peu n'importe quoi... la suite se devine aisément ! Ils ont tellement proliféré que les roux maintenant ont du mal à se nourrir.
Alors Aline, Christophe, Léa et son petit frère qui a déjà tant de mal à respirer vont traverser cette mer agitée. Les marins le savent, il existe une vague à laquelle rien de résiste. On la nomme la scélérate.
Bonne chance, hissez haut !

On retrouve le style particulier de Pascal Manoukian. Les mots au service d'un thème. Un roman difficile. J'ai pensé que Thomas B. Reverdy avait abordé le sujet dans IL ETAIT UNE VILLE avec plus de sensibilisé.
A lire un jour de grand vent quand on se sent parfaitement en équilibre.
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En nous racontant l'histoire de Christophe, Aline et Léa, en décrivant leur vie, leurs espoirs et leur désenchantement, Pascal Manoukian fait une formidable démonstration de ce qu'est la société dans laquelle nous vivons. Fermeture des usines et délocalisations, inégalité des chances malgré l'école de la République, paupérisation de la classe ouvrière.
Et pour cela, il sait trouver les mots, les images et les comparaisons, les situations et les formules qui frappent et qui font mouche.
Tant et si bien que cela a été trop pour moi, trop appuyé, trop souligné.

Si j'ai apprécié le plaidoyer, j'ai fini par garder une certaine distance et perdre l'empathie tout d'abord ressentie pour les personnages.

Cela n'enlève en rien à la qualité de l'écriture et à la force du propos qui aurait gagné à être parfois un peu plus implicite.
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L'énergie et l'imagination de Christophe pour détourner la mauvaise humeur, le moral au plus bas, distraire et enchanter ses enfants et sa femme, tout cela au quotidien et avec ses moyens est plus que louable.
Mais l'émotion, la colère, l'empathie même envers le protagoniste retombent lorsque, - héroïsme ou égoïsme? -, le père opte pour un choix discutable.
Il est vrai que l'artiste n'est pas là pour apporter des réponses mais pour poser des questions. Ici, il s'agit de la remise en cause du capitalisme.
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Un univers que je connais bien puisque j'ai travaillé pendant 10 ans dans une usine d'un grand groupe hollandais.
Au plus fort de l'activité, nous étions 2500 salariés, les lignes de production tournaient 24h/24.
En 2006, ce fut la fermeture définitive du site !
Plusieurs vagues de licenciements ont eu lieu et c'est par "wagon" que j'ai vu mes collègues partir...

A la lecture de ce roman, je me suis replongée dans ce milieu qui m'est très cher.
Un monde du travail différent, une ambiance que l'on ne retrouve pas dans les autres secteurs !
Il faut y travailler pour comprendre, ce sont des rapports humains particuliers... C'est vivant, humain, brut et sous le signe de l'entraide.

« Vivre sans usines, c'est vivre sans poumons. »

Pascal Manoukian nous raconte la descente aux enfers d'une famille ouvrière où le couple travaillant chacun dans une usine, se voient licencier l'un après l'autre, dans une région où le chômage prédomine.

C'est le choc ! C'est le début des déboires, des tracas, une dégringolade du niveau de vie qui chute irrémédiablement.
Les factures impayées, les prêts non honorés, l'argent qui manque, le sur-endettement. Et surtout la honte et une immense peur de tout perdre...

C'est une histoire poignante que l'on va suivre avec ce couple, Aline et Christophe. Ils essayent de se battre férocement, afin de s'en sortir.
Retrouver du travail, se débrouiller avec les moyens du bord allant même jusqu'à voler, tout est bon pour ne pas montrer à leurs enfants, qu'ils sont dans une situation dramatique.
Sauver les apparences pour les deux êtres qu'ils aiment le plus : leur fille qui passe le bac cette année et qu'ils ne veulent pas perturber et leur fils, malade qu'ils ne veulent pas inquiéter.

Une pression de tous les instants, de tous les jours !

Une tension permanente tellement forte qu'ils pensent à l'irréparable...

Vous l'aurez compris, c'est un roman fort qui aborde des sujets graves et très actuels comme la mondialisation, la délocalisation, la précarité, la déchéance, le chômage, le déclassement qui font frémir et qui bouleverse chacun de nous.

Une histoire puissante qui parle de la crise du monde ouvrier et la fragilité sociale.

De ces drames, malheureusement, s'ensuivent des actes désespérés !

L'auteur décrit la détresse des ouvriers licenciés où LEUR MONDE s'écroule, emmenant toute la famille dans leurs désarrois.

Car y a-t-il réellement une issue quand on a tout perdu !

"Elle aimerait changer de trottoir, de famille, de maison. Ne plus penser à tous les obstacles, se vider la tête et s'envoler telle une perchiste au-dessus de la barre, la passer enfin après tant d'échecs."

Lorsque ces femmes et ces hommes sont acculés et non plus aucune solution, perdant tous ce qu'ils ont construits tout au long de leur vie, à "la sueur de leur front"? Y a-t-il encore de l'espoir ?

C'est en étant abasourdie et horrifiée, que j'ai refermé cet ouvrage, car nous ne sommes pas loin de la réalité !

Un roman "coup de poing" qu'il faut lire évidemment !
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Un roman social coup de poing, terriblement d'actualité sur la France des déclassés, des délaissés, douloureux et nécessaire.
J'ai été emporté par le destin de ce couple de salariés pauvres qui se débattent jour après jour avec leurs factures, veulent conserver leur dignité et assurer un avenir à leurs enfants en les préservant. Ils prennent de plein fouet la crise, la fermeture de leur usine et le déclassement qui suit.
Un texte fort qui aurait peut-être gagné à être plus nuancé ; en effet, j'ai trouvé les démonstrations trop manichéennes et l'intrigue parfois invraisemblable.
Il n'en demeure pas moins que Pascal MANOUKIAN reste un homme et un auteur humaniste et engagé que j'affectionne particulièrement, que je continuerai à suivre. Son écriture demeure addictive et acérée.
J'ai, de loin, préféré les autres romans de l'auteur dont « Les échoués » qui reste d'utilité publique.
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Aline et Christophe s'en sortent bien.

Juste bien, mais bien.

Ca pourrait être tellement pire.


Tous deux sont ouvriers, qualifiés, ils gagnent même un peu plus que le SMIC, il n'y a vraiment pas de quoi se plaindre. Ils ont le même emploi depuis des années et des années. Tout ira bien. Leur aînée, Léa, s'apprête même à passer le bac et à entamer des études supérieures.


La machine est bien rodée.

Mais comme toute machine, il ne suffit que d'un grain de sable pour que la belle mécanique huilée s'enraye.
Et aujourd'hui, dans notre société vorace, précipitée et aveugle, lorsqu'une machine s'enraye, elle ne se contente pas de gripper un peu, non. Elle dévale toute la pente.



Il ne reste plus à Aline et Christophe que leur imagination, pour tenter de déployer un ensemble de caches-misère, de stratégies, de trésors de débrouille, pour masquer une réalité qui finira de toute façon par s'imposer.

Et c'est terriblement émouvant.



La plume de Patrick Manoukian est directe, juste, actuelle et pertinente. En s'attachant à décrire ce petit destin parmi d'autres, l'histoire somme toute cruellement banale de cette famille de quatre, c'est évidemment une réalité bien plus sournoise qu'il déploie, la vérité cynique et écoeurante d'une société en déliquescence. Plus rien n'y fait sens, c'est même ce qu'illustre parfaitement le fameux paradoxe d'Anderson autour duquel tout le roman tourne : un enfant d'ouvrier, même diplômé du supérieur, même après des études plus longues que celles de ses parents, n'a aucune assurance d'accéder à une position sociale plus élevée.



Le miracle capitaliste est en panne, ne reste plus que la réalité : le licenciement, la dérive sociale, la colère. Et le Paradoxe d'Anderson est l'expression parfaite de cette colère, sans jamais verser dans le misérabilisme, sans jamais verser dans le pamphlet non plus. C'est justement par cette mesure, ce réalisme, cette justesse de ton que le roman convainc. En s'attachant à rendre justice à cette famille d'une combativité sans nom, l'auteur parvient non seulement à fédérer le lecteur à cette cause particulière, mais à s'interroger sur une réalité sociale bien plus complexe et importante. Evidemment, une telle démarche peut paraître usée ou vue et revue, mais il faut ici saluer l'intelligence avec laquelle Manoukian mène son histoire : si le roman s'ouvre de façon assez classique, avec des scènes de vie "classiques" de la vie ouvrière, il se teinte très vite d'une dimension "farcesque", à la limite de la parabole, avec des scènes que l'on sait volontairement exagérées mais qui viennent souligner de façon plus que saisissante des faits que l'on sait avérés. On ne révèlera rien de l'intrigue ici, mais pour vous allécher, voici en quelques mots ce qui vous attend : cynisme, indignation et désobéissance civile.



On a donc deux romans en un : le roman sensible, poignant, un peu éculé sans doute mais très juste dans son ton, celui du drame familial et du glissement vers la misère sociale, et le roman qui se sait roman, le roman qui crée toute une fable aussi glaçante qu'hilarante. Les deux se mêlent étonnamment bien, et donnent une coloration toute particulière à ce Paradoxe d'Anderson, un texte finalement aussi grotesque que l'injustice sociale qu'il décrit, accessible, bien construit, bien senti, bref, à découvrir sans la moindre hésitation.


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Pascal Manoukian est un auteur que je suis depuis son premier roman Les échoués (Don Quichotte). Pour ce dernier, il a reçu le Prix Première 2016 (prix décerné par une radio éponyme en Belgique pour un premier roman) et ayant moi-même fait partie de ce jury une année, je fais confiance à ces jurés lecteurs.

Après avoir suivi le destin de plusieurs migrants dans Les échoués et après nous avoir plongé au coeur de Daesh dans Ce que tient dans ta main droite t'appartient, Pascal Manoukian aborde avec brio un autre sujet de société important, plus proche de nous : le déclassement social. Alors je vous préviens, si vous êtes un peu déprimé ou si vous aimez les romans feel good, ce roman n'est pas fait pour vous : l'optimisme n'est pas au rendez-vous ! :-p C'est un vrai roman social sur une chute rapide aux enfers dans la misère sociale sur fond de délocalisations, de mondialisation et de lutte des classes.

« le paradoxe d'Anderson est un paradoxe empirique selon lequel l'acquisition par un étudiant d'un diplôme supérieur à celui de son père ne lui assure pas, nécessairement, une position sociale plus élevée. » (Wikipedia)

Ouvriers dans l'Oise, Aline et Christophe perdent leur emploi coup sur coup et se retrouvent sans aucun revenu du jour au lendemain. La chute est rapide… Pour ne pas perturber leur fille qui passe son bac économique (ironie du sort !), ils décident de ne pas en parler à leurs enfants et cela mène à plusieurs scènes rocambolesques. L'auteur a le don de décrire de petits moments de la vie quotidienne, il a l'oeil pour capter ses scènes et les retranscrire dans ses romans. Par exemple, cette scène où un huissier vient chez eux et la mère lui demande de faire semblant de s'intéresser à la construction d'une piscine pour détourner l'attention.

L'auteur dresse donc ici le portrait de la machine à broyer économique, l'humain est mis de côté et l'ouvrier local est dévalorisé. le moral est en berne dans la famille et pourtant, ils font tout pour faire bonne figure et imaginent des combines pour s'en sortir ce qui donne lieu à des situations ubuesques. le petit bémol ? Des scènes invraisemblables et je me suis demandée parfois comment la fille de 17 ans ne se rend compte de rien. Les aventures de « Bonux et Tide » sont quand même tirés par les cheveux mais elles m'ont fait rire et je ne m'attendais pas aux différents rebondissements de l'intrigue. La fin est aussi très réussie et m'a marqué, on se retrouve un peu assommée en le refermant !

Pascal Manoukian sait aussi créer des personnages, on s'y attache de manière indéniable et on vit avec eux leurs angoisses. Poignant ! L'écriture est toujours aussi simple et efficace. D'un style fluide, l'auteur donne une voix, une nouvelle fois, aux oubliés de nos sociétés actuelles.

Bref, ce roman est un vrai cri sur ce qu'est devenu la France profonde aujourd'hui et contre les délocalisations qui mènent à une telle misère sociale dans un milieu durement touché. C'est pessimiste mais certaines situations très concrètes prêtent à sourire et les personnages sont toujours aussi bien dépeints. L'auteur parvient à dresser un portrait social cruel mais d'une justesse incroyable du monde ouvrier.
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Le paradoxe d'Anderson c'est un paradoxe socio-économique qui veut qu'un enfant ayant un diplôme supérieur à celui de ses parents ne sera pas assuré d'avoir une meilleure position sociale. le livre de Pascal Manoukian est donc de facto celui du déclassement et de l'obsolescence ouvrière. Un livre avec un engagement social fort, qui ne plaira pas à tous ceux qui fuient le manichéisme, ou toute forme d'engagement.

En neuf mois, le temps d'une grossesse, on va suivre la descente aux Enfers d'Aline et Christophe, un couple de la classe moyenne apparemment ordinaire, avec ses deux enfants – Léa, qui passe son bac, et Mathis -, leur travail à l'usine – elle dans une fabrique de chaussettes, lui chez Univerre -, leur maison et le crédit qui va avec, les vacances et le prêt à la consommation qui les accompagne. Aline et Christophe, c'est un couple un peu enfantin, qui partage un amour qui semble arrêté au stade adolescent. Un amour immature mais fort, où la présence de l'un apaise automatiquement l'autre.

Mais leur vie bascule le jour où Aline est licenciée (un licenciement qui ne respecte pas les règles du droit du travail mais soit). Elle décide, pour ne pas perturber Léa dans cette année cruciale du bac, de ne rien dire, de faire semblant de maintenir un niveau de vie correct. Il suffira à Christophe de faire un peu plus d'heures à l'usine. Mais au même moment, des rumeurs de délocalisation agitent Univerre. Les syndicalistes sont à la lutte, l'usine fait des bénéfices, alors pourquoi délocaliser ? Et c'est le piquet de grève. Dès lors, le foyer d'Aline et Christophe s'émiette : comment vivre avec seulement la maigre allocation chômage d'Aline ? Au souci d'argent se mêle aussi les autres conséquences du chômage, bien plus insidieuses que le simple besoin pécuniaire : c'est le lent mais inévitable glissement vers le déclassement social, l'isolement et la solitude, la honte et le désespoir qui poussent au pire.

J'aimerai vraiment dire que le paradoxe d'Anderson est un roman génial, mais s'il est loin d'être mauvais, il ne m'a pas vraiment emportée. Il m'a manqué une dose de réalisme pour être vraiment accrochée. Tout va trop vite dans les enchaînements : Aline perd son travail, au même moment Christophe subit la grève, les décisions qu'ils prennent sont ubuesques : elle avait promis à ses parents des fauteuils électriques et une télé à écran plat, elle les achète avec son indemnité ; Léa veut partir à Londres avec son voisin, ils font un crédit pour ne pas la priver ; les huissiers viennent taper à la porte, ils font croire qu'ils vont construire une piscine (je tairai le reste, mais ceux qui l'ont lu comprendront où je veux en venir, surtout par rapport au mois de janvier). Je peux comprendre le besoin de protéger et de préserver, et il y a quelque chose de touchant dans les stratagèmes qu'ils inventent, qu'ils soient seulement pour rêver ou pour rétablir un semblant de justice sociale en jouant les Robin des bois, mais pas au point de fuir toute réalité.

Les personnages sont des archétypes, ils représentent plus qu'ils ne présentent : Aline et Christophe sont le couple ouvrier broyé par la mondialisation, Hobileau est la caricature du patron qui voit des chiffres et non des individus, qui joue au golf (sport de riches par excellence) tandis que les ouvriers grillent des saucisses dans la cour d'Univerre dans l'espoir de défendre leur travail et leur avenir. Et que dire de Léa qui ne se rend compte d'absolument rien, toute accaparée par son amour naissant et son apprentissage du désir ? Autant Mathis est encore un enfant, autant elle est assez grande pour s'apercevoir que son foyer est en crise. Égoïsme adolescent ? Ou est-elle celle qui croit encore en l'ascenseur social et en la méritocratie au point d'être aveugle à la misère de ses parents ?

Le paradoxe d'Anderson est un roman engagé et politique, avec une fibre sociale qui manque parfois à la littérature qui ne s'intéresse plus vraiment à la classe ouvrière. Comme le disait Romain Gary, la littérature a été confisquée par les bourgeois et ne parle plus que des bourgeois. Zola est mort depuis longtemps… Je crois en la sincérité de Pascal Manoukian dans son entreprise, le récit ne triche pas. Mais je pense qu'il aurait gagné beaucoup en introduisant un peu de nuances. Toutefois, malgré mes réserves, je vous invite à découvrir ce roman.
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